Je sais, la pièce est en relâche, mais elle reprend en
septembre, et il faut aller la voir. Parce que c’est intelligent et
drôle. Cinq comédiens ont fait le pari de présenter Racine en onze tableaux,
chacun issu d’une pièce différente, et avec onze mises en scènes différentes,
et toujours décalées.
Etant un pro-racinien depuis longtemps, j’étais assez
sceptique. Mais je me suis suffisamment tapé de mises en scènes de Racine
indigestes et pompeuses dans des théâtres réputés pour donner sa chance à un
parti-pris plus radical. Ça ne va pas dans le même sens, a priori, que ce que
je disais du Fil à la Patte, mais les choses sont simples pour moi : soit
une mise en scène est classique, soit elle est décalée. Mais certainement pas
les deux. Ajouter du sabre laser ou du kung fu dans une mise en scène en
costume, c’est tout simplement grotesque. Transposer Bérénice sur Naboo, c’est
casse-gueule, mais ça peut marcher (attention, je dis bien ça peut).
Onze tableaux, donc, pour présenter les caractéristiques de
l’œuvre de Racine, en tentant la mise en scène journalistique, la comédie
musicale, le cours de comédie. La pièce ne pourrait pas marcher si les
comédiens, et le créateur de la pièce ne connaissaient pas parfaitement la
logique racinienne. Fort heureusement, ils la comprennent, et l’aiment
suffisamment pour s’en moquer.
La pièce est donc à la fois très drôle pour les connaisseurs
des mécaniques classiques, et pour les profanes, parce qu’elle joue, avec une
certaine férocité sur les clichés du théâtre classique et de sa mise en scène.
Exemples, le tableau sur Mithridate, essentiellement axés sur le garde qui n’a
pas de répliques, ou encore le tableau sur le rôle des confidents. Mention
spéciale au metteur en scène intello pour qui tout Andromaque se résume dans le
« Oui » qui entame l’une des répliques d’Oreste, « jaillissement
du verbe ».
Les comédiens n’hésitent pas à se moquer ouvertement de
certains aspects dramatiques, notamment la totale absence de la moindre action
ou péripétie dans Bérénice, ou les trop nombreux retournements de situation d’Iphigénie,
mais montrent aussi leur tendresse pour ce théâtre. Quand vient le tableau
final, monté lui de façon tout-à-fait classique, l’oreille s’est habituée au
vers, à la mécanique tragique. Et l’émotion est présente, dans cette scène
archi-classique de l’aveu de Phèdre à Oenone. Pourtant là encore, le metteur en
scène a l’intelligence de désamorcer tout son effet, par une pirouette
désinvolte.
Racine contient certains des plus beaux moments d’émotion du
répertoire classique, en haine comme en amour. C’est pour moi le sens de cette
pirouette : vous vous êtes amusés, mais vous avez ressenti l’émotion de
Phèdre. Vous êtes prêts à vous lancer dans le vrai Racine.
Du théâtre drôle, cultivé et pédagogique, que demander de
plus ? Certainement plus efficace pour convaincre que caster cette vieille
peau de Dominique Blanc pour jouer Phèdre, personnage qui ne doit pas avoir
bien plus de 20 ans –voire plutôt 17. Mais ça c’est aussi le problème de
l’establishment théâtral français, c’est un beau rôle de tragédienne, donc on
le confie à quelqu’un d’arrivé, la vraisemblance, on s’en cogne !
La minute geek et la minute du sériephile: j'ai beau creuser, je ne vois pas. Une des comédiennes a fait un épisode de Camping Paradis, mais bon...
La minute geek et la minute du sériephile: j'ai beau creuser, je ne vois pas. Une des comédiennes a fait un épisode de Camping Paradis, mais bon...
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