Commençons par un double avertissement. Il vaut mieux avoir
vu la saison avant de me lire, sauf si vous aimez les spoilers. Deuxième point,
je ne parle que de la série, pas des romans. La multiplicité des narrateurs
rend peut-être le message plus subtil et donc mes critiques injustifiés, mais
je trouve le style de GR Martin abominablement lourd. J’aimerais bien vous dire
que j’ai trouvé ça génial, mais ça me tombe des mains. Ce que je respecte toutefois,
c’est l’incroyable richesse et la cohérence de l’univers qu’il a créé.
Alors que dire de cette saison ? Même si la série reste
d’excellente facture, ça ne vaut pas la 1ère saison. Evidemment,
l’émerveillement est un peu passé, et ne peut venir que des nouveaux lieux,
d’où l’introduction très progressive des éléments, mais je reste un peu sur ma
faim. C’est évidemment une question de goût, mais je trouve que la série trouve
son ton dans les intrigues de palais, pas trop dans le reste. Or le reste prend
beaucoup de place.
Autant dire, donc, que la montée en puissance des Tyrell sur
la scène politique m’a comblé. Le sens aigu des RP de Margarye, la princesse
Diana de Westeros est une idée de génie, et Olenna est un personnage brillant
et sarcastique, nécessaire pour remplacer un Tyrion en petite forme. Je trouve
d’ailleurs que la meilleure scène de toute la saison, et surtout la meilleure
joute, ne vient plus de Tyrion : c’est la confrontation entre Olenna
Tyrell et Tywin Lannister.
Déjà parce que Charles Dance et Diana Rigg sont au mieux de
leur forme. La violence et la politesse atteignent des sommets plutôt rares
dans la série, et je trouve le dernier plan très intéressant sur le plan
symbolique. Olenna brise la plume qui permettrait à Tywinn de faire nommer son
petit-fils garde du roi, preuve qu’elle accepte le mariage avec Cersei. Par ce
geste, elle confirme le pouvoir du contrat oral sur le contrat écrit, et donc
le règne de la politique de cour, sans traces donc sans preuves. Une chose que
ce bon vieux Ned avait du mal à comprendre.
Venons-en donc au sujet qui fâche, les Stark. Ned, Ned, Ned…
Un garçon sympathique, quoique bourru et têtu comme une mule. Certes son exécution
n’était pas morale, mais la morale n’est pas exactement ce qui caractérise Joffrey
Baratheon – un personnage qui lui aussi faiblit, du fait de son manque de
nuance, psychopathe violent qui préfère la torture au sexe et point barre.
Elle n’est pas morale précisément parce que Ned Stark était
le seul joueur qui ne triche pas de la partie. Mais la série pose en permanence
la question de la limite de la morale personnelle face à la protection d’un
ensemble qu’est le royaume. Elle y répond d’ailleurs de façon élégante dans
cette saison, quand Jaime Lannister donne enfin sa version de la mort du roi
Targaryen. Ce meurtre en soi n’était pas moral, mais il était nécessaire.
Certes les circonstances sont différentes, mais Ned aurait dû comprendre que la
sauvegarde de l’intérêt général impliquait quelques entorses à ses principes
personnels.
Mais que dire, dans ce cas, de Robb, de Catelyn, de Jon Snow
ou même d’Arya ? Je ne parlerai pas ici de Bran et de ses tours de
passe-passe, qui n’ont pour le moment qu’un intérêt très limité. Si j’en crois
les lecteurs du roman, vu l’avancée des choses, le personnage pourrait, je dis
bien pourrait, commencer à susciter autre chose qu’ennui poli et embarrassé
dans la saison 6 en 2016 ou la suivante.
Les quatre sont caractérisés par la même faille de
caractère : ils prétendent raisonner selon des valeurs claires, puis
appliquent ce prisme unique de leurs valeurs dans leur jugement de tous
les autres, mais s’assoient gentiment sur les dits principes dès que leur
petite personne est en cause. Ce qui est, par parenthèse, très exactement le
contraire des Lannister, qui privilégient les alliances, et donc la stabilité
du pouvoir, à leurs amours. La vision du pouvoir de Tywin est d’ailleurs une
vision au niveau de Westeros, là où Robb pense toujours local.
Commençons par Robb, donc. La totalité de son projet
politique vise à faire sécession pour venger la mort de son père. Quand on sait
que Ned Stark était un hystérique des procédures et des codes, voir que le type
qui est en principe le « Protecteur du Nord », titre des Stark, fait
sécession, ça lui ferait bien mal.
C’est ensuite un stratège de merde, qui n’écoute jamais
personne et ne s’applique pas ses propres principes. Comment peut-il espérer
que les autres lui fassent confiance ? Entre le refus de négocier avec
Greyjoy, contre l’avis de tous ses conseillers, la trahison de Frey, contre
l’avis de tous ses conseillers, et l’exécution stupide de Castark, ça alors, contre
l’avis de tous, il aura quand même réussi à se faire ravager ses terres et
brûler son château, et à mettre le peuple dans un tel état de famine que la
Confrérie Sans Bannières est née. Chapeau ! Après, quand il explique à
Edmure Tully que son mariage avec une Frey est nécessaire pour l’alliance,
alors que lui-même a largement mis l’alliance la plus capitale de son plan de
côté pour épouser une roturière, je trouve que les Tully sont quand même de
bonne composition d’accepter!
Catelyn n’arrange pas les choses, puisque sous couvert de
soutenir son fils, elle ne pousse qu’un agenda flou, qui oscille entre
vengeance et protection de ses filles, selon l’humeur du jour, et bien entendu
sans plan d’action global. Sa petite plaisanterie de libérer le seul otage
valable, Jaime, aura d’ailleurs eu un résultat inattendu, sceller l’alliance
secrète entre les Lannister et les Bolton. Là encore, bravo pour la
coordination des actions et la vision d’ensemble.
Nous avons ensuite Arya, qui se sert gentiment de ses deux
potes et continue à traiter Sandor Clegane comme de la merde. Certes, il est un
peu abrupt dans ses propos, encore que, je le trouve plutôt paternel, mais il
n’arrête pas de lui sauver les miches. Ce qu’il avait déjà d’ailleurs fait pour
Sansa. De façon intéressante, en se moquant éperdument de la noblesse et en lui
préférant la loyauté, il agit plus en conformité avec ce que les Stark
prétendent défendre.
Jon Snow enfin, semi-Stark, part en mission d’infiltration,
plutôt réussie. Mais en chemin, tiens, tiens, il se trouve une petite
sauvageonne et fait ses petites affaires dans les grottes. Ben tiens, l’excuse
du « je l’ai baisée pour casser mon vœu pour mieux me faire accepter »,
elle est un peu facile. Il n’hésite d’ailleurs pas à l’abandonner, malgré tous
ses serments. Toujours une vision de court terme…
A l’inverse, la stratégie d’alliance des Lannister vise à
verrouiller et à réunir les 7 royaumes, ce qui me semble un peu plus conforme
aux rôles des grandes maisons. Il est d’ailleurs ironique que Sansa devienne
une Lannister, à son corps défendant, certes. C’est la seule à avoir toujours
trouvé que sa famille était une bande de bouseux, et c’est la seule qui tiendra
le rôle qu’on attend d’un héritier de maison nobiliaire, à savoir en épouser un
autre pour renforcer les liens de pouvoir, là où ses frères préfèrent courir la
gueuse ou partir en vadrouille.
Bref, je continue à apprécier l’aspect politique de la
série, et notamment toute l’intrigue entre Baelysh, les Tyrell et les Lannister
sur le mariage de Loras Tyrell (un personnage que je trouve éminemment
sympathique, je me demande bien
pourquoi) et Sansa Stark. Daenerys monte en puissance, et je commence à trouver
l’ambigüité de sa position intéressante, entre conquête et libération. L’ordre
d’attaque d’Astrapos est d’ailleurs l’une des meilleures scènes de la saison.
On continue à tisser mine de rien des nouveaux liens, à creuser les histoires,
notamment celle de Varys, qui reste aussi un de mes favoris. C’est ce qui rend
la série très attirante malgré certains défauts, cette toile de fond
extrêmement riche.
Reste cela dit à savoir comment la série va survivre au Red
Wedding, puisqu’elle vient de perdre son principal axe d’opposition, la
rébellion des Stark. Je me rassure en me disant que des axes d’opposition, il
lui en reste d’autres… La saison n’est d’ailleurs pas finie, il reste en
principe un second mariage intéressant avant les vacances, sauf à ce que HBO en
fasse l’ouverture de la saison 4. C’est une option assez cohérente
thématiquement, puisque le Red Wedding de la semaine dernière a mis fin à la
rébellion des Stark, et que le mariage royal ouvre un conflit différent. Mais
avec un épisode 9 aussi fort, pour susciter l’intérêt, il faut un gros
cliffhanger dans le season finale.
Je le répète, je n’ai pas lu les bouquins, mais compte tenu
des exigences de l’écriture propre à la série télé, il va falloir envisager de
s’en éloigner progressivement. Déjà, le problème du rythme se pose. La série
avance trop vite pour le débit d’écriture de l’auteur. A raison d’un volume par
saison, la série aura rattrapé les romans en juin 2015. Quand on sait qu’il
faut en moyenne 5 ans à Martin pour pondre un volume, on peut se dire que pour
la saison 6, ça va être un calendrier tendu, mais envisageable. Mais pour la 7,
c’est râpé. Or Martin insiste sur le fait que sa saga fait 7 volumes, et qu’il
ne boucle pas tout dans le 6 prévu pour 2014.
Cela dit, les adaptateurs peuvent s’en tirer en partant du
principe qu’une série à casting choral aussi riche ne peut avoir de fin, comme
ont tenté de le démontrer dans des genres différents Oz, les Sopranos puis Lost. Toute fascinante qu’elle soit, la
lutte en cours ne serait qu’un épisode
de l’histoire de Westeros parmi tant d’autres. Les familles, ça va, ça vient.
La fameuse chanson The Rains of Castamere, en filigrane depuis deux saisons, est là
pour nous le prouver…
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