mercredi 29 mai 2013

Baz Luhrmann le Magnifique




Le genre : José Dayan avec du talent et des moyens

Pour commencer, je préciserai que si Gatsby Le Magnifique est l’œuvre la plus connue de Fitzgerald, c’est loin d’en être la meilleure. Mais sa forme de roman court a permis de la mettre dans les programmes des lycées, après la guerre, ce qui a largement contribué à son succès, alors qu’à la sortie, le roman fut un échec public et critique. Fitzgerald est d’ailleurs mort en 40 persuadé d’être un auteur raté.

Pourquoi le dire ? Parce que Gatsby est un roman assez curieux, dont Fitzgerald reconnaissait volontiers que les personnages féminins étaient mal travaillés. Et contrairement à l’image qu’on se fait des années 20 et du roman, c’est une œuvre plutôt intimiste qui porte assez peu sur les fêtes, l’essentiel de l’action ayant lieu dans des chambres d’hôtels ou lors de déjeuners. Autant dire donc que Baz Luhrmann était tout indiqué pour adapter une partie du roman, mais pas son ensemble.

Or il choisit de respecter à la lettre la construction de Fizgerald, ce qui est une erreur. La première partie est somptueuse, visuellement étourdissante, on est happé comme le narrateur Nick dans ce luxe délirant, où l’œil ne peut même pas tout appréhender. La B.O. est parfaite, puise dans tous les styles et réinventions du jazz avec l’électro et le hip hop pour souligner le délire, la vitalité incroyable et le mélange social que sont les fêtes de Gatsby. La rencontre entre Gatsby et Daisy suit le même délire visuel, propre à la personnalité de Gatsby, dans une scène très drôle dans sa profusion, puis très touchante quand les masques tombent.

C’est après que le bât blesse. Ce bon vieux Baz veut rester sur sa matière visuelle, mais le roman lui en fournit peu d’occasions. Il va donc les chercher de façon assez artificielle, en faisant de chaque déplacement en voiture une course en F1, ou en ajoutant des effets de superposition en 3D du texte, totalement inutiles, pour que l’on comprenne bien que Nick est en train d’écrire le roman de Fitzgerald (un parti-pris discutable, mais passons).

Du point de vue du jeu, tout le monde est à sa place, Di Caprio rend bien dans son regard, et jusqu’au bout, l’incroyable espoir de Gatsby et son côté tragique, et Tobey Maguire joue bien la niaiserie de Nick. Carrie Mulligan campe une Daisy tête à claque, mais en même temps, que dire de Daisy sinon qu’elle est tête à claque, indécise, snob et égoïste ?

D’une certaine façon, ce film me plaît beaucoup par la fidélité. Je suis consterné des critiques qui trouvent l’histoire d’amour un peu fade. Evidemment, qu’elle est fade ! Vous allez lu le roman ? Une riche écervelée qui ne pense qu’au blé et un parvenu pour qui l’argent est le seul moyen de la séduire, vous vous attendiez à quoi ? Gatsby n’est pas un roman d’amour, c’est un roman sur la lutte de classes entre vieil argent et jeune fortune. 

C’est surtout le roman d’éducation sociale d’un jeune écrivain qui comprend que les valeurs traditionnelles de sa classe ne sont peut-être pas si justes. Plus que Gatsby, dont la transformation ne servira finalement à rien pour lui, le personnage central, c’est Nick, qui sera le seul à voir dans Gatsby ce qui le rend différent, et saura s’en nourrir pour se créer une opinion propre. C’est cette vision, cette opinion, qui différencie Nick de tous les autres personnages, qui raisonnent comme la société leur impose de raisonner.

C’est précisément ce qui me plaît ici. Si Luhrmann n’a pas choisi de mettre la romance au centre de son film, il a néanmoins fait un choix, prendre la fascination de Nick pour Gatsby comme le principal angle de vision. Et, de la même façon que Gatsby étourdit Nick, le réalisateur prend le parti de nous étourdir par son style, son luxe, son délire. 

Luhrmann, précisément parce qu’il épouse la vision de Nick, met en opposition visuelle le luxe sage des Buchanan, vieille fortune avec maison coloniale, valets noirs, musique classique et costumes sombres, à l’exubérance du parvenu Gatsby, en costume clair, ami avec toute la société y compris les noirs, entouré de musique moderne et de paillettes, et nous fait immédiatement épouser la vision ébahie de Nick, pour nous ranger du côté d’un Gatsby tellement plus charmant et drôle. 

Cela dit, ce principe finit par échapper au contrôle du réalisateur et le film s’écroule comme le château de Gatsby. On en vient assez rapidement à se demander pourquoi tout ça ? La machine délirante et boursouflée tourne un peu à vide et tente de cannibaliser le moindre élément visuel pour se relancer, au point qu'elle passe à côté d’un élément clé, le pathétique et la mélancolie propres à Fitzgerald. 

C’est sur ce point que le film prend un parti-pris différent du roman, il fait de Gatsby, le transgresseur de codes, un héros positif. Or ce qui n’est, à mon avis, pas vraiment l’opinion de Fitzgerald. Dans son cynisme, Fitzgerald a toujours semblé penser que ceux qui essayaient de sortir de leur rang finissaient mal. Il ne les condamne pas explicitement, mais constate que ces tentatives sont vaines.

Comme le soulignait un critique, Baz Luhrmann est bourré d’idée, son problème est qu’il ne sait pas faire la différence entre les bonnes et les mauvaises. Je comprends qu’on ait pu détester le film, je lui garde malgré tout une certaine estime, ne serait-ce que pour avoir tenté, pris des risques. 

Ce qui me fait sourire, c’est que Baz Luhrmann, en faisant de Gastby son héros, commet très précisément l’erreur de Gatsby : croire que ce seul étalage de luxe lui permettra d’éblouir, et donc de conquérir le cœur de son public. Un bel OVNI, mais dont la réalisation, quelles que soient ses qualités, n’est pas adaptée au texte.  Si Baz veut se frotter de nouveau à Fitzgerald, un Diamant gros comme le Ritz pourrait lui convenir.

La minute geek : C’est amusant, cette voiture jaune que conduit Gatsby. Dans à peu près tous les GTA-like qui se passent dans les années 20-30,  de Mafia au Parrain, on finit immanquablement par la conduire ! 

La minute sériephile : pas trop d’inspiration, là !

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