lundi 11 mars 2013

Möbius, le ruban comme le film sont de jolies constructions qui ne mènent nulle part.







Le genre : OSS 117 dépressif



Möbius est un film que j’attendais avec une certaine impatience, puisque je continue à penser que les Patriotes du même Rochant est un des meilleurs films d’espionnage qui soit, tout en subtilité et en « atermoiements » comme le soulignera le patron du personnage principal Ariel.

Ici, on retrouve cette volonté de faire un film différent. Ce qui intéresse Rochant, ce n’est pas l’action ou les gadgets, mais la psychologie de l’espion, et son malaise face aux rôles qu’il doit jouer et aux manipulations auxquelles il se livre. C’était le cas pour Ariel dans les Patriotes, qui commence à douter du bien-fondé des méthodes du Mossad, ce sera le cas pour Grégory Lioubov, le personnage de Dujardin.

Il compose un personnage dont on sent dès le début qu’il en marre, apparemment sous contrôle et charmeur, mais à qui cette vie ne convient plus. Buvant et fumant plus qu’il ne devrait, Dujardin se balade cravate mal noué et regard fatigué, dans une partition plutôt convaincante. Cécile de France est un peu agaçante dans son assurance, mais c’est le personnage, ça marche plutôt pas mal. Je suis moins convaincu par Emilie Dequenne, qui a certainement voulu jouer les espionnes glaçantes et froides, mais qui a enlevé toute aspérité à son personnage, qui tient plus d'un personnage de coloc chiante de série que de Nikita. 

Le film progresse avec lenteur, suivant la même idée que Les Patriotes : l’espionnage ce n’est pas glamour, c’est partager un appart deux mois avec une équipe que tu n’aimes pas forcément, et c’est surtout de la filature. Rochant prend le temps de poser ses plans, se donne les moyens de ses ambitions esthétiques, et ça fonctionne. En se posant à Monaco, Rochant rajoute un niveau d’ironie, en peignant un quotidien sale dans des tons très lumineux, une idée intéressante.

Les  deux films font un même constat : les espions de bureau prennent des décisions dures, et n’hésitent jamais à briser la vie de leurs pions, pour atteindre des buts politiques ou personnels. Les agents de terrain sont obligés d’appliquer ces décisions, mais ces manipulations finissent par les briser eux aussi.

Möbius est pourtant moins convaincant, peut-être parce que Rochant sent le besoin de bien expliquer régulièrement son intrigue, là où les Patriotes suivait la logique de cloisonnement de l'information propre au Mossad et laissait beaucoup de questions en suspens, pour Ariel comme pour le spectateur. C’est dans ce type de scènes que Möbius n’a pas la force des Patriotes, loin s’en faut. La confrontation majeure entre Hippolyte Girardot et Yvan Attal tenait en deux répliques et un seul regard, alors qu'ici beaucoup de scènes viennent alourdir l’ensemble, donner des explications que l’intrique ne le demande pas forcément ou ajouter des éléments très caricaturaux, notamment sur les chefs de la CIA et du FSB.

Même si Dujardin est plutôt bon, son personnage est déjà trop paumé au début du film pour rendre totalement convaincant le portrait qu’on fait de lui en as de l’espionnage froid et sans scrupules. C’est la principale faiblesse du film, à mon sens, Gregory ne flingue pas sa carrière parce qu’il est tombé amoureux par hasard, on a le sentiment qu’il cherchait un prétexte pour flinguer sa carrière. Or ce sentiment est très diffus, peu exploité, alors qu'il devrait être le thème du film.

C’est dommage, le film a des forces évidentes, mais on y rentre avec difficulté. Clairement pas la force psychologique de la Taupe, même si je continue à bien aimer ce genre de film anti-spectaculaire.
Intéressant, plutôt agréable, mais un film qui n’a malheureusement pas su gérer sa double intrigue, histoire d’espionnage/histoire d’amour, au risque de rendre peu crédible l’une comme l’autre.

La minute geek : tout film français qu’il soit, Möbius n’échappe pas au placement de produit, mais dans une version un peu lose. C’est donc le Windows Phone qui essaie ici de se vendre comme le téléphone de James Bond. Vu l’âge et le type de public des films de Rochant, je suis un peu sceptique sur le retour sur investissement d’une opération de ce type. 

Je pourrais vous parler de Moebius, l'auteur de BD, mais ce n'est pas le sujet. J'ai d'ailleurs vu que son comparse Jodorowsky sort un préquel de la Caste des Métabarons, qui était déjà une sorte de préquel de l'Incal. Je me demande si tout cela est bien sérieux...

La minute du sériephile : évidemment, je peux citer Lie to Me, la série de Tim Roth, mais j’ignorais avant de lire un article de Technikart qui parlait du « purgatoire télé » que Rochant avait fait dans la série, deux saisons de Mafiosa. C’est bien cette porosité entre le ciné et les séries. Bon, quand c’est fait aux US, c’est David Fincher et Kevin Spacey qui s’y collent, mais bon, c’est déjà un début !

1 commentaire:

  1. J'ajouterai que ce film révèle au fur et à mesure de son déroulement une ambition (scénaristique) qu'il ne parvient pas à maîtriser, et c'est vraiment dommage. L'actualité (Boris Berezowski) démontre en tout cas la pertinence du sujet de fond.
    Sur les acteurs, le duo Dujardin/De France se veut glamour, mais n'y arrive jamais vraiment, la faute à des dialogues de séduction d'une vraie platitude.
    Enfin, la minute style : non aux cravates dénouées all the time, c'est impardonnable ! Dujardin surjoue son côté blasé par ce tic vestimentaire.
    Daniel Craig ne ferait jamais une chose pareille.
    G.

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