Le genre : Reportage
de « 66 minutes » sur les dérives de la jeunesse en plus snob
Il faudra d’abord noter
que, dans sa conception, ce film est un objet marketing absolument redoutable.
En faisant un appel du pied à des communautés radicalement différentes, il
contrecarre en avance une partie de ses critiques. Oui, les actrices vont faire
venir de la minette (et des fans de petits culs, ajouterai-je), mais c’est un
film indé d’un réalisateur réputé. Oui les personnages sont caricaturaux au
possible, mais les acteurs réalisent une performance, notamment James Franco…
Indubitablement, le film a des ambitions esthétiques. Tout
ça est bien filmé, les lumières sont inventives, entre une première partie
éclairée au néon blafard, le début du springbreak dans une lumière très
naturelle mais résolument cliché, l’orangé du coucher de soleil de Miami,
puis un final qui met l'accent sur le néon rose et l’éclairage artificiel des villas de dealers
quand les filles basculent. Comme il est normal pour un compagnon de toute de
Larry Clark, il y a une fascination évidente pour le corps de la jeunesse, ici
souvent filmé sous un déluge de bière et en mouvement, un parti-pris qui pourrait être racoleur, mais s'avère plus dénonciateur qu'il n'y paraît de la dictature d'un type de beauté formaté par MTV et son mythique The Grind.
Je dois l’admettre, il y a quelques très bons moments de
WTF, la scène sur du Britney Spears joué au piano, en bikini mais arme en main.
L’ensemble de la scène finale, qui joue en permanence le décalage entre
musique, lumière et contexte. Les musiques sont bien choisies, OK, tout ça est
très bien.
Je me demande toutefois s’il y a autre chose dans ce film.
Le scénario se veut ironique et décalé, mais est surtout très creux. Quatre
pétasses qui rêvent du springbreak braquent un resto pour y aller, font la
fête, se retrouvent sans blé en prison et tombe sous la coupe d’un dealer violent
qui leur promet une vie de fête permanente.
Les personnages sont très minces. Une des filles, habilement nommée Faith et dotée de 3 minutes de scènes sur le fait qu'elle est catholique, histoire de bien enfoncer le clou, refusera le
dérapage et repart assez vite du film. Les trois autres sont traitées non comme des
personnages mais comme un ensemble. James Franco s’amuse quant à lui visiblement dans sa
rhétorique de gangsta black, mais je ne suis pas super convaincu. J'ai plutôt l'impression de voirJamie Kennedy dans Le rappeur de Beverly Hills que De Niro dans Taxi Driver. Les actrices qui ont tenté de se donner une
crédibilité arty en passant de leurs séries Disney à ça auraient dû miser sur
un meilleur cheval. Le tout ressemble furieusement aux cinématiques d’un sous-GTA.
Les dialogues sont consternants. Comme Korine en est très
satisfait, certains reviennent en écho 5-6 fois de suite dans des
scènes de pur remplissage et de clip chic, comme dans un bon vieil épisode de
Bay Watch. Inutile et souvent grotesque. Malheureusement, ça compose un bon
tiers du film.
On pourrait admettre que cette futilité et cette légèreté de
construction correspondent à la bêtise des personnages, mais il est trop facile de se
réfugier derrière cet argument. Contrairement aux films qu’il a co-écrit avec Larry
Clark, qui cherchent toujours une forme de vérité, il n’y a rien ici que de l’épate
bourgeois à peu de frais qui se veut décalé, mais qui retombe comme un soufflé,
avec une bonne vieille morale à la fin. Comme quoi, on a beau être le
scénariste d’un mec, il y ajoute quand même une patte déterminante.
Je ne nie pas la bonne foi du réalisateur, mais il n’a pas
su se donner les moyens de ses ambitions.A-t-il seulement les moyens de cette ambition ? La question se pose pour moi, j'ai toujours trouvé que Gummo était une merde décousue et prétentieuse, digne des pires "performances" des 90's. Ici, ça aurait pu marcher sur un
court-métrage, mais il n’arrive pas à en faire un long qui tienne la route.
Mais c’est bon, avec son expertise du filtre, ses montages mélangeant le ralenti et la saccade et sa capacité désormais prouvée à diriger un scénario pourri, Korine pourra cachetonner en réalisant des épisodes de CSI Miami.
Mais c’est bon, avec son expertise du filtre, ses montages mélangeant le ralenti et la saccade et sa capacité désormais prouvée à diriger un scénario pourri, Korine pourra cachetonner en réalisant des épisodes de CSI Miami.
La minute geek :
qui est allé pêcher cette idée saugrenue de l’imagerie de l’alien petit gris
pour le personnage du rapper dealer de Los Angeles ? On dirait l’idée d’un
mec un peu nerd élevé dans les années X-Files. Oh, tiens, c’est le cas d’Harmony
Korine ! On notera quand même son niveau de hipsteritude débile au prénom de sa fille, Lefty Bell!
La minute du sériephile :
une des scènes d’ouverture nous montre une des filles se faire des shots de vodka
avec un pistolet à eau. Ouh quelle idée symbolique de l’autodestruction de l’ado !
Quelle originalité ! Si vous voulez voire la même idée en intelligent,
retrouvez l’incroyable scène de la tentative de suicide de Cassie dans la
première saison de Skins. Là, on avait une vraie idée, qui prouvait à quel
point ce suicide était celui d’une enfant qui appelle au secours.Petite note curieuse, pour des questions de droit, la BO de la scène originale, du Tricky, n'a pas pu être diffusée en France. La musique de remplacement concoctée par Canal lors de la diffusion en France était curieusement bien meilleure, alors même que la qualité de Skins reposait en partie sur la BO. Chapeau bas!
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