Le genre : cour
de récré steampunk
Pour les archéologues du cinéma Divergente constituera un document remarquable de ce qui se faisait
dans les années 2010, tant le film ne propose à aucun moment la moindre idée,
la moindre innovation, dans l’intrigue comme dans l’écriture ou même le
cadrage. Il est d’ailleurs intéressant de voir à quel point ce film ressemble à
un condensé de « bonnes pratiques » issu du cerveau malade d’un
spécialiste de la gestion de projet marketing. J’aimerais bien voir les beaux
slides de sa genèse au département marketing de Warner.
Pour commencer, le postulat futuriste n’est ni audacieux ni
intéressant, mais il a l’avantage de se brancher directement sur le cerveau des
ados, en faisant de la société du futur un immense lycée. Dans cette cruelle
cour de récréation, on choisit son camp à 18 ans, et on n’en sort plus. On
devient donc un geek en blouse, un gentil hippie béat sous l’effet de la beuh,
un altermondialiste amish à cheveux sales ou un bully adepte des sports
extrêmes. Il y a aussi une maison pour les mecs qui veulent devenir avocat en
fusac et faire des sous, mais on n’en parle pas beaucoup.
Problème de l’héroïne, elle rentre dans plusieurs cases. C’est
un genre de bully cool. Et dans la cour de récré, on n’aime pas les gens bizarres,
dont on fait des SDF. Elle va donc devoir se cacher chez les bullies et devenir
l’un d’entre eux (un peu pour échapper à sa famille d’altermondialistes
crasseux, il faut bien le reconnaître). Problème bis, elle découvre que les
geeks ont décidé de manipuler les bullies pour renverser les altermondialistes
qui sont au pouvoir. Mon Dieu, le bal de promo pourrait-il en être compromis ?
S’en suit une série de situations oscillant entre Harry
Potter, pour le Sorting Hat, et Hunger Games ou Twilight pour le drame
adolescent et la violence, le tout mis
en scène sans la moindre velléité de sortir du cadre. Tout le monde est jeune,
tout le monde est beau, tout le monde minaude, c’est formidable. Il n’y a pas
une scène, pas le moindre cadrage, pas la moindre réplique qui ne soit
tristement prévisible.
Les dialogues empruntent chaque réplique au registre du film
d’action pour ado à message creux, genre « la seule personne qui décide de
ton destin,c’est toi » et autres fadaises. Prafit à écrire au tipex sur un
sac à dos ou sur ton agenda (ou ton skyblog ou ton fil Twitter, je ne suis pas
la vie des ados de très près). A vrai dire, ce film est peut-être un exercice
de classicisme et d’une formalisme d’une rare pureté et à ce titre un chef d’œuvre,
mais, en ce qui me concerne je me suis gentiment emmerdé. Moins que devant Godzilla, mais quand même.
Deux heures et une histoire d’amour prévisible avec le bad
boy au grand cœur plus tard, le monde est sauvé (on notera d’ailleurs l’astuce
de l’héroïne pour faire se dessaper le bad boy, pour "voir son tatouage"…
trainée…). On n’en retiendra pas grand-chose, mais ça aurait pu être pire. Un
film idéal à regarder en faisant du repassage.
Un point casting :
ce film est assez remarquable de la relation partouzarde qu’entretiennent les
gros films de commande et le cinéma indépendant, chacun pour attirer un public
plus large. Ce que je trouve notamment intéressant est que les studios prennent
les acteurs en pack pour amener le public vers leur film, dans un sens comme
dans l’autre. Aux côtés de l’invraisemblable et irritante voix nasale de
Shailene Woodley, on retrouve par exemple ici son partenaire de The Spectacular Now, melo indé relou de
l’année dernière, et son partenaire de The Fault in Our Stars, mélo indé relou de l’année
prochaine Je soupçonne Shailene de
vouloir être la nouvelle Jennifer Lawrence, mais pour ça, il va falloir songer
à se faire opérer des cloisons nasales, parce que là c’est pas possible.
La minute geek :
comme dans Hunger Games, je reste un peu perplexe devant cette société qui
a développé le contrôle neuronal et les armes à énergie, mais en est resté au
stade du métro brinquebalant. Bien la preuve qu’il manque une famille dans ce
bastringue, les énarques. On ne fait rien de bien sans énarques pour planifier.
La minute sériephile :
Titus Pullo joue ici un amish auteur de violence domestique avec des
cheveux. Ça change un peu, mais il était quand même mieux dans Rome. En même temps, à part Ciaran Hinds
dans La taupe, les gens étaient en
général mieux dans Rome que dans
leurs autres prestations.
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