mercredi 20 mars 2013

Cloud Atlas, un Lelouch qui a troqué émotion contre effets spéciaux





Le genre : si vous pensez que les cristaux peuvent guérir le cancer, ce film vous plaira sûrement

Cloud Atlas est un film que j’avais vraiment envie d’aimer. L’ambition esthétique des Wachowski, un scénario complexe et intriqué, un casting en or…la promesse était indéniablement alléchante. Malheureusement, je ne peux pas dire que j’en sois sorti très convaincu.

Cloud Atlas, le roman comme le livre, prend le parti de jouer avec six histoires, à six époques différentes, tout en tissant un lien mystique entre les personnages. Le film mêle une vision karmique du destin assez classique et l’idée plus intéressante et rare que toute action influe sur les personnages passés et futurs, dans un sens comme dans l’autre. A chaque époque, nous allons donc retrouver la même série de personnages qui traversent le temps, se retrouvent, se recroisent...

Le film ne parvient cela dit pas à se construire, et fait monter en puissance toutes les intrigues selon une même logique du « pendant ce temps ». De façon assez peu convaincante, le segment du milieu comprend toutes les scènes intimes, suivies de toutes les confrontations, et enfin de toutes les révélations, faisant de Cloud Atlas un mille-feuilles relativement lourd et dans lequel j’ai peiné à rentrer. C’est un peu comme regarder le happy end final de Love Actually, étiré sur 3 heures.

Pour ne pas être totalement négatif, on peut noter que chaque segment utilise des codes visuels propres à un genre lié à son époque, le mélodrame pour l’Angleterre des années 30, la SF pour la Séoul du 22ème siècle et ainsi de suite. Mouais, pourquoi pas, certaines parties plairont plus ou moins à chacun selon son ressenti, mais je doute fort qu’aucune des parties tienne réellement la route prise isolément.

Ce qui devrait être une des forces du film, le lien mystérieux entre les époques tient parfois du pur gimmick. Pour exemple, le compositeur anglais des années 30 lit le journal du navigateur américain du XIXè, et a été l’amant de l’auteur d’un rapport autour duquel tourne l’enquête des années 70. Il est parfois tellement mince qu’on se demande en fait à quoi sert la section par rapport au message holistique du film, ou du moins à la tentative de message holistique du film.

Le film pourrait poser des questions sur la nature du temps, mais préfère largement les éviter. Par exemple l’un des personnages est hanté par une musique du futur… Mais le film ne pose jamais la question de savoir si la fameuse musique, jouée dans un restaurant de néo-Séoul dans le futur n’est pas justement un sample de la symphonie qui lui trotte dans la tête et qui deviendra célèbre! La réponse vaguement ébauchée refuse de trancher clairement sur qui influence l’autre du passé ou du futur. Décevant.

Autre problème majeur pour moi, les personnages sont tous identifiés par une tâche de naissance en forme de comète. Cette idée d’une kitscherie qui dépasse l’entendement vient saper tout le propos, en supposant que les personnages sont, d’une certaine façon, des « élus » d’une forme de destin. Leurs actions n’ont en soi aucune importance, ils deviennent de fait les rouages d’un plan, idée à peu près contraire à l’ensemble des dialogues new-age sur la capacité de chacun à faire bouger le monde qui parsèment le film.

Autre gros point faible, cette idée mal menée de faire apparaître chacun des acteurs à chaque époque. Certains acteurs n’apparaissent vraiment que dans une section, comme Ben Whishaw ou Hugh Grant, et font  ensuite de la figuration, supra maquillés ou déguisés. Pour le spectateur, il s’agit plutôt de jouer à « Où est Charlie ? » qu’autre chose. La solution, donnée en générique de fin, donne enfin l’envergure du carnage… Oh, Hugo Weaving en chinois ! Oh, Halle Berry en vieux coréen ou en musicienne juive diaphane ! Oh Doona Bae en rousse aux yeux verts !

Ce parti-pris crée également une faille colossale dans le concept du film. Certains des personnages ne changent jamais quelles que soient les époques, là où d’autres évoluent radicalement, ce qui vient une fois encore nier la morale du film, à savoir que toute action, bonne ou mauvaise, finit par se payer. Je pense évidemment à Hugo Weaving, qui sera successivement esclavagiste, antisémite, tueur à gages, nurse sadique, policier politique puis tout bêtement incarnation du mal.

A part pour lui, qui ne subit aucune progression d'aucune sorte, il n’y a aucune progression logique entre les différents avatars des autres acteurs. Tom Hanks a droit à une partition absurde, alternant salaud assassin, au XIXeme, puis dans les années 2000, ou sauveur du monde, dans les années 70 puis dans le futur. Ou plutôt si, son personnage suit une même logique chronologique deux fois, méchant, neutre, gentil. Pas bien cohérent, mais peu importe. 

A l’inverse, le personnage de Robert Frobisher est le seul à penser que la vie est cyclique et que son histoire d’amour dépassera la mort. C’est pourtant précisément un des seuls éléments qui ne se retrouve dans aucun autre segment, il ne retrouvera jamais son amant. Aucune cohérence, aucun choix sur une ce qui fait tourner le monde, les hommes ou un destin immuable.

Souvent joli, mais aucune section qui tienne vraiment. Quelques bonnes idées mais Cloud Atlas se refuse à être le film à sketch et à clé qu’il devrait être, par peur de proposer un trop gros challenge au spectateur. Il finit par n’être qu’un patchwork pesant de scènes, parfois bonnes, parfois franchement ridicules.

La minute geek : dans la partie SF, l’un des secrets de polichinelle que l’on découvre est que les clones vieillissants sont recyclés pour nourrir les clones utilisés comme main d’œuvre. Ce qui aurait pu être un clin d’œil à Soleil Vert, est neutralisé par avance, puisqu'un des personnages a fait, plus tôt, une référence directe à ce film, référence qui tombe d'ailleurs comme un cheveu sur la soupe… Le clin d’œil aux cinéphiles devient un étalage de culture SF très lourd, voire méprisant pour le spectateur. Soleil Vert n’en reste pas moins un classique à voir, ne serait-ce que pour la scène du dîner entre Thorn et Sol.

La minute sériephile : en prenant le même principe d’un casting similaire mais de saisons à des époques différentes, la curieuse série American Horror Story redistribue les rôles à chaque saison. Une curiosité qui mérite un détour et se prend moins la tête que Cloud Atlas, pour un résultat plutôt efficace.

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