vendredi 22 mars 2013

Le Porteur d'Histoire, preuve qu'une pièce réussie, ce n'est pas une question de moyens





Le genre : Cloud Atlas en version réussie

Le Porteur d’Histoire est une de ses pièces qui sent la création de petit théâtre, la réflexion astucieuse sur le manque de moyens scénique et arrive à un résultat éblouissant en se concentrant sur l’essentiel, le texte et la création de l’émotion.

Le pari est pourtant audacieux. 5 acteurs pour 30 personnages, quelques chaises et un tableau noir pour seul décor, des costumes qui doivent pouvoir être enlevés ou mis en un clin d’œil. Et ce pari, la pièce le réussit haut la main.

Comment résumer une intrigue aussi riche en quelques mots ? La clé est dans le monologue d’entrée : parti de l’idée que l’Histoire n’est qu’une somme de récits, aussi impartial que soit l’historien, et que la fiction est donc au cœur de notre mémoire collective, le Porteur d’Histoire tisse une toile complexe d’événements a priori anodins, mais qui s’enchaînent. Chaque histoire qu’un des personnages raconte l’amène à évoquer une autre histoire, celle de sa famille, d’un ancêtre, d’un auteur qu’il a étudié...et ouvre une nouvelle scène à une autre époque.

En deux heures, les 5 comédiens enchaînent plus de 30 rôles, de la mère de famille algérienne à Alexandre Dumas, du pape Clément VI à un restaurateur orphelin, perdu dans une forêt des Ardennes en 1988. Tous les personnages, à toutes les époques sont à la recherche d’une mystérieuse famille, les Saxe de Bourville, qui semble liée à tous les bouleversements de l’Histoire, mais n’a laissé aucune trace écrite. 

La pièce interroge constamment notre rapport au récit et notre besoin de laisser des traces, de s'inscrire dans un contexte qui nous dépasse. Point intéressant, le narrateur nous prévient dès le début que son seul talent, c'est de raconter des histoires, comme le Baudolino d'Umberto Eco, qui prévient qu'il est mythomane en ouvrant son autobiographie. La réflexion va donc plus loin, pour porter sur la capacité de la fiction à engendrer la réalité, comme le fait constamment ce personnage de « porteur d’Histoire ».

C’est à la fois drôle, émouvant et intéressant. La pièce joue parfois un peu trop sur ses annonces de personnages célèbres, en parsemant le texte d’indices avant la révélation, pour satisfaire l’orgueil du spectateur qui aura reconnu le personnage rapidement. C’est une faiblesse mineure, vite excusée, tout comme on est indulgent avec le tableau sur la France phare de la démocratie…

La mise en scène est à contre-courant de beaucoup de pièces, et d’une vision élitiste du théâtre, tant elle intègre et réutilise des codes propres au cinéma et à la télé. Un de ses aspects fascinants tient à l’usage de la musique. L’auteur et metteur en scène est jeune et ne renie en aucun cas ses influences moins nobles. La musique, tant dans son placement que dans les types utilisés, souligne les récits sans en être partie prenante, technique très clairement empruntée au cinéma, voire à la série, tout comme l’utilisation du flashback. 

C’est assez rare, d’ailleurs, de voir au théâtre une écriture aussi proche de codes du cinéma, mais c’est une vraie réussite, sans besoin de coller de la vidéo ou autre installation idiote, comme dans le très mauvais Pop’pea du Châtelet. Ça marche précisément parce que c’est écrit par quelqu’un nourri aux codes de la bonne télé et que ce n'est pas une tentative de croiser les genres pour se donner une contenance intellectuelle "moderne", comme l'a très souvent fait la Comédie Française dans ses sombres années 2000.

Pas la peine de m’étendre, tant c’est foisonnant. Une seule chose à dire, c’est une pièce à voir.

La minute sériephile : quand je dis que l’auteur est marqué par la culture télé, ce n’est pas une vue de l’esprit. Après un début tant qu’acteur dans une série discutable, Diane femme flic, c’est aujourd’hui l’un des personnages principaux de Kabul Kitchen, le photographe Damien. Cette culture fait partie de sa carrière, et ça se voit, pour le meilleur.

La minute geek : cette famille mystérieuse, dont les racines plongent au plus profond de notre histoire, qui influence l’ensemble des grands mouvements, de la naissance du christianisme à la chute de la Restauration, et dont le symbole parsème l’histoire sans laisser de traces aux non-initiés m’a furieusement fait penser aux Assassins et aux Templiers d’Assassin’s Creed. Ça tombe plutôt bien, c’est une de mes franchises préférées.

mercredi 20 mars 2013

Cloud Atlas, un Lelouch qui a troqué émotion contre effets spéciaux





Le genre : si vous pensez que les cristaux peuvent guérir le cancer, ce film vous plaira sûrement

Cloud Atlas est un film que j’avais vraiment envie d’aimer. L’ambition esthétique des Wachowski, un scénario complexe et intriqué, un casting en or…la promesse était indéniablement alléchante. Malheureusement, je ne peux pas dire que j’en sois sorti très convaincu.

Cloud Atlas, le roman comme le livre, prend le parti de jouer avec six histoires, à six époques différentes, tout en tissant un lien mystique entre les personnages. Le film mêle une vision karmique du destin assez classique et l’idée plus intéressante et rare que toute action influe sur les personnages passés et futurs, dans un sens comme dans l’autre. A chaque époque, nous allons donc retrouver la même série de personnages qui traversent le temps, se retrouvent, se recroisent...

Le film ne parvient cela dit pas à se construire, et fait monter en puissance toutes les intrigues selon une même logique du « pendant ce temps ». De façon assez peu convaincante, le segment du milieu comprend toutes les scènes intimes, suivies de toutes les confrontations, et enfin de toutes les révélations, faisant de Cloud Atlas un mille-feuilles relativement lourd et dans lequel j’ai peiné à rentrer. C’est un peu comme regarder le happy end final de Love Actually, étiré sur 3 heures.

Pour ne pas être totalement négatif, on peut noter que chaque segment utilise des codes visuels propres à un genre lié à son époque, le mélodrame pour l’Angleterre des années 30, la SF pour la Séoul du 22ème siècle et ainsi de suite. Mouais, pourquoi pas, certaines parties plairont plus ou moins à chacun selon son ressenti, mais je doute fort qu’aucune des parties tienne réellement la route prise isolément.

Ce qui devrait être une des forces du film, le lien mystérieux entre les époques tient parfois du pur gimmick. Pour exemple, le compositeur anglais des années 30 lit le journal du navigateur américain du XIXè, et a été l’amant de l’auteur d’un rapport autour duquel tourne l’enquête des années 70. Il est parfois tellement mince qu’on se demande en fait à quoi sert la section par rapport au message holistique du film, ou du moins à la tentative de message holistique du film.

Le film pourrait poser des questions sur la nature du temps, mais préfère largement les éviter. Par exemple l’un des personnages est hanté par une musique du futur… Mais le film ne pose jamais la question de savoir si la fameuse musique, jouée dans un restaurant de néo-Séoul dans le futur n’est pas justement un sample de la symphonie qui lui trotte dans la tête et qui deviendra célèbre! La réponse vaguement ébauchée refuse de trancher clairement sur qui influence l’autre du passé ou du futur. Décevant.

Autre problème majeur pour moi, les personnages sont tous identifiés par une tâche de naissance en forme de comète. Cette idée d’une kitscherie qui dépasse l’entendement vient saper tout le propos, en supposant que les personnages sont, d’une certaine façon, des « élus » d’une forme de destin. Leurs actions n’ont en soi aucune importance, ils deviennent de fait les rouages d’un plan, idée à peu près contraire à l’ensemble des dialogues new-age sur la capacité de chacun à faire bouger le monde qui parsèment le film.

Autre gros point faible, cette idée mal menée de faire apparaître chacun des acteurs à chaque époque. Certains acteurs n’apparaissent vraiment que dans une section, comme Ben Whishaw ou Hugh Grant, et font  ensuite de la figuration, supra maquillés ou déguisés. Pour le spectateur, il s’agit plutôt de jouer à « Où est Charlie ? » qu’autre chose. La solution, donnée en générique de fin, donne enfin l’envergure du carnage… Oh, Hugo Weaving en chinois ! Oh, Halle Berry en vieux coréen ou en musicienne juive diaphane ! Oh Doona Bae en rousse aux yeux verts !

Ce parti-pris crée également une faille colossale dans le concept du film. Certains des personnages ne changent jamais quelles que soient les époques, là où d’autres évoluent radicalement, ce qui vient une fois encore nier la morale du film, à savoir que toute action, bonne ou mauvaise, finit par se payer. Je pense évidemment à Hugo Weaving, qui sera successivement esclavagiste, antisémite, tueur à gages, nurse sadique, policier politique puis tout bêtement incarnation du mal.

A part pour lui, qui ne subit aucune progression d'aucune sorte, il n’y a aucune progression logique entre les différents avatars des autres acteurs. Tom Hanks a droit à une partition absurde, alternant salaud assassin, au XIXeme, puis dans les années 2000, ou sauveur du monde, dans les années 70 puis dans le futur. Ou plutôt si, son personnage suit une même logique chronologique deux fois, méchant, neutre, gentil. Pas bien cohérent, mais peu importe. 

A l’inverse, le personnage de Robert Frobisher est le seul à penser que la vie est cyclique et que son histoire d’amour dépassera la mort. C’est pourtant précisément un des seuls éléments qui ne se retrouve dans aucun autre segment, il ne retrouvera jamais son amant. Aucune cohérence, aucun choix sur une ce qui fait tourner le monde, les hommes ou un destin immuable.

Souvent joli, mais aucune section qui tienne vraiment. Quelques bonnes idées mais Cloud Atlas se refuse à être le film à sketch et à clé qu’il devrait être, par peur de proposer un trop gros challenge au spectateur. Il finit par n’être qu’un patchwork pesant de scènes, parfois bonnes, parfois franchement ridicules.

La minute geek : dans la partie SF, l’un des secrets de polichinelle que l’on découvre est que les clones vieillissants sont recyclés pour nourrir les clones utilisés comme main d’œuvre. Ce qui aurait pu être un clin d’œil à Soleil Vert, est neutralisé par avance, puisqu'un des personnages a fait, plus tôt, une référence directe à ce film, référence qui tombe d'ailleurs comme un cheveu sur la soupe… Le clin d’œil aux cinéphiles devient un étalage de culture SF très lourd, voire méprisant pour le spectateur. Soleil Vert n’en reste pas moins un classique à voir, ne serait-ce que pour la scène du dîner entre Thorn et Sol.

La minute sériephile : en prenant le même principe d’un casting similaire mais de saisons à des époques différentes, la curieuse série American Horror Story redistribue les rôles à chaque saison. Une curiosité qui mérite un détour et se prend moins la tête que Cloud Atlas, pour un résultat plutôt efficace.

jeudi 14 mars 2013

Spring Breakers, tout le monde n’a pas le talent de Lurhman pour faire de la tragédie MTV



Le genre : Reportage de « 66 minutes » sur les dérives de la jeunesse en plus snob

Il faudra d’abord  noter que, dans sa conception, ce film est un objet marketing absolument redoutable. En faisant un appel du pied à des communautés radicalement différentes, il contrecarre en avance une partie de ses critiques. Oui, les actrices vont faire venir de la minette (et des fans de petits culs, ajouterai-je), mais c’est un film indé d’un réalisateur réputé. Oui les personnages sont caricaturaux au possible, mais les acteurs réalisent une performance, notamment James Franco…

Indubitablement, le film a des ambitions esthétiques. Tout ça est bien filmé, les lumières sont inventives, entre une première partie éclairée au néon blafard, le début du springbreak dans une lumière très naturelle mais résolument cliché, l’orangé du coucher de soleil de Miami, puis un final qui met l'accent sur le néon rose et l’éclairage artificiel des villas de dealers quand les filles basculent. Comme il est normal pour un compagnon de toute de Larry Clark, il y a une fascination évidente pour le corps de la jeunesse, ici souvent filmé sous un déluge de bière et en mouvement, un parti-pris qui pourrait être racoleur, mais s'avère plus dénonciateur qu'il n'y paraît de la dictature d'un type de beauté formaté par MTV et son mythique The Grind.

Je dois l’admettre, il y a quelques très bons moments de WTF, la scène sur du Britney Spears joué au piano, en bikini mais arme en main. L’ensemble de la scène finale, qui joue en permanence le décalage entre musique, lumière et contexte. Les musiques sont bien choisies, OK, tout ça est très bien.
Je me demande toutefois s’il y a autre chose dans ce film. Le scénario se veut ironique et décalé, mais est surtout très creux. Quatre pétasses qui rêvent du springbreak braquent un resto pour y aller, font la fête, se retrouvent sans blé en prison et tombe sous la coupe d’un dealer violent qui leur promet une vie de fête permanente.

Les personnages sont très minces.  Une des filles, habilement nommée Faith et dotée de 3 minutes de scènes sur le fait qu'elle est catholique, histoire de bien enfoncer le clou, refusera le dérapage et repart assez vite du film. Les trois autres sont traitées non comme des personnages mais comme un ensemble. James Franco s’amuse quant à lui visiblement dans sa rhétorique de gangsta black, mais je ne suis pas super convaincu. J'ai plutôt l'impression de voirJamie Kennedy dans Le rappeur de Beverly Hills que De Niro dans Taxi Driver. Les actrices qui ont tenté de se donner une crédibilité arty en passant de leurs séries Disney à ça auraient dû miser sur un meilleur cheval. Le tout ressemble furieusement aux cinématiques d’un sous-GTA.

Les dialogues sont consternants. Comme Korine en est très satisfait, certains reviennent en écho 5-6 fois de suite dans des scènes de pur remplissage et de clip chic, comme dans un bon vieil épisode de Bay Watch. Inutile et souvent grotesque. Malheureusement, ça compose un bon tiers du film.
On pourrait admettre que cette futilité et cette légèreté de construction correspondent à la bêtise des personnages, mais il est trop facile de se réfugier derrière cet argument. Contrairement aux films qu’il a co-écrit avec Larry Clark, qui cherchent toujours une forme de vérité, il n’y a rien ici que de l’épate bourgeois à peu de frais qui se veut décalé, mais qui retombe comme un soufflé, avec une bonne vieille morale à la fin. Comme quoi, on a beau être le scénariste d’un mec, il y ajoute quand même une patte déterminante.

Je ne nie pas la bonne foi du réalisateur, mais il n’a pas su se donner les moyens de ses ambitions.A-t-il seulement les moyens de cette ambition ? La question se pose pour moi, j'ai toujours trouvé que Gummo était une merde décousue et prétentieuse, digne des pires "performances" des 90's. Ici, ça aurait pu marcher sur un court-métrage, mais il n’arrive pas à en faire un long qui tienne la route.

Mais c’est bon, avec son expertise du filtre, ses montages mélangeant le ralenti et la saccade et sa capacité désormais prouvée à diriger un scénario pourri, Korine pourra cachetonner en réalisant des épisodes de CSI Miami.

La minute geek : qui est allé pêcher cette idée saugrenue de l’imagerie de l’alien petit gris pour le personnage du rapper dealer de Los Angeles ? On dirait l’idée d’un mec un peu nerd élevé dans les années X-Files. Oh, tiens, c’est le cas d’Harmony Korine ! On notera quand même son niveau de hipsteritude débile au prénom de sa fille, Lefty Bell!

La minute du sériephile : une des scènes d’ouverture nous montre une des filles se faire des shots de vodka avec un pistolet à eau. Ouh quelle idée symbolique de l’autodestruction de l’ado ! Quelle originalité ! Si vous voulez voire la même idée en intelligent, retrouvez l’incroyable scène de la tentative de suicide de Cassie dans la première saison de Skins. Là, on avait une vraie idée, qui prouvait à quel point ce suicide était celui d’une enfant qui appelle au secours.Petite note curieuse, pour des questions de droit, la BO de la scène originale, du Tricky, n'a pas pu être diffusée en France. La musique de remplacement concoctée par Canal lors de la diffusion en France était curieusement bien meilleure, alors même que la qualité de Skins reposait en partie sur la BO. Chapeau bas!

lundi 11 mars 2013

Möbius, le ruban comme le film sont de jolies constructions qui ne mènent nulle part.







Le genre : OSS 117 dépressif



Möbius est un film que j’attendais avec une certaine impatience, puisque je continue à penser que les Patriotes du même Rochant est un des meilleurs films d’espionnage qui soit, tout en subtilité et en « atermoiements » comme le soulignera le patron du personnage principal Ariel.

Ici, on retrouve cette volonté de faire un film différent. Ce qui intéresse Rochant, ce n’est pas l’action ou les gadgets, mais la psychologie de l’espion, et son malaise face aux rôles qu’il doit jouer et aux manipulations auxquelles il se livre. C’était le cas pour Ariel dans les Patriotes, qui commence à douter du bien-fondé des méthodes du Mossad, ce sera le cas pour Grégory Lioubov, le personnage de Dujardin.

Il compose un personnage dont on sent dès le début qu’il en marre, apparemment sous contrôle et charmeur, mais à qui cette vie ne convient plus. Buvant et fumant plus qu’il ne devrait, Dujardin se balade cravate mal noué et regard fatigué, dans une partition plutôt convaincante. Cécile de France est un peu agaçante dans son assurance, mais c’est le personnage, ça marche plutôt pas mal. Je suis moins convaincu par Emilie Dequenne, qui a certainement voulu jouer les espionnes glaçantes et froides, mais qui a enlevé toute aspérité à son personnage, qui tient plus d'un personnage de coloc chiante de série que de Nikita. 

Le film progresse avec lenteur, suivant la même idée que Les Patriotes : l’espionnage ce n’est pas glamour, c’est partager un appart deux mois avec une équipe que tu n’aimes pas forcément, et c’est surtout de la filature. Rochant prend le temps de poser ses plans, se donne les moyens de ses ambitions esthétiques, et ça fonctionne. En se posant à Monaco, Rochant rajoute un niveau d’ironie, en peignant un quotidien sale dans des tons très lumineux, une idée intéressante.

Les  deux films font un même constat : les espions de bureau prennent des décisions dures, et n’hésitent jamais à briser la vie de leurs pions, pour atteindre des buts politiques ou personnels. Les agents de terrain sont obligés d’appliquer ces décisions, mais ces manipulations finissent par les briser eux aussi.

Möbius est pourtant moins convaincant, peut-être parce que Rochant sent le besoin de bien expliquer régulièrement son intrigue, là où les Patriotes suivait la logique de cloisonnement de l'information propre au Mossad et laissait beaucoup de questions en suspens, pour Ariel comme pour le spectateur. C’est dans ce type de scènes que Möbius n’a pas la force des Patriotes, loin s’en faut. La confrontation majeure entre Hippolyte Girardot et Yvan Attal tenait en deux répliques et un seul regard, alors qu'ici beaucoup de scènes viennent alourdir l’ensemble, donner des explications que l’intrique ne le demande pas forcément ou ajouter des éléments très caricaturaux, notamment sur les chefs de la CIA et du FSB.

Même si Dujardin est plutôt bon, son personnage est déjà trop paumé au début du film pour rendre totalement convaincant le portrait qu’on fait de lui en as de l’espionnage froid et sans scrupules. C’est la principale faiblesse du film, à mon sens, Gregory ne flingue pas sa carrière parce qu’il est tombé amoureux par hasard, on a le sentiment qu’il cherchait un prétexte pour flinguer sa carrière. Or ce sentiment est très diffus, peu exploité, alors qu'il devrait être le thème du film.

C’est dommage, le film a des forces évidentes, mais on y rentre avec difficulté. Clairement pas la force psychologique de la Taupe, même si je continue à bien aimer ce genre de film anti-spectaculaire.
Intéressant, plutôt agréable, mais un film qui n’a malheureusement pas su gérer sa double intrigue, histoire d’espionnage/histoire d’amour, au risque de rendre peu crédible l’une comme l’autre.

La minute geek : tout film français qu’il soit, Möbius n’échappe pas au placement de produit, mais dans une version un peu lose. C’est donc le Windows Phone qui essaie ici de se vendre comme le téléphone de James Bond. Vu l’âge et le type de public des films de Rochant, je suis un peu sceptique sur le retour sur investissement d’une opération de ce type. 

Je pourrais vous parler de Moebius, l'auteur de BD, mais ce n'est pas le sujet. J'ai d'ailleurs vu que son comparse Jodorowsky sort un préquel de la Caste des Métabarons, qui était déjà une sorte de préquel de l'Incal. Je me demande si tout cela est bien sérieux...

La minute du sériephile : évidemment, je peux citer Lie to Me, la série de Tim Roth, mais j’ignorais avant de lire un article de Technikart qui parlait du « purgatoire télé » que Rochant avait fait dans la série, deux saisons de Mafiosa. C’est bien cette porosité entre le ciné et les séries. Bon, quand c’est fait aux US, c’est David Fincher et Kevin Spacey qui s’y collent, mais bon, c’est déjà un début !