mercredi 6 août 2014

Au premier regard... Mais qui écrit les titres, bordel ?


Le genre: ce que je voudrais garder de nous c'est le sucre et le miel



Dans la torpeur de la fin d’été de Sao Paulo, le jeune Leo, un adolescent aveugle tombe amoureux de son camarade de classe Gabriel. Problème, deviner si des sentiments sont réciproques n’est déjà pas évident quand on est ado, alors quand on ne voit même pas l’objet de son affection…

Évidemment, ce scénario, par sa double composante homo/handicap sent le film indé entre intimisme et militantisme, et a pu faire fuir plus d’un de mes habituels camarades de ciné. C’est dommage, parce que la grande force d’Au premier regard c’est d’être justement une belle chronique adolescente sur les premières fois et la naissance du désir, et non un film sur la découverte de l’homosexualité ou la vie avec un handicap.

Le personnage de Leo est très attachant précisément pour la force de l’identification qu’il suscite, aveugle ou non, homo ou hétéro. C’est juste un ado, et même un ado bien dans sa peau, qui se dit qu’il tenterait bien le coup avec Gabriel, qui a envie d’aller faire la fête, de prendre une cuite pour la première, qui a aussi ses complexes, et sa volonté de se rebeller.

Le titre français, je fais une parenthèse pour justifier ici mon titre, est d’ailleurs un jeu de mot idiot sur le handicap du héros, là où le titre original est, là encore, tout bêtement sur le désir de couple. Le film s’appelle en portugais « aujourd’hui, je veux rentrer seul », titre qui devient d’ailleurs dans le dernier plan du film « aujourd’hui je veux rentrer à deux », preuve que la vue n’est bien pas du tout le sujet du film. 

Il est entouré d’une galerie de personnages bien campés parce qu’eux aussi un peu contradictoires, comme on l’est tous. Le personnage de son père notamment, protecteur mais à l’écoute offre quelques belles scènes sur la difficulté à accepter qu’à un moment, les ados, même aveugles, veulent devenir libres. Gabriel, l’objet de toutes les convoitises, lui aussi, est une belle esquisse d’ado qui, peut-être, ne restera pas avec des hommes toutes sa vie, mais dont les sentiments et l’attirance pour Leonardo sont à l’évidence très sincères. Pareil pour la réaction en deux temps de la meilleure amie Giovanna lors du coming-out de Leo, très finement écrite.

Daniel Ribeiro filme le tout avec une volonté manifeste de rendre cette chronique aussi universelle que possible, en gommant tous les éléments identifiants et ne revendiquant aucune identité brésilienne. Le film se passe à Sao Paulo mais pourrait bien avoir lieu  dans n’importe qu’elle banlieue résidentielle bourgeoise. Même temporellement il évite toute musique, toute référence culturelle qui pourrait le marquer et le dater.

Il capte en revanche des instantanés d’une très grande justesse, des attitudes, qui lui donnent son caractère touchant et universel. Je pense par exemple à un geste du héros qui attend un texto qui ne vient pas, et qui décide du coup d’aller faire un tour avec sa mère, en laissant son portable à la maison. Pour calmer l’attente et espérer faire arriver le texto… Cette logique de la théière qui bout mieux quand on ne la regarde pas, je pense que tout le monde l’a vécu, et c’est là la force du film, ss'ancrer sur les petites choses.

C’est peut-être pourtant là où le bât blesse. Le film m'a indéniablement plu, tout en me dérangeant un peu. Ce qui fait sa force est peut-être aussi sa faiblesse : en voulant à tout crin rendre le côté banal de son intrigue, Ribeiro la fait aussi basculer dans un monde merveilleux et totalement déconnecté du réel. Pas de problèmes pour se balader la nuit en vélo ou dans les parcs de Sao Paulo, pas d’homophobie… Eventuellement un peu de méchanceté ado, mais quand même bien vite calmée, en mode même les bullies se taisent devant la jolitude du couple. Certes, ils sont mignons. Mais bon, cette incroyable capacité de tous les obstacles à voler en éclat devient un peu facile, au bout.

Il manque peut-être un peu d’amertume au film, un peu de cette composante d’apprentissage de l’adolescence et des premières confrontations à la souffrance. Ça n’en reste pas moins une jolie chronique sucrée, parfaite pour regagner le sourire.

La minute geek : un truc quand même m’a surpris. En classe, Leo utilise une machine à écrire pour taper ses cours en braille. Un truc infernal des années 50, qui fait un bruit insupportable. Il utilise en revanche un ordinateur de bureau chez lui. Pourquoi donc ne pas taper sur un portable plus discret  et utiliser un logiciel de lecture ?

La minute sériephile : difficile de dire quoi que ce soit ici. C’est dommage, je connais mal le paysage série brésilien. Ce que j’en ai vu sur place m’a pourtant bien fait rire.

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