jeudi 14 mars 2013

Spring Breakers, tout le monde n’a pas le talent de Lurhman pour faire de la tragédie MTV



Le genre : Reportage de « 66 minutes » sur les dérives de la jeunesse en plus snob

Il faudra d’abord  noter que, dans sa conception, ce film est un objet marketing absolument redoutable. En faisant un appel du pied à des communautés radicalement différentes, il contrecarre en avance une partie de ses critiques. Oui, les actrices vont faire venir de la minette (et des fans de petits culs, ajouterai-je), mais c’est un film indé d’un réalisateur réputé. Oui les personnages sont caricaturaux au possible, mais les acteurs réalisent une performance, notamment James Franco…

Indubitablement, le film a des ambitions esthétiques. Tout ça est bien filmé, les lumières sont inventives, entre une première partie éclairée au néon blafard, le début du springbreak dans une lumière très naturelle mais résolument cliché, l’orangé du coucher de soleil de Miami, puis un final qui met l'accent sur le néon rose et l’éclairage artificiel des villas de dealers quand les filles basculent. Comme il est normal pour un compagnon de toute de Larry Clark, il y a une fascination évidente pour le corps de la jeunesse, ici souvent filmé sous un déluge de bière et en mouvement, un parti-pris qui pourrait être racoleur, mais s'avère plus dénonciateur qu'il n'y paraît de la dictature d'un type de beauté formaté par MTV et son mythique The Grind.

Je dois l’admettre, il y a quelques très bons moments de WTF, la scène sur du Britney Spears joué au piano, en bikini mais arme en main. L’ensemble de la scène finale, qui joue en permanence le décalage entre musique, lumière et contexte. Les musiques sont bien choisies, OK, tout ça est très bien.
Je me demande toutefois s’il y a autre chose dans ce film. Le scénario se veut ironique et décalé, mais est surtout très creux. Quatre pétasses qui rêvent du springbreak braquent un resto pour y aller, font la fête, se retrouvent sans blé en prison et tombe sous la coupe d’un dealer violent qui leur promet une vie de fête permanente.

Les personnages sont très minces.  Une des filles, habilement nommée Faith et dotée de 3 minutes de scènes sur le fait qu'elle est catholique, histoire de bien enfoncer le clou, refusera le dérapage et repart assez vite du film. Les trois autres sont traitées non comme des personnages mais comme un ensemble. James Franco s’amuse quant à lui visiblement dans sa rhétorique de gangsta black, mais je ne suis pas super convaincu. J'ai plutôt l'impression de voirJamie Kennedy dans Le rappeur de Beverly Hills que De Niro dans Taxi Driver. Les actrices qui ont tenté de se donner une crédibilité arty en passant de leurs séries Disney à ça auraient dû miser sur un meilleur cheval. Le tout ressemble furieusement aux cinématiques d’un sous-GTA.

Les dialogues sont consternants. Comme Korine en est très satisfait, certains reviennent en écho 5-6 fois de suite dans des scènes de pur remplissage et de clip chic, comme dans un bon vieil épisode de Bay Watch. Inutile et souvent grotesque. Malheureusement, ça compose un bon tiers du film.
On pourrait admettre que cette futilité et cette légèreté de construction correspondent à la bêtise des personnages, mais il est trop facile de se réfugier derrière cet argument. Contrairement aux films qu’il a co-écrit avec Larry Clark, qui cherchent toujours une forme de vérité, il n’y a rien ici que de l’épate bourgeois à peu de frais qui se veut décalé, mais qui retombe comme un soufflé, avec une bonne vieille morale à la fin. Comme quoi, on a beau être le scénariste d’un mec, il y ajoute quand même une patte déterminante.

Je ne nie pas la bonne foi du réalisateur, mais il n’a pas su se donner les moyens de ses ambitions.A-t-il seulement les moyens de cette ambition ? La question se pose pour moi, j'ai toujours trouvé que Gummo était une merde décousue et prétentieuse, digne des pires "performances" des 90's. Ici, ça aurait pu marcher sur un court-métrage, mais il n’arrive pas à en faire un long qui tienne la route.

Mais c’est bon, avec son expertise du filtre, ses montages mélangeant le ralenti et la saccade et sa capacité désormais prouvée à diriger un scénario pourri, Korine pourra cachetonner en réalisant des épisodes de CSI Miami.

La minute geek : qui est allé pêcher cette idée saugrenue de l’imagerie de l’alien petit gris pour le personnage du rapper dealer de Los Angeles ? On dirait l’idée d’un mec un peu nerd élevé dans les années X-Files. Oh, tiens, c’est le cas d’Harmony Korine ! On notera quand même son niveau de hipsteritude débile au prénom de sa fille, Lefty Bell!

La minute du sériephile : une des scènes d’ouverture nous montre une des filles se faire des shots de vodka avec un pistolet à eau. Ouh quelle idée symbolique de l’autodestruction de l’ado ! Quelle originalité ! Si vous voulez voire la même idée en intelligent, retrouvez l’incroyable scène de la tentative de suicide de Cassie dans la première saison de Skins. Là, on avait une vraie idée, qui prouvait à quel point ce suicide était celui d’une enfant qui appelle au secours.Petite note curieuse, pour des questions de droit, la BO de la scène originale, du Tricky, n'a pas pu être diffusée en France. La musique de remplacement concoctée par Canal lors de la diffusion en France était curieusement bien meilleure, alors même que la qualité de Skins reposait en partie sur la BO. Chapeau bas!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire