mardi 27 mai 2014

X-Men, Bryan Singer préfère casser ses jouets que les prêter



Le genre : enfant maudit de Retour vers le Futur ?

Faisons d’abord un peu d’histoire des films de X-men pour comprendre d’où arrive X-Men Days of the Future Past. Les deux premiers films, réalisés par Singer, se laissent regarder pour peu qu’on mette de côté la direction artistique de Singer, pas assez pop à mon goût, et une volonté délibéré de faire des films peu ancrés dans le réel (actions dans les lieux isolés, pas de références au monde contemporain). 
Suit The Last Stand, avec Brett Ratner à la réalisation, pour des questions d’agenda. La pente s’accentue, le film se concentre sur ses effets spéciaux pour donner un résultat très peu humain, sans émotion, boudé par la critique, et au final absurde et putassier (Magneto regagne ses pouvoirs et Xavier ressuscite).

Arrive en 2011 Matthew Vaughn, chargé du prequel First Class. Et ce qui dérange Singer, c’est qu’il réussit le meilleur de la série et le plus proche de l’esprit pop du comics. Iconographie 60’s maline, qui sait emprunter aux vieux James Bond, retour de la sexytude et de la couleur, humour, personnages divisés sur le rôle qu’ils doivent jouer dans la société. Le film cherche à comprendre comment Xavier et Magnéto sont devenus ennemis et explore le personnage de Mystique vers le radicalisme politique. Il va plus loin et fait des X-men une composante essentielle de l’Histoire, en les mettant au cœur de la crise des missiles de Cuba.

Mais Singer revenu aux commandes décide en gamin de balayer en partie la volonté de Vaughn qui devait réaliser celui-ci, à savoir continuer à explorer les 70’s, le meurtre de Kennedy, la guerre du Vietnam et le mouvement des droits civiques, ce qui est logique par rapport au dilemme sur l’integration des mutants. Non il préfère intégrer tout ça de façon très, très artificielle dans une histoire de futur apocalyptique et de retour dans le passé, pour faire un X-Men pur Singer, bavard, filmé de nuit, concentré sur les pouvoirs et non les personnages. 

Le film oscille donc entre le combat des mutants survivants dans le futur, pour protéger Wolverine parti dans le passé changer l’histoire, qui a dérivé en 1973 quand Mystique a assassiné le prince Tyrion. Je pourrais donner le nom de l’acteur ou celui de son personnage, mais c’est un choix de casting tellement opportuniste pour un personnage à peine écrit et sans le moindre trait particulier que je me contenterai de Tyrion.
Le problème, c’est que contrairement à Vaughn, le passé n’intéresse pas Singer.

Plutôt que de suivre Vaughn sur sa piste de reboot, il préfère s'embourber dans une histoire de changement du futur floue et opportuniste. On peut changer un peu le futur. Ou beaucoup. Ou peut-être pas. Ça dépend de ce qu'il arrange. Et puis au fond, il s'en fout, ça lui permet de ressortir SES X-Men et leur inénarrables costumes en cuir.

Il balaie la direction artistique 60’s pour recoller partout dans son putain de clair-obscur (la première moitié du film se passe de nuit ou dans le manoir Xavier les volets fermés). Quand il est obligé de remettre l’Histoire en scène, il le fait de façon totalement anecdotique, hop, 5 minutes débiles à Saïgon, hop 10 minutes à Paris) sans vrai intérêt pour l'imagerie, en lui préférant la carte postale (les DS par exemple, qu'on voit partout dans Paris en 1973). Le reste du temps il crée un passé tellement énorme et spectaculaire qu’il désolidarise, encore une fois, son film du réel. Comment, vous ne vous rappelez pas de l'agression de Nixon par des robots géants devant toutes les télés du monde ? Reprenez votre Berstein & Milza, c’est sûrement évoqué…

C’est un postulat que je pourrais accepter, si, par ailleurs, par petites touches pathétique, Singer n’en profitait pas aussi pour légitimer la continuité de ses propres films (notamment la haine de Stryker pour Wolverine ou l’intégration du Crapaud dans la confrérie de Magneto). Comble du foutage de gueule, il en profite en revanche pour effacer, sans la moindre explication, les événements de la continuité du 3, par une pirouette scandaleuse. Ce n’est pas seulement idiot, c’est inélégant et mesquin.

Concernant les personnages, je ne vois pas pourquoi Singer a autant fait le malin sur son casting sur Twitter, tant il sous-emploie tout le monde. Le casting est soigneusement divisé en 3 catégories : Wolverine + le cast principal de First Class (Jackman, Fassbender, MacAvoy, Jennifer Lawrence et un Nicolas Hoult miraculé) d’un côté,  les deux vieux acteurs anglais pour balancer de la réplique shakespearienne qui claque, mais qui ne servent pas grand-chose, de l’autre, et le reste (Ellen Page, Halle Berry, Omar Sy, Shawn Ashmore, Lucas Till, Famke Jensenn qui ont en moyenne entre une et trois remarques dans le film). Le seul qui s’en tire c’est le petit nouveau, Peter Evans, avec une scène sur l’utilisation, disons, espiègle, qu’il fait de son pouvoir, la vitesse, quand il se bat. La seule scène qui d’ailleurs fait un usage intelligent de la musique, le reste est dans le pompier habituel.

Le rôle de Jennifer Lawrence est le parfait exemple de cette fusion ratée entre les deux univers. Singer avait fait de Mystique un accessoire, rien de plus, comme d'ailleurs la plupart de ses personnages féminins, à part Malicia, dont le pouvoir est quand même de tuer des mecs au lit. Un vague discours communautariste sur le droit à la différence comme un combat justifiait son terrorisme. Vaughn avait au contraire choisi de voir la genèse, une jeune fille qui doit faire le dur apprentissage de la différence et qui décide de l’assumer.

Singer ne sachant pas trop quoi en faire, alors que c’est la clé de son film choisit allègrement de ne pas choisir. Son personnage fait donc des choix totalement incompréhensibles, notamment au regard de la suite. C’est donc une ado fleur-bleue/terroriste bad ass selon les moments. On ne peut d’ailleurs que supposer que la pauvre Mystique, quelque part dans les 80’s, va subir un traumatisme crânien qui justifie qu’elle devienne la boniche écervelée de Magneto qu’elle est dans les 3 premiers X-Men.

L’apothéose d’action finale est jolie, quoique fortement débile, puisque l’impressionnant stade volant n’a quasiment aucune fonction dramatique. Après les derniers coups, le film se clôt pépère sur 5 minutes complètement ahurissante ou Singer fait son marché dans ce qu’il veut garder/jeter dans la continuité, pour préparer son prochain film. En guise de final j’attendais un peu plus d’ambition. Quand je lis que certains acteurs ont signé pour 5 films, je m'inquiète.

Au mieux, pour le côté sombre, on pourrait y voir du Nolan raté. Mais pour ça, encore aurait-il fallu que Singer ait un talent d’écriture. Bref, un film bourré d’aberrations pour réconcilier deux univers qui ne vont pas ensemble, des personnages taillés à la serpe (voire pas du tout taillés), le tout en concentrant tout l’humour dans les vannes de merde de Wolverine, furieusement 90’s, que Vaughn avait réussi à écarter. Ringard, égocentrique et dispensable.

La minute geek : après recherche, il paraît que dans les commentaires audio de X-Men 3, Singer indique que le corps dans lequel Xavier s’est incarné après sa dispersion physique était celui de son frère jumeau, jamais mentionné ailleurs. Ca résout au moins le problème sa présence dans le futur, mais ça n’explique pas pourquoi il est paraplégique. A moins que son frère jumeau comateux depuis avant 1963 ait aussi eu la malchance de perdre l’usage de ses jambes avant de tomber dans coma. 

Vous me direz, c’est toujours moins débile que penser qu’il a eu pour jumelle une entité astrale qu’il a éliminé dans l’utérus de sa mère, mais dont la conscience télépathe est restée en suspension dans l’espace jusqu’à ce qu’elle puisse s’incarner physiquement pour vivre dans les égouts. Et pourtant, ce personnage, Cassandra Nova, existe dans les comics. Alors bon, mon histoire de paraplégie…

La minute sériephile : j’hésite entre vous parler de Nicolas Hoult, le Tony Stonem des 2 premières saisons de Skins… D’Anna Paquin qui a manifestement préféré de concentrer sur True Blood, puisqu’elle n’a même pas ici une réplique, juste un plan. Ou encore de Peter Dinklage, mais je l’ai déjà fait.

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