mardi 7 août 2012

Racine, par la racine



Je sais, la pièce est en relâche, mais elle reprend en septembre, et il faut aller la voir. Parce que c’est intelligent et drôle. Cinq comédiens ont fait le pari de présenter Racine en onze tableaux, chacun issu d’une pièce différente, et avec onze mises en scènes différentes, et toujours décalées.

Etant un pro-racinien depuis longtemps, j’étais assez sceptique. Mais je me suis suffisamment tapé de mises en scènes de Racine indigestes et pompeuses dans des théâtres réputés pour donner sa chance à un parti-pris plus radical. Ça ne va pas dans le même sens, a priori, que ce que je disais du Fil à la Patte, mais les choses sont simples pour moi : soit une mise en scène est classique, soit elle est décalée. Mais certainement pas les deux. Ajouter du sabre laser ou du kung fu dans une mise en scène en costume, c’est tout simplement grotesque. Transposer Bérénice sur Naboo, c’est casse-gueule, mais ça peut marcher (attention, je dis bien ça peut).

Onze tableaux, donc, pour présenter les caractéristiques de l’œuvre de Racine, en tentant la mise en scène journalistique, la comédie musicale, le cours de comédie. La pièce ne pourrait pas marcher si les comédiens, et le créateur de la pièce ne connaissaient pas parfaitement la logique racinienne. Fort heureusement, ils la comprennent, et l’aiment suffisamment pour s’en moquer.

La pièce est donc à la fois très drôle pour les connaisseurs des mécaniques classiques, et pour les profanes, parce qu’elle joue, avec une certaine férocité sur les clichés du théâtre classique et de sa mise en scène. Exemples, le tableau sur Mithridate, essentiellement axés sur le garde qui n’a pas de répliques, ou encore le tableau sur le rôle des confidents. Mention spéciale au metteur en scène intello pour qui tout Andromaque se résume dans le « Oui » qui entame l’une des répliques d’Oreste, « jaillissement du verbe ».

Les comédiens n’hésitent pas à se moquer ouvertement de certains aspects dramatiques, notamment la totale absence de la moindre action ou péripétie dans Bérénice, ou les trop nombreux retournements de situation d’Iphigénie, mais montrent aussi leur tendresse pour ce théâtre. Quand vient le tableau final, monté lui de façon tout-à-fait classique, l’oreille s’est habituée au vers, à la mécanique tragique. Et l’émotion est présente, dans cette scène archi-classique de l’aveu de Phèdre à Oenone. Pourtant là encore, le metteur en scène a l’intelligence de désamorcer tout son effet, par une pirouette désinvolte.

Racine contient certains des plus beaux moments d’émotion du répertoire classique, en haine comme en amour. C’est pour moi le sens de cette pirouette : vous vous êtes amusés, mais vous avez ressenti l’émotion de Phèdre. Vous êtes prêts à vous lancer dans le vrai Racine. 

Du théâtre drôle, cultivé et pédagogique, que demander de plus ? Certainement plus efficace pour convaincre que caster cette vieille peau de Dominique Blanc pour jouer Phèdre, personnage qui ne doit pas avoir bien plus de 20 ans –voire plutôt 17. Mais ça c’est aussi le problème de l’establishment théâtral français, c’est un beau rôle de tragédienne, donc on le confie à quelqu’un d’arrivé, la vraisemblance, on s’en cogne !

La minute geek et la minute du sériephile: j'ai beau creuser, je ne vois pas. Une des comédiennes a fait un épisode de Camping Paradis, mais bon...

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