Le genre : avec
160 M€ on aurait pu faire des choses, mais non on a fait Godzilla
Godzilla est le résultat assez fascinant d’une série de mauvaises
décisions. Si vous êtes du genre à aimer regarder des vidéos Youtube d’accidents
d’avion, ce film est fait pour vous. Première décision ahurissante, faire un
film très fidèle, du point de vue de l’écriture, aux originaux de la Toho, à
savoir un film ou Godzilla n’est pas l’ennemi, mais le sauveur qui va défendre
l’humanité contre Mothra la mite géante venue du cosmos (et son épouse, Madame
Mothra)… Si, si.
La motivation existentielle, au sens littéral du terme, de
Godzilla est de « restaurer l’équilibre » selon un des personnages,
qui n’arrête pas d’expliquer aussi que Godzilla est un prédateur alpha. Les
deux notions ne fonctionnent pas ensemble, puisque Mothra n’est pas une espèce
de la même chaîne alimentaire, et que, techniquement, ni l’un ni l’autre ne
mange d’humains, mais peu importe. Godzilla serait donc une forme d’arme ultime
de la nature elle-même contre certaines menaces. Le reste du temps, il dort.
Seconde idée qui laisse légèrement perplexe.
Dans le même esprit de fidélité, Godzilla revient à son look
très fifties de gros Casimir obèse à petits bras. Ça me fait mal de le dire,
mais, en comparaison, le Godzilla de Emmerich ne manquait pas d’élégance. Notre
ami se déplace donc gauchement d’une séquence à l’autre sans susciter le
moindre intérêt, puisque ce n’est quasiment pas un personnage (contrairement à
ce que le film voudrait nous faire croire).
Le reste est constitué de la suite de péripéties
invraisemblables propres au genre, qui amène un héros indestructible à toujours
se trouver au bon endroit et à résister à tout (en vrac, accident de camion,
chute de grue, accident de métro aérien, accident de train, chute dans une
rivière glacée avec 30 kilos de matériel et une locomotive en flammes, saut en
parachute dans une ville en flammes, explosions diverses, projections à 15
mètres…), en s’en tirant à la fin avec un strap au bras et une béquille.
Parmi les nombreuses inepties du film, on notera une scène
magique où des marines nous démontrent qu’on peut apparemment percer 20 mètres
de béton d’une installation ultra-sécurisée sans déclencher d’alarmes, puisque
Madame Mothra s’est barré sans que personne ne le remarque. On aura plus tard
un autre plan étonnant où des financiers en costume regardent Godzilla arriver
vers leur bel open-space en criant de surprise alors que la ville est déjà en
cours d’évacuation depuis une journée. Les téléscripteurs financiers ont dû
oublier de relayer la news et ces gens-là travaillent beaucoup, c’est connu.
Le casting est lui-aussi assez étrange. Juliette Binoche,
annoncée en tête d’affiche, joue une bonne demi-douzaine de minutes avant de se
faire tuer. Qu’elle ait accepté un rôle aussi incongru dans un film aussi
débile est certainement un effet pervers de la pression fiscale dans notre
pays. Si ça continue, Louis Garrel va devoir faire des apparitions dans
Transformers 5 pour payer ses costumes Agnès B. Bryan Cranston n’est pas
vraiment mieux loti, mais la palme du rôle qui ne sert à rien revient à l’assistante
de Ken Watanabe ; personnage omniprésent mais jamais nommé.
En matière de direction artistique, les quelques bonnes
idées, comme la scène du saut en parachute sur un San Francisco apocalyptique
ou la jolie (quoique vue et revue) ballade dans la ville japonaise irradiée et
déserte ne compensent pas la médiocrité et la feignasserie de l’ensemble. Je ne
sais pas qui a eu l’idée de ces plans idiots sur la nuque de l’amiral quand il
donne des ordres, mais c’est un plan qui a fait l’unanimité, au point qu’on se
souvient à peine du visage du pauvre acteur. Je passe sur une 3D sans intérêt
ni enjeu et des effets spéciaux pas franchement innovants.
Bref, pas grand-chose à garder. A côté, le Godzilla de
1998 est une réussite.
La minute geek :
un très bref plan dans la ville japonaise montre un vivarium abandonné dans la
chambre d’enfant du héros, avec une chrysalide de mite, dont le prénom est
inscrit sur un autocollant en partie arraché, ce qui donne « Moth Ra ».
Sur le moment, j’ai ri sous cape de cette référence geek au pire de Godzilla, à
savoir Mothra la mite géante venue du cosmos. Quand une 15aine de minutes plus
tard j’ai réalisé que c’était l’un des personnages du film, j’ai beaucoup moins
ri.
La minute sériephile :
la brève prestation de Bryan Cranston en obsédé du complot rappelle fugacement
les obsessions de Hal dans Malcolm. Ça permet au moins de rigoler pendant les 2
heures suivantes en pensant aux meilleurs moments de cette série injustement
sous-estimée.
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