lundi 19 mai 2014

Godzilla, ou les limites du vintage





Le genre : avec 160 M€ on aurait pu faire des choses, mais non on a fait Godzilla

Godzilla est le résultat assez fascinant d’une série de mauvaises décisions. Si vous êtes du genre à aimer regarder des vidéos Youtube d’accidents d’avion, ce film est fait pour vous. Première décision ahurissante, faire un film très fidèle, du point de vue de l’écriture, aux originaux de la Toho, à savoir un film ou Godzilla n’est pas l’ennemi, mais le sauveur qui va défendre l’humanité contre Mothra la mite géante venue du cosmos (et son épouse, Madame Mothra)… Si, si.

La motivation existentielle, au sens littéral du terme, de Godzilla est de « restaurer l’équilibre » selon un des personnages, qui n’arrête pas d’expliquer aussi que Godzilla est un prédateur alpha. Les deux notions ne fonctionnent pas ensemble, puisque Mothra n’est pas une espèce de la même chaîne alimentaire, et que, techniquement, ni l’un ni l’autre ne mange d’humains, mais peu importe. Godzilla serait donc une forme d’arme ultime de la nature elle-même contre certaines menaces. Le reste du temps, il dort. Seconde idée qui laisse légèrement perplexe.

Dans le même esprit de fidélité, Godzilla revient à son look très fifties de gros Casimir obèse à petits bras. Ça me fait mal de le dire, mais, en comparaison, le Godzilla de Emmerich ne manquait pas d’élégance. Notre ami se déplace donc gauchement d’une séquence à l’autre sans susciter le moindre intérêt, puisque ce n’est quasiment pas un personnage (contrairement à ce que le film voudrait nous faire croire).

Le reste est constitué de la suite de péripéties invraisemblables propres au genre, qui amène un héros indestructible à toujours se trouver au bon endroit et à résister à tout (en vrac, accident de camion, chute de grue, accident de métro aérien, accident de train, chute dans une rivière glacée avec 30 kilos de matériel et une locomotive en flammes, saut en parachute dans une ville en flammes, explosions diverses, projections à 15 mètres…), en s’en tirant à la fin avec un strap au bras et une béquille.

Parmi les nombreuses inepties du film, on notera une scène magique où des marines nous démontrent qu’on peut apparemment percer 20 mètres de béton d’une installation ultra-sécurisée sans déclencher d’alarmes, puisque Madame Mothra s’est barré sans que personne ne le remarque. On aura plus tard un autre plan étonnant où des financiers en costume regardent Godzilla arriver vers leur bel open-space en criant de surprise alors que la ville est déjà en cours d’évacuation depuis une journée. Les téléscripteurs financiers ont dû oublier de relayer la news et ces gens-là travaillent beaucoup, c’est connu.

Le casting est lui-aussi assez étrange. Juliette Binoche, annoncée en tête d’affiche, joue une bonne demi-douzaine de minutes avant de se faire tuer. Qu’elle ait accepté un rôle aussi incongru dans un film aussi débile est certainement un effet pervers de la pression fiscale dans notre pays. Si ça continue, Louis Garrel va devoir faire des apparitions dans Transformers 5 pour payer ses costumes Agnès B. Bryan Cranston n’est pas vraiment mieux loti, mais la palme du rôle qui ne sert à rien revient à l’assistante de Ken Watanabe ; personnage omniprésent mais jamais nommé.

En matière de direction artistique, les quelques bonnes idées, comme la scène du saut en parachute sur un San Francisco apocalyptique ou la jolie (quoique vue et revue) ballade dans la ville japonaise irradiée et déserte ne compensent pas la médiocrité et la feignasserie de l’ensemble. Je ne sais pas qui a eu l’idée de ces plans idiots sur la nuque de l’amiral quand il donne des ordres, mais c’est un plan qui a fait l’unanimité, au point qu’on se souvient à peine du visage du pauvre acteur. Je passe sur une 3D sans intérêt ni enjeu et des effets spéciaux pas franchement innovants.

Bref, pas grand-chose à garder. A côté, le Godzilla de 1998 est une réussite.

La minute geek : un très bref plan dans la ville japonaise montre un vivarium abandonné dans la chambre d’enfant du héros, avec une chrysalide de mite, dont le prénom est inscrit sur un autocollant en partie arraché, ce qui donne « Moth Ra ». Sur le moment, j’ai ri sous cape de cette référence geek au pire de Godzilla, à savoir Mothra la mite géante venue du cosmos. Quand une 15aine de minutes plus tard j’ai réalisé que c’était l’un des personnages du film, j’ai beaucoup moins ri.

La minute sériephile : la brève prestation de Bryan Cranston en obsédé du complot rappelle fugacement les obsessions de Hal dans Malcolm. Ça permet au moins de rigoler pendant les 2 heures suivantes en pensant aux meilleurs moments de cette série injustement sous-estimée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire