dimanche 5 août 2012

De l'importance du narrateur chez Zack Snyder


Avec la sortie des premières bande-annonces de Man of Steel, le prochain Superman, le commentaire lu partout est toujours le même : « tiens c’est marrant, il a fait deux bande-annonces, avec les mêmes images, mais commentées par deux personnages différents, Jonathan Kent et Jor-El ». Effectivement, c’est assez original, mais si l’on regarde de plus près, c’est d’une logique absolue. La narration, ou plutôt le narrateur est de fait l’un des thèmes centraux de tous les films de Zack Snyder.

Dans chacun de ses films, le narrateur est l’un des éléments indispensables. C’est, quand on y pense, peu conformiste, puisque c’est l’un des moyens par lesquels Zack Snyder inscrit un cinéma résolument fantastique dans le réel. Chacune des histoires qui nous est racontée ne peut l’être que parce que l’un des personnages l’a, d’une façon ou d’une autre, consignée. Chaque histoire n’est en fait pas racontée par le cinéaste, mais par un des personnages. Au-delà de l’intérêt formel, cela suppose d’ailleurs une notion de subjectivité qui ne manque pas d’intérêt.

Reprenons chronologiquement la liste des films :

Dawn of the Dead (2003)

La fin de Dawn of the Dead est relativement positive, une partie des survivants atteint le bateau de Steve et fuit sur l'île. On peut quitter la salle en se demandant comment ils s'en sortiront. Snyder donne pourtant la réponse dans le générique de fin : l'île était déjà envahie de zombies, personne n'en a réchappé.

L'important, c'est comment il donne cette information : via une caméra abandonnée sur le bateau. On y voit des images de Steve avant l'épidémie, sur son bateau, détendu, puis la caméra est reprise par le groupe, qui filme divers éléments jusqu'à son arrivée sur l'île, et son massacre. C'est son premier film, mais le thème se met en place : si je peux vous raconter la fin de l'histoire, c'est que l'un des personnages l'a enregistré. Personnage qui ne peut-être que Terry ou Nicole. 

Pour aller plus loin, le DVD offre également une vidéo des derniers jours d'Andy avant de rencontrer les survivants. Même procédé, la video est présentée comme une cassette retrouvée par un autre groupe de survivant.

Le lien ici : Le générique en question

300 (2007)

Même s'il adapte un roman graphique, le choix de Snyder n'est pas innocent, et 300 pousse la même logique plus loin. Si nous connaissons l'histoire de la bataille des Thermopyles, c'est bien que quelqu'un nous l'a racontée, Hérodote, entre autres. Mais qui lui a raconté ? C'est là question que résout 300 via le personnage de Dilios.

Leonidas sait que le sacrifice des Spartiates n'aura de sens que s'il convainc les Grecs de se soulever contre les Perses. Il renvoie donc Dilios, malgré le désir de ce dernier de se battre, précisément parce que Dilios sait raconter les histoires. Là encore, la notion de subjectivité est troublante : la scène héroïque de 300, la bataille finale est racontée précisément par celui des 300 qui n'y a pas assisté!


Watchmen (2009)

Snyder est parfaitement logique dans son désir d'adapter Watchmen, qui comprend le même thème. Il reste d'ailleurs très fidèle au roman graphique: le plan final montre le pigiste de Nex Frontiersman retrouvant le journal que Rorschach a posté avant de s'embarquer pour l'Antarctique. Intéressant, puisque toute une partie du film ne peut, ne doit être connue du grand public.


Rorschach, justement, est celui qui veut une fois encore tout raconter. Il le paie de sa vie. Mais, même racontée par des conspirationnistes d’extrême droite, l’histoire doit être racontée.

La goutte de ketchup qui tombe sur le pull smiley du pigiste, reprenant en écho la goutte de sang sur le badge du Comédien qui ouvre le film, et laisse d'ailleurs supposer que cette histoire a bien été racontée. Les derniers mots "I leave it entirely into your hands" est d'ailleurs ambiguë :  le narrateur est-il ici le journaliste, ou le spectateur ? La logique se poursuit, et se creuse.


Sucker Punch (2011)

Comment ne pas voir dans Sucker Punch l'étape suivante de cette même dynamique. L'héroïne Babydoll doit, pour s'échapper, trouver 5 éléments, dont le dernier ne lui sera révélé qu'au moment où elle le trouvera. Or, lors de l'évasion, il ne reste qu'elle et l'une de ses comparses. Elle comprend alors qu'elle est le dernier élément, et se sacrifie pour permettre à Sweet Pea de quitter l'asile.

Ces événements ont lieu dans le monde fictionnel que s'est créé Babydoll, mais le final révèle qu'une évasion a bien eu lieu dans le monde réel. Une fois encore, le narrateur est l'élément clé de l'histoire, l'une n'existe pas sans l'autre. Le fait d'ailleurs que l'essentiel du film se passe dans le monde imaginé prend tout son sens. C'est bien cette histoire qui importe, qu'elle ait un élément de réel, ou qu'elle ne soit qu'un fantasme de Babydoll, qui se nourrit des éléments du réel.

Man of Steel (2013)

Qui sait ce que nous réserve Zack pour son Superman ? Je ne sais évidemment pas, mais une chose est sûre. On peut pour moi difficilement construire Superman de façpn classique après la scène d'analyse de Bill dans Kill Bill 2, qui pose foncièrement Superman comme narrateur du mythe de Clark Kent



Est-ce la piste qu'il retiendra ?

  

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