Le genre :
José Dayan avec du talent et des moyens
Pour commencer, je préciserai que si Gatsby Le Magnifique est l’œuvre la plus connue de Fitzgerald,
c’est loin d’en être la meilleure. Mais sa forme de roman court a permis de la
mettre dans les programmes des lycées, après la guerre, ce qui a largement
contribué à son succès, alors qu’à la sortie, le roman fut un échec public et
critique. Fitzgerald est d’ailleurs mort en 40 persuadé d’être un auteur raté.
Pourquoi le dire ? Parce que Gatsby est un roman assez
curieux, dont Fitzgerald reconnaissait volontiers que les personnages féminins
étaient mal travaillés. Et contrairement à l’image qu’on se fait des années 20
et du roman, c’est une œuvre plutôt intimiste qui porte assez peu sur les
fêtes, l’essentiel de l’action ayant lieu dans des chambres d’hôtels ou lors de
déjeuners. Autant dire donc que Baz Luhrmann était tout indiqué pour adapter
une partie du roman, mais pas son ensemble.
Or il choisit de respecter à la lettre la construction de
Fizgerald, ce qui est une erreur. La première partie est somptueuse,
visuellement étourdissante, on est happé comme le narrateur Nick dans ce luxe
délirant, où l’œil ne peut même pas tout appréhender. La B.O. est parfaite,
puise dans tous les styles et réinventions du jazz avec l’électro et le hip hop
pour souligner le délire, la vitalité incroyable et le mélange social que sont
les fêtes de Gatsby. La rencontre entre Gatsby et Daisy suit le même délire
visuel, propre à la personnalité de Gatsby, dans une scène très drôle dans sa
profusion, puis très touchante quand les masques tombent.
C’est après que le bât blesse. Ce bon vieux Baz veut rester
sur sa matière visuelle, mais le roman lui en fournit peu d’occasions. Il va
donc les chercher de façon assez artificielle, en faisant de chaque déplacement
en voiture une course en F1, ou en ajoutant des effets de superposition en 3D du
texte, totalement inutiles, pour que l’on comprenne bien que Nick est en train
d’écrire le roman de Fitzgerald (un parti-pris discutable, mais passons).
Du point de vue du jeu, tout le monde est à sa place, Di
Caprio rend bien dans son regard, et jusqu’au bout, l’incroyable espoir de
Gatsby et son côté tragique, et Tobey Maguire joue bien la niaiserie de Nick.
Carrie Mulligan campe une Daisy tête à claque, mais en même temps, que dire de
Daisy sinon qu’elle est tête à claque, indécise, snob et égoïste ?
D’une certaine façon, ce film me plaît beaucoup par la
fidélité. Je suis consterné des critiques qui trouvent l’histoire d’amour un
peu fade. Evidemment, qu’elle est fade ! Vous allez lu le roman ? Une
riche écervelée qui ne pense qu’au blé et un parvenu pour qui l’argent est le
seul moyen de la séduire, vous vous attendiez à quoi ? Gatsby n’est pas un
roman d’amour, c’est un roman sur la lutte de classes entre vieil argent et
jeune fortune.
C’est surtout le roman d’éducation sociale d’un jeune
écrivain qui comprend que les valeurs traditionnelles de sa classe ne sont
peut-être pas si justes. Plus que Gatsby, dont la transformation ne servira
finalement à rien pour lui, le personnage central, c’est Nick, qui sera le seul
à voir dans Gatsby ce qui le rend différent, et saura s’en nourrir pour se
créer une opinion propre. C’est cette vision, cette opinion, qui différencie
Nick de tous les autres personnages, qui raisonnent comme la société leur
impose de raisonner.
C’est précisément ce qui me plaît ici. Si Luhrmann n’a pas
choisi de mettre la romance au centre de son film, il a néanmoins fait un
choix, prendre la fascination de Nick pour Gatsby comme le principal angle de
vision. Et, de la même façon que Gatsby étourdit Nick, le réalisateur prend le
parti de nous étourdir par son style, son luxe, son délire.
Luhrmann, précisément parce qu’il épouse la vision de Nick,
met en opposition visuelle le luxe sage des Buchanan, vieille fortune avec maison
coloniale, valets noirs, musique classique et costumes sombres, à l’exubérance
du parvenu Gatsby, en costume clair, ami avec toute la société y compris les noirs,
entouré de musique moderne et de paillettes, et nous fait immédiatement épouser
la vision ébahie de Nick, pour nous ranger du côté d’un Gatsby tellement
plus charmant et drôle.
Cela dit, ce principe finit par échapper au contrôle du
réalisateur et le film s’écroule comme le château de Gatsby. On en vient assez
rapidement à se demander pourquoi tout ça ? La machine délirante et
boursouflée tourne un peu à vide et tente de cannibaliser le moindre élément
visuel pour se relancer, au point qu'elle passe à côté d’un élément clé, le pathétique et la mélancolie
propres à Fitzgerald.
C’est sur ce point que le film prend un parti-pris différent
du roman, il fait de Gatsby, le transgresseur de codes, un héros positif. Or ce
qui n’est, à mon avis, pas vraiment l’opinion de Fitzgerald. Dans son cynisme,
Fitzgerald a toujours semblé penser que ceux qui essayaient de sortir de leur
rang finissaient mal. Il ne les condamne pas explicitement, mais constate que
ces tentatives sont vaines.
Comme le soulignait un critique, Baz Luhrmann est bourré
d’idée, son problème est qu’il ne sait pas faire la différence entre les bonnes
et les mauvaises. Je comprends qu’on ait pu détester le film, je lui garde
malgré tout une certaine estime, ne serait-ce que pour avoir tenté, pris des
risques.
Ce qui me fait sourire, c’est que Baz Luhrmann, en faisant
de Gastby son héros, commet très précisément l’erreur de Gatsby : croire
que ce seul étalage de luxe lui permettra d’éblouir, et donc de conquérir le cœur
de son public. Un bel OVNI, mais dont la réalisation, quelles que soient ses
qualités, n’est pas adaptée au texte. Si
Baz veut se frotter de nouveau à Fitzgerald, un Diamant gros comme le Ritz pourrait lui convenir.
La minute geek :
C’est amusant, cette voiture jaune que conduit Gatsby. Dans à peu près tous
les GTA-like qui se passent dans les années 20-30, de Mafia au Parrain, on finit immanquablement
par la conduire !
La minute sériephile :
pas trop d’inspiration, là !
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