lundi 10 juin 2013

Une revue anti-starkienne de la saison 3 de Game of Thrones




Commençons par un double avertissement. Il vaut mieux avoir vu la saison avant de me lire, sauf si vous aimez les spoilers. Deuxième point, je ne parle que de la série, pas des romans. La multiplicité des narrateurs rend peut-être le message plus subtil et donc mes critiques injustifiés, mais je trouve le style de GR Martin abominablement lourd. J’aimerais bien vous dire que j’ai trouvé ça génial, mais ça me tombe des mains. Ce que je respecte toutefois, c’est l’incroyable richesse et la cohérence de l’univers qu’il a créé.

Alors que dire de cette saison ? Même si la série reste d’excellente facture, ça ne vaut pas la 1ère saison. Evidemment, l’émerveillement est un peu passé, et ne peut venir que des nouveaux lieux, d’où l’introduction très progressive des éléments, mais je reste un peu sur ma faim. C’est évidemment une question de goût, mais je trouve que la série trouve son ton dans les intrigues de palais, pas trop dans le reste. Or le reste prend beaucoup de place. 

Autant dire, donc, que la montée en puissance des Tyrell sur la scène politique m’a comblé. Le sens aigu des RP de Margarye, la princesse Diana de Westeros est une idée de génie, et Olenna est un personnage brillant et sarcastique, nécessaire pour remplacer un Tyrion en petite forme. Je trouve d’ailleurs que la meilleure scène de toute la saison, et surtout la meilleure joute, ne vient plus de Tyrion : c’est la confrontation entre Olenna Tyrell et Tywin Lannister. 

Déjà parce que Charles Dance et Diana Rigg sont au mieux de leur forme. La violence et la politesse atteignent des sommets plutôt rares dans la série, et je trouve le dernier plan très intéressant sur le plan symbolique. Olenna brise la plume qui permettrait à Tywinn de faire nommer son petit-fils garde du roi, preuve qu’elle accepte le mariage avec Cersei. Par ce geste, elle confirme le pouvoir du contrat oral sur le contrat écrit, et donc le règne de la politique de cour, sans traces donc sans preuves. Une chose que ce bon vieux Ned avait du mal à comprendre.

Venons-en donc au sujet qui fâche, les Stark. Ned, Ned, Ned… Un garçon sympathique, quoique bourru et têtu comme une mule. Certes son exécution n’était pas morale, mais la morale n’est pas exactement ce qui caractérise Joffrey Baratheon – un personnage qui lui aussi faiblit, du fait de son manque de nuance, psychopathe violent qui préfère la torture au sexe et point barre. 

Elle n’est pas morale précisément parce que Ned Stark était le seul joueur qui ne triche pas de la partie. Mais la série pose en permanence la question de la limite de la morale personnelle face à la protection d’un ensemble qu’est le royaume. Elle y répond d’ailleurs de façon élégante dans cette saison, quand Jaime Lannister donne enfin sa version de la mort du roi Targaryen. Ce meurtre en soi n’était pas moral, mais il était nécessaire. Certes les circonstances sont différentes, mais Ned aurait dû comprendre que la sauvegarde de l’intérêt général impliquait quelques entorses à ses principes personnels.

Mais que dire, dans ce cas, de Robb, de Catelyn, de Jon Snow ou même d’Arya ? Je ne parlerai pas ici de Bran et de ses tours de passe-passe, qui n’ont pour le moment qu’un intérêt très limité. Si j’en crois les lecteurs du roman, vu l’avancée des choses, le personnage pourrait, je dis bien pourrait, commencer à susciter autre chose qu’ennui poli et embarrassé dans la saison 6 en 2016 ou la suivante.

Les quatre sont caractérisés par la même faille de caractère : ils prétendent raisonner selon des valeurs claires, puis appliquent ce prisme unique de leurs valeurs dans leur jugement de tous les autres, mais s’assoient gentiment sur les dits principes dès que leur petite personne est en cause. Ce qui est, par parenthèse, très exactement le contraire des Lannister, qui privilégient les alliances, et donc la stabilité du pouvoir, à leurs amours. La vision du pouvoir de Tywin est d’ailleurs une vision au niveau de Westeros, là où Robb pense toujours local.

Commençons par Robb, donc. La totalité de son projet politique vise à faire sécession pour venger la mort de son père. Quand on sait que Ned Stark était un hystérique des procédures et des codes, voir que le type qui est en principe le « Protecteur du Nord », titre des Stark, fait sécession, ça lui ferait bien mal.
C’est ensuite un stratège de merde, qui n’écoute jamais personne et ne s’applique pas ses propres principes. Comment peut-il espérer que les autres lui fassent confiance ? Entre le refus de négocier avec Greyjoy, contre l’avis de tous ses conseillers, la trahison de Frey, contre l’avis de tous ses conseillers, et l’exécution stupide de Castark, ça alors, contre l’avis de tous, il aura quand même réussi à se faire ravager ses terres et brûler son château, et à mettre le peuple dans un tel état de famine que la Confrérie Sans Bannières est née. Chapeau ! Après, quand il explique à Edmure Tully que son mariage avec une Frey est nécessaire pour l’alliance, alors que lui-même a largement mis l’alliance la plus capitale de son plan de côté pour épouser une roturière, je trouve que les Tully sont quand même de bonne composition d’accepter! 

Catelyn n’arrange pas les choses, puisque sous couvert de soutenir son fils, elle ne pousse qu’un agenda flou, qui oscille entre vengeance et protection de ses filles, selon l’humeur du jour, et bien entendu sans plan d’action global. Sa petite plaisanterie de libérer le seul otage valable, Jaime, aura d’ailleurs eu un résultat inattendu, sceller l’alliance secrète entre les Lannister et les Bolton. Là encore, bravo pour la coordination des actions et la vision d’ensemble.

Nous avons ensuite Arya, qui se sert gentiment de ses deux potes et continue à traiter Sandor Clegane comme de la merde. Certes, il est un peu abrupt dans ses propos, encore que, je le trouve plutôt paternel, mais il n’arrête pas de lui sauver les miches. Ce qu’il avait déjà d’ailleurs fait pour Sansa. De façon intéressante, en se moquant éperdument de la noblesse et en lui préférant la loyauté, il agit plus en conformité avec ce que les Stark prétendent défendre.

Jon Snow enfin, semi-Stark, part en mission d’infiltration, plutôt réussie. Mais en chemin, tiens, tiens, il se trouve une petite sauvageonne et fait ses petites affaires dans les grottes. Ben tiens, l’excuse du « je l’ai baisée pour casser mon vœu pour mieux me faire accepter », elle est un peu facile. Il n’hésite d’ailleurs pas à l’abandonner, malgré tous ses serments. Toujours une vision de court terme… 

A l’inverse, la stratégie d’alliance des Lannister vise à verrouiller et à réunir les 7 royaumes, ce qui me semble un peu plus conforme aux rôles des grandes maisons. Il est d’ailleurs ironique que Sansa devienne une Lannister, à son corps défendant, certes. C’est la seule à avoir toujours trouvé que sa famille était une bande de bouseux, et c’est la seule qui tiendra le rôle qu’on attend d’un héritier de maison nobiliaire, à savoir en épouser un autre pour renforcer les liens de pouvoir, là où ses frères préfèrent courir la gueuse ou partir en vadrouille.

Bref, je continue à apprécier l’aspect politique de la série, et notamment toute l’intrigue entre Baelysh, les Tyrell et les Lannister sur le mariage de Loras Tyrell (un personnage que je trouve éminemment sympathique,  je me demande bien pourquoi) et Sansa Stark. Daenerys monte en puissance, et je commence à trouver l’ambigüité de sa position intéressante, entre conquête et libération. L’ordre d’attaque d’Astrapos est d’ailleurs l’une des meilleures scènes de la saison. On continue à tisser mine de rien des nouveaux liens, à creuser les histoires, notamment celle de Varys, qui reste aussi un de mes favoris. C’est ce qui rend la série très attirante malgré certains défauts, cette toile de fond extrêmement riche.

Reste cela dit à savoir comment la série va survivre au Red Wedding, puisqu’elle vient de perdre son principal axe d’opposition, la rébellion des Stark. Je me rassure en me disant que des axes d’opposition, il lui en reste d’autres… La saison n’est d’ailleurs pas finie, il reste en principe un second mariage intéressant avant les vacances, sauf à ce que HBO en fasse l’ouverture de la saison 4. C’est une option assez cohérente thématiquement, puisque le Red Wedding de la semaine dernière a mis fin à la rébellion des Stark, et que le mariage royal ouvre un conflit différent. Mais avec un épisode 9 aussi fort, pour susciter l’intérêt, il faut un gros cliffhanger dans le season finale.

Je le répète, je n’ai pas lu les bouquins, mais compte tenu des exigences de l’écriture propre à la série télé, il va falloir envisager de s’en éloigner progressivement. Déjà, le problème du rythme se pose. La série avance trop vite pour le débit d’écriture de l’auteur. A raison d’un volume par saison, la série aura rattrapé les romans en juin 2015. Quand on sait qu’il faut en moyenne 5 ans à Martin pour pondre un volume, on peut se dire que pour la saison 6, ça va être un calendrier tendu, mais envisageable. Mais pour la 7, c’est râpé. Or Martin insiste sur le fait que sa saga fait 7 volumes, et qu’il ne boucle pas tout dans le 6 prévu pour 2014.

Cela dit, les adaptateurs peuvent s’en tirer en partant du principe qu’une série à casting choral aussi riche ne peut avoir de fin, comme ont tenté de le démontrer dans des genres différents Oz, les Sopranos puis Lost. Toute fascinante qu’elle soit, la lutte en cours ne serait  qu’un épisode de l’histoire de Westeros parmi tant d’autres. Les familles, ça va, ça vient. La fameuse chanson  The Rains of Castamere, en filigrane depuis deux saisons, est là pour nous le prouver…

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