lundi 13 août 2012

La part des anges, étonnament naïf pour un Ken Loach



Je n’étais pas forcément emballé à l’idée de voir le dernier Ken Loach. Je n’ai vu que ses classiques, et ne maîtrise pas forcément toute son œuvre, mais je craignais que ce soit un choix un peu lourd pour une belle soirée d’août. Je reste en prime un peu circonspect après De rouille et d’os : malgré l’indéniable maîtrise technique et le sens de la réalisation de Jacques Audiard, l’amoncellement de couches de misère sociale servait-il un propos quelconque ? Je n’en suis pas convaincu et je craignais de voir une redite anglaise de ce travers.

Nous nous décidons toutefois pour le Ken Loach, et nous voilà partis. J’ai bien aimé le film, sympathique, parfois très drôle, mais je doute qu’il reste dans les mémoires. Ken Loach a manifestement changé son fusil d’épaule, pour mélanger son habituel réalisme, ici représenté par le squat dans lequel vit le héros, avec une bonne grosse dose de pensée magique. Le cocktail est surprenant.

D’une certaine façon, c’est rafraîchissant, mais Loach neutralise le côté social de son film en permanence par l’humour, et je ne suis pas absolument certain de comprendre ce qu’il cherche à dire avec ce film. La présentation des quatre personnages principaux ouvre par exemple le film, par la voix du procureur décrivant les délits qu’ils ont commis. L’absurdité des délits, en décalage avec la froideur clinique du lecteur qui lit les insultes, les prévenus qui tentent de se retenir de dire, le tout fait une scène hilarante. On est immédiatement du côté de cette bande de losers sympathiques et de leurs délits idiots (marcher ivre mort sur une voie ferrée, pisser sur une statue, piquer un rouge-à-lèvres).

Là où le film est plus ambigu, c’est sur Robbie, le personnage principal. Manifestement, son procès concerne une rixe avec une bande de son quartier, et le film suppose une rivalité qui ne s’arrêtera jamais, même si personne ne se souvient de ses causes. Mais Robbie a déjà fait de la prison, pour une agression, elle parfaitement gratuite, d’un inconnu qui en a perdu un œil, et a manifestement abandonné ses études suite à ce traumatisme. Il y a bien une scène de confrontation où Robbie pleure un peu et semble regretter, quoiqu’il ne le dise pas. Si l’on suit Ken Loach, et l’avocate de Robbie va être père, et ça change tout. Suspendons notre jugement et acceptons ce présupposé. 

L’autre problème vient de la famille de la copine de Robbie, relativement mafieuse et puissante, qui ne veut absolument pas de lui. Là encore, la pensée magique fait des miracles : il se fait tabasser le jour de l’accouchement par les oncles, mais élève quand même l’enfant, pourrait emménager avec sa famille. Son beau-père lui propose bien 5 000 £ pour quitter leur ville, mais au refus de Robbie, ne fait rien de spécial… Pareil pour la vendetta, qui s’arrête une fois que Robbie menace au couteau un de ses agresseurs. Ça ne devrait être qu’une marche dans l’escalade de violence, mais non, tout va bien, ça calme le jeu.

Reste l’intrigue principale, très absurde et drôle. Robbie se découvre grâce à son éducateur social une passion pour le whisky, et s’avère être un excellent nez (ce qui est d’ailleurs un peu étonnant, puisque c’est un fumeur, buveur et  cocaïnomane notoire, mais passons). En découvrant ce monde, il monte avec ses pieds nickelés un coup absurde pour devenir riche : s’introduire dans une distillerie et siphonner trois bouteilles d’un cru inestimable directement dans sa barrique pour les vendre à un collectionneur. Un fait d’armes idiot, mené en kilt, loufoque et réjouissant.

J’ai passé un bon moment, les personnages sont sympathiques, le film bien réalisé, mais La part des anges reste une comédie mineure. Tout est formidable, tout s’arrange, tout le monde est content. C’est très mignon, drôle mais je ne suis pas certain que le message de Ken Loach sur la déshérence des jeunes au chômage et sur  l’amalgame fait par les politiques entre chômage et délinquance passe vraiment.

La minute geek : l’intermédiaire du collectionneur de whisky est joué par Roger Allam. Outre qu’il joue Lewis Prothero, la voix de Londres dans V pour Vendetta, Allam joue Illyrio Mopatis, le magistrat qui arrange le mariage de Daenerys Targaryen et Khal Drogo. 

La minute du sériephile : si vous vous intéressez justement à la façon dont le politique britannique  perçoit les jeunes chômeurs, regardez plutôt la seconde saison de l’excellente mini-série House of Cards. Les fans de série y verront d’ailleurs la préfiguration de Profit, tant dans le sujet que dans la technique.

vendredi 10 août 2012

Abraham Lincoln, soleil WTF d'un été pourri




Quand je regarde la liste des films que j’ai vus et chroniqués ici, je m’aperçois que je me suis plutôt penché sur du blockbuster américain que sur du film intimiste algérien. Faiblesse humaine et mois d'août, je vais tenter de rectifier le tir. Promis, le prochain film que je vais voir, c’est Adieu Berthe (et certainement pas les Enfants de Belle Ville, je peux pas blairer Asghar Farhadi, j’ai trouvé qu’Une Séparation était un téléfilm médiocre et une imposture intellectuelle de la plus belle eau).

Peu importe, que dire d’Abraham Lincoln chasseur de vampires ? Tout d’abord, que c’est tiré d’un roman de Seth Grahame Smith, qui est un auteur qui va devoir évoluer, mais dont le tour de force littéraire suscite chez moi une certaine admiration. Son tour de force : prendre Raisons et Sentiments de Jane Austen, ne rien, strictement rien, enlever du texte original, mais rajouter des membres de phrase, des adjectifs, des paragraphes, en respectant le style et l’intrigue. Pour ajouter des zombies. Soit un roman du XIXème, avec des zombies, élégamment appelés « The Stricken Ones » par les personnages.

Incroyable illustration de la scène où Elizabeth et Mr. Darcy s'avouent leur amour en se castagnant.


Après, le film rentre dans la même catégorie que des films comme Battleship, à savoir la catégorie des films où l’image l’emporte sur tout le reste. Le film est manifestement pensé autour de scènes de bravoure, le scénario servant à meubler des respirations entre les dites scènes. Ce type de film où l’on se demande constamment si quelqu’un a lu le scénario avant de signer la ligne de crédit. Dans un sens, c’est un archi-classique, très maniéré, du film fantastique, où aucun plan classique ne nous est épargné : les arrivées au ralenti du héros, la scène d’entraînement où il acquiert sa signature (ici, la hache et le chapeau), le bullet-time… 

Au moins, Timur Bekmambetov s’est amusé. On lui a permis de réaliser tous ses fantasmes, et il ne s’en est pas privé. Il a pioché un peu partout, chez Tim Burton, d’ailleurs producteur, pour son ambiance, chez Neil Jordan pour l’imagerie des vampires de la Nouvelle Orléans, chez Zack Snyder pour ses combats en bullet time, chez Docteur House pour la scène de révélation (dite scène de la fourchette, qui restera un moment culte). Et il a joué comme un gamin avec ses références. Un peu comme un Xavier Dolan de l'action movie qui réaliserait Blade

Il ne s’est rien interdit : la bataille dans le train lancé à pleine vitesse sur le pont en flammes, la bataille de Gettysburg contre les vampires sudistes, tout y passe. Tout le sens de l’image est dans la minutie des chorégraphies de combat et des montages de ces combats. Les décors, les costumes, tout ça est un peu approximatif, mais Timur s’en fout, le film n’est pas là.

Curieusement, c’est un peu l’anti Dark Shadows. Là où le Burton devenait lourd, et long, à force de se prendre au sérieux et de chercher son ton, Abraham Lincoln a le mérite de ne rien respecter, et de résolument choisir le chemin de la dérision et du cliché assumé.

Même chose pour le scénario, il conçoit son film comme Dan Brown écrit : il faut un rebondissement toutes les 5 min. Forcément, c'est rapide et très rythmé (très con aussi, je veux bien le reconnaître), mais ça change de The Dark Knight Rises ou du dernier Spiderman, deux films qui justifient les longueurs en prétendant avoir quelque chose d'intelligent à dire.. Au bout de 5 minutes, les vampires sont là, la hache au bout de 15. 

Après, le film peut se concentrer sur ce qu’il a promis, du combat foutraque et de la décapitation originale de vampires (étagère, soufflet de forge, à cheval, en train…) et une utilisation de la 3D plutôt ludique. Elle est d’ailleurs à l’avenant du film : c’est un gadget, autant l’exploiter pour rigoler. Elle ne sert pas tant à donner de la profondeur qu’à envoyer des objets de toutes sortes à la gueule du spectateur.

Je ne commenterai pas trop le jeu des acteurs, archi classique pour un film pop-corn de ce type, oscillant entre punchlines comiques et phrases grandiloquentes sur la vengeance, la guerre. Mention spéciale à Rufus Sewell. Je pense que ce garçon choisit ses films sur un seul critère, être en costume d’époque, de n’importe quelle époque. Il porte très bien les lunettes de soleil vintage XIXème. C’est un des aspects sympathiques du film, les vampires portent des lunettes de soleil, ce qui donne lieu à une ébouriffante galerie de ce que le directeur artistique pense être des lunettes de soleil d’époque.  Et pourtant, au XIXème, la lunette de soleil n’est pas fashion, elle n’est prescrite qu’aux personnes atteintes de la syphilis, plus sensibles à la lumière…

Pour résumer, oui, c’est clairement un film de genre, totalement assumé et bien réalisé. Une œuvre d’artisan qui connaît sur le bout des doigts son métier, sans la prétention d’un designer qui veut t’expliquer ce qui est beau, et ce qui est bien. Le public rit constamment de bon cœur devant les énormités du scénario, se pince en se disant qu’il ne va pas oser tel retournement ou tel effet. Mais si, il ose, et c’est incroyablement rythmé, comme un dessin animé, et je ne boude pas mon plaisir.

La minute geek : la scène ou le vampire Adam résume l’histoire humaine et où les tableaux s’animent au fur et à mesure de son récit rappelle furieusement l’introduction de God of War. Que tout le monde avait salué à l’époque comme un bijou d’inventivité.

La minute du sériephile : il m’arrive de regarder un peu Vampire Diaries, voire un peu honteusement Teenwolf. Et bien je trouve que ce manque de mesure propre au film manque à ces séries. Or c'est justement quand Buffy a jeté aux orties tout semblant de vraisemblance et de cohérence que c’est devenu une bonne série.

mardi 7 août 2012

Racine, par la racine



Je sais, la pièce est en relâche, mais elle reprend en septembre, et il faut aller la voir. Parce que c’est intelligent et drôle. Cinq comédiens ont fait le pari de présenter Racine en onze tableaux, chacun issu d’une pièce différente, et avec onze mises en scènes différentes, et toujours décalées.

Etant un pro-racinien depuis longtemps, j’étais assez sceptique. Mais je me suis suffisamment tapé de mises en scènes de Racine indigestes et pompeuses dans des théâtres réputés pour donner sa chance à un parti-pris plus radical. Ça ne va pas dans le même sens, a priori, que ce que je disais du Fil à la Patte, mais les choses sont simples pour moi : soit une mise en scène est classique, soit elle est décalée. Mais certainement pas les deux. Ajouter du sabre laser ou du kung fu dans une mise en scène en costume, c’est tout simplement grotesque. Transposer Bérénice sur Naboo, c’est casse-gueule, mais ça peut marcher (attention, je dis bien ça peut).

Onze tableaux, donc, pour présenter les caractéristiques de l’œuvre de Racine, en tentant la mise en scène journalistique, la comédie musicale, le cours de comédie. La pièce ne pourrait pas marcher si les comédiens, et le créateur de la pièce ne connaissaient pas parfaitement la logique racinienne. Fort heureusement, ils la comprennent, et l’aiment suffisamment pour s’en moquer.

La pièce est donc à la fois très drôle pour les connaisseurs des mécaniques classiques, et pour les profanes, parce qu’elle joue, avec une certaine férocité sur les clichés du théâtre classique et de sa mise en scène. Exemples, le tableau sur Mithridate, essentiellement axés sur le garde qui n’a pas de répliques, ou encore le tableau sur le rôle des confidents. Mention spéciale au metteur en scène intello pour qui tout Andromaque se résume dans le « Oui » qui entame l’une des répliques d’Oreste, « jaillissement du verbe ».

Les comédiens n’hésitent pas à se moquer ouvertement de certains aspects dramatiques, notamment la totale absence de la moindre action ou péripétie dans Bérénice, ou les trop nombreux retournements de situation d’Iphigénie, mais montrent aussi leur tendresse pour ce théâtre. Quand vient le tableau final, monté lui de façon tout-à-fait classique, l’oreille s’est habituée au vers, à la mécanique tragique. Et l’émotion est présente, dans cette scène archi-classique de l’aveu de Phèdre à Oenone. Pourtant là encore, le metteur en scène a l’intelligence de désamorcer tout son effet, par une pirouette désinvolte.

Racine contient certains des plus beaux moments d’émotion du répertoire classique, en haine comme en amour. C’est pour moi le sens de cette pirouette : vous vous êtes amusés, mais vous avez ressenti l’émotion de Phèdre. Vous êtes prêts à vous lancer dans le vrai Racine. 

Du théâtre drôle, cultivé et pédagogique, que demander de plus ? Certainement plus efficace pour convaincre que caster cette vieille peau de Dominique Blanc pour jouer Phèdre, personnage qui ne doit pas avoir bien plus de 20 ans –voire plutôt 17. Mais ça c’est aussi le problème de l’establishment théâtral français, c’est un beau rôle de tragédienne, donc on le confie à quelqu’un d’arrivé, la vraisemblance, on s’en cogne !

La minute geek et la minute du sériephile: j'ai beau creuser, je ne vois pas. Une des comédiennes a fait un épisode de Camping Paradis, mais bon...

dimanche 5 août 2012

De l'importance du narrateur chez Zack Snyder


Avec la sortie des premières bande-annonces de Man of Steel, le prochain Superman, le commentaire lu partout est toujours le même : « tiens c’est marrant, il a fait deux bande-annonces, avec les mêmes images, mais commentées par deux personnages différents, Jonathan Kent et Jor-El ». Effectivement, c’est assez original, mais si l’on regarde de plus près, c’est d’une logique absolue. La narration, ou plutôt le narrateur est de fait l’un des thèmes centraux de tous les films de Zack Snyder.

Dans chacun de ses films, le narrateur est l’un des éléments indispensables. C’est, quand on y pense, peu conformiste, puisque c’est l’un des moyens par lesquels Zack Snyder inscrit un cinéma résolument fantastique dans le réel. Chacune des histoires qui nous est racontée ne peut l’être que parce que l’un des personnages l’a, d’une façon ou d’une autre, consignée. Chaque histoire n’est en fait pas racontée par le cinéaste, mais par un des personnages. Au-delà de l’intérêt formel, cela suppose d’ailleurs une notion de subjectivité qui ne manque pas d’intérêt.

Reprenons chronologiquement la liste des films :

Dawn of the Dead (2003)

La fin de Dawn of the Dead est relativement positive, une partie des survivants atteint le bateau de Steve et fuit sur l'île. On peut quitter la salle en se demandant comment ils s'en sortiront. Snyder donne pourtant la réponse dans le générique de fin : l'île était déjà envahie de zombies, personne n'en a réchappé.

L'important, c'est comment il donne cette information : via une caméra abandonnée sur le bateau. On y voit des images de Steve avant l'épidémie, sur son bateau, détendu, puis la caméra est reprise par le groupe, qui filme divers éléments jusqu'à son arrivée sur l'île, et son massacre. C'est son premier film, mais le thème se met en place : si je peux vous raconter la fin de l'histoire, c'est que l'un des personnages l'a enregistré. Personnage qui ne peut-être que Terry ou Nicole. 

Pour aller plus loin, le DVD offre également une vidéo des derniers jours d'Andy avant de rencontrer les survivants. Même procédé, la video est présentée comme une cassette retrouvée par un autre groupe de survivant.

Le lien ici : Le générique en question

300 (2007)

Même s'il adapte un roman graphique, le choix de Snyder n'est pas innocent, et 300 pousse la même logique plus loin. Si nous connaissons l'histoire de la bataille des Thermopyles, c'est bien que quelqu'un nous l'a racontée, Hérodote, entre autres. Mais qui lui a raconté ? C'est là question que résout 300 via le personnage de Dilios.

Leonidas sait que le sacrifice des Spartiates n'aura de sens que s'il convainc les Grecs de se soulever contre les Perses. Il renvoie donc Dilios, malgré le désir de ce dernier de se battre, précisément parce que Dilios sait raconter les histoires. Là encore, la notion de subjectivité est troublante : la scène héroïque de 300, la bataille finale est racontée précisément par celui des 300 qui n'y a pas assisté!


Watchmen (2009)

Snyder est parfaitement logique dans son désir d'adapter Watchmen, qui comprend le même thème. Il reste d'ailleurs très fidèle au roman graphique: le plan final montre le pigiste de Nex Frontiersman retrouvant le journal que Rorschach a posté avant de s'embarquer pour l'Antarctique. Intéressant, puisque toute une partie du film ne peut, ne doit être connue du grand public.


Rorschach, justement, est celui qui veut une fois encore tout raconter. Il le paie de sa vie. Mais, même racontée par des conspirationnistes d’extrême droite, l’histoire doit être racontée.

La goutte de ketchup qui tombe sur le pull smiley du pigiste, reprenant en écho la goutte de sang sur le badge du Comédien qui ouvre le film, et laisse d'ailleurs supposer que cette histoire a bien été racontée. Les derniers mots "I leave it entirely into your hands" est d'ailleurs ambiguë :  le narrateur est-il ici le journaliste, ou le spectateur ? La logique se poursuit, et se creuse.


Sucker Punch (2011)

Comment ne pas voir dans Sucker Punch l'étape suivante de cette même dynamique. L'héroïne Babydoll doit, pour s'échapper, trouver 5 éléments, dont le dernier ne lui sera révélé qu'au moment où elle le trouvera. Or, lors de l'évasion, il ne reste qu'elle et l'une de ses comparses. Elle comprend alors qu'elle est le dernier élément, et se sacrifie pour permettre à Sweet Pea de quitter l'asile.

Ces événements ont lieu dans le monde fictionnel que s'est créé Babydoll, mais le final révèle qu'une évasion a bien eu lieu dans le monde réel. Une fois encore, le narrateur est l'élément clé de l'histoire, l'une n'existe pas sans l'autre. Le fait d'ailleurs que l'essentiel du film se passe dans le monde imaginé prend tout son sens. C'est bien cette histoire qui importe, qu'elle ait un élément de réel, ou qu'elle ne soit qu'un fantasme de Babydoll, qui se nourrit des éléments du réel.

Man of Steel (2013)

Qui sait ce que nous réserve Zack pour son Superman ? Je ne sais évidemment pas, mais une chose est sûre. On peut pour moi difficilement construire Superman de façpn classique après la scène d'analyse de Bill dans Kill Bill 2, qui pose foncièrement Superman comme narrateur du mythe de Clark Kent



Est-ce la piste qu'il retiendra ?

  

jeudi 2 août 2012

Blanche Neige et le Chasseur, joli, un peu chiant, mais joli


La bande-annonce était, il faut bien le dire, plutôt alléchante. Elle laissait entrevoir pas mal de choses, en cachait soigneusement d’autres, notamment la meilleure idée de ce film. Je suis assez preneur d’une version plus crue, où Blanche Neige et la Reine finissent par se battre l’épée à la main. 

Évidemment, le film ne rentre pas trop dans le détail social, mais, pour une fois, dire que puisque l’enjeu est un royaume, il va y avoir des batailles et des morts, un soulèvement du peuple, ça ne me déplaît pas. Rien de révolutionnaire, mais ça change un peu de la vision classique du conte de fées, où les changements de pouvoir se font toujours sans heurts.

Malheureusement, la bande-annonce montre un peu tout, et le film n’a pas vraiment autre chose à offrir. Il fallait un peu s’y attendre, le seul vrai fait d’armes du réalisateur (hormis sa liaison avec Kristen Stewart), c’est d’avoir réalisé la pub, certes primée à Cannes, de Halo 3. Le sens du découpage et de la tension, sur 3 minutes, il maîtrise. Sur 2 heures, il est déjà moins à l’aise.
Ce qui est évident, c’est qu’il a pris beaucoup de plaisir avec son joujou. Peut-être trop. Il aime beaucoup filmer ses décors, ses costumes, faire ses petits effets, mais je crois qu’il a oublié que son film était vendu comme un film d’action, comme un Blanche-Neige bad ass, pas comme un film contemplatif. C’est mou, très mou, malgré les scènes d’action.

Là où le bât blesse également, c’est que, même si je reconnais que les décors sont incroyablement détaillés, la quasi-totalité de la direction artistique est piquée dans d’autres films. La forêt maléfique et ses créatures doivent beaucoup, mais vraiment beaucoup, au Labyrinthe de Pan. Une des bonnes idées, et joliment réalisée, je l’admets, c’est l’arrivée dans la forêt enchantée, conçue en miroir de l’autre forêt. C’est un peu un cliché, mais ça fonctionne. Excepté quand le roi de la forêt enchanté arrive, puisque lui sort tout droit de Princesse Mononoké.


La bonne idée, la vraie idée, ce sont les nains. Gros casting mené par Ian McShane, allusions sexuelles, look de rock-star embagousées mais combat à la pioche, utilisation du chant, on est dans le détournement intelligent. Ou plutôt dans un mixage rafraîchissant du nain Disney et du nain Tolkien. 

Le problème, c’est qu’une fois la bande de nains ajoutée au casting, allez savoir pourquoi, on se tape 15 minutes de panoramiques sur la petite troupe traversant des grandes plaines et des montagnes pour rejoindre une forteresse. Toute ressemblance avec Peter Jackson est probablement un hasard. C’est vrai, une bande comportant un guerrier, un archer, des nains et qui marche dans des paysages de nature grandioses filmés depuis un hélico, c’est tout bonnement révolutionnaire. La bonne nouvelle, si vous aimez ce genre de plans sur de la musique pompier, c’est que Peter Jackson prévoit 3 films de Bilbo le Hobbit, ce qui devrait nous faire 2 bonnes heures de plans de randonnée en Nouvelle-Zélande.

Il en va évidemment de même pour le reste. Charlize Theron qui d’un mouvement de cape se transforme en corbeaux, Charlize Theron en lait comme le générique de Millenium, c’est joli, mais pas très original, le miroir d’or liquide qui prend forme humaine et les armées qui se brisent au contact des coups, c’est très la Momie (la Momie 2, en fait, mais peu importe).

C’est beau, mais ça n’est ni original, ni bien intéressant. Comme Thalassa. Pourquoi pas quand il n’y a rien d’autre un mardi de novembre, mais franchement, vous iriez voir Thalassa au ciné ?

La bonne blague : en faisant une vérification pour cet article, j’apprends que le 2 est en pré-production. Misère…

La minute geek : étant donné que l’esthétique est piquée du manga ou de la fantasy, je ne saurais pas par où commencer.  Je me contenterai donc de rappeler que Bob Hoskins, qui joue l’un des nains, a joué Super Mario aux côtés de Denis Hopper qui jouait Bowser, à une époque qu’ils préféreront sans doute oublier. Pour un budget de 42 millions de dollars, le film en a rapporté 20. On parle de « succès d’estime » dans ces cas-là, c’est plus poli que « catastrophe industrielle ». 

La minute du sériephile : pour ceux d’entre vous qui n’ont suivi Deadwood que pour Ian McShane, jetez un coup d’œil à Trust, série de la BBC sur les avocats d’affaires. Il y joue le fondateur du cabinet, riche, excentrique et oisif, britannique jusqu’au bout des ongles. Boston Legal est clairement en gène dans cette mini-série de 2003.

mercredi 1 août 2012

Starbuck, un criss de nice film




Je ne sais pas si c’est de la condescendance ou du snobisme, mais tout film avec l’accent québécois m’est immédiatement sympathique. Je pense que c’est essentiellement lié à l’usage créatif de l’anglais dans le québécois, qui donne des phrases hilarantes.

Bref, je ne peux pas vraiment dire que je m’y connaisse en cinéma du Québec, mais ce que j’en ai vu m’a toujours plu, notamment, évidemment les films de Denys Arcand ou La Grande Séduction. C’est toujours léger, drôle, et original par rapport à la comédie française. Je suis même fan d’une série québécoise (pas les Intrépides, qui est franco-québécoise), Grande Ourse, un genre de Twin Peaks à Chicoutimi convaincant et parfois glaçant. 

Je mets ici de côté Xavier Dolan, puisque ses trois films présentent toujours les mêmes qualités et les mêmes défauts, à savoir une très grande maîtrise, une envie évidente de faire non des films, mais du cinéma, mais aussi une prétention très agaçante, et une copie du style des autres fatigante. Il faut qu’il mûrisse un peu, mais ça viendra (peut-être, du moins. Son scandale à Cannes augure une personnalité de diva un peu lourde, et à mon avis plus proche d’un Kassovitz emo que d’un Herzog queer, mais je m’égare).

Ici, donc, David, sympathique loser de 40 ans s’aperçoit que, suite à une erreur de la banque de sperme, son sperme qu’il a donné abondamment dans sa jeunesse, a généré plus de 500 mômes, qui font un recours pour le connaître. Pour ne rien arranger, David s’apprête à être père, cette fois-ci par des moyens naturels. Que faire, donc ? 

Par parenthèse, la raison pour laquelle il avait besoin d’argent et a donc fait tant de dons est évoquée, en filigrane, mais jamais clairement dite. C’est à la fois élégant et logique par rapport au personnage, et ça évite une scène tire-larmes qui serait inutile.

Pourquoi inutile, parce que Starbuck est par essence, un « feel good movie », qui peut toucher par moment, mais veut toujours rester léger. David de met donc en quête de ses « enfants » et décide d’en devenir l’ange gardien. C’est un des atouts du film, cette série de scénettes qui montre, comme le dira d’ailleurs le père de David dans le film que la seule chose à retenir de David c’est qu’il est sympa. Même quand il est lourd, il est sympa, probablement parce qu’il se fout un peu de tout, et surtout de ce qu’on peut penser de lui.

Finalement, le film suit une famille classique, celle de David, avec ses drames, la mère morte d’un cancer, et ses joies, et une famille de cœur, celle des enfants, tous nés d’insémination et élevés dans une famille différente, donc de mondes différents, mais liés ensemble par ce désir de connaître leur père biologique. Les deux ensemble fonctionnent et offrent de belles scènes de comédie.

C’est rythmé, c’est drôle, les dialogues sont bons (mais je l’ai dit, je suis partial envers le québécois, la réplique à un banquier qui refuse un prêt faute de garanties « z’êtes un criss de pawn shop avec des meubles fancy » m’a tué). Et contrairement à des films de ce type - je pense à Love Actually – le caractère foncièrement positif n’est pas fondé sur le fait que la ou les histoires d’amour finissent par fonctionner, mais d’une volonté d’aider et de s’aider.

En somme, un Amélie Poulain du Québec, moins original formellement, mais du coup plus simple à accepter, et avec une histoire qui est finalement plus audacieuse dans les possibilités qu’elle ouvre (après tout, Amélie Poulain, maintenant qu’elle a trouvé son mec, les habitants du quartier peuvent se brosser pour qu’elle les aide. Elle attend la mort de son père pour récupérer le pavillon et vivre pépère de ses rentes).

La minute geek : euh, le t-shirt The Avengers que David porte dans certaines scènes ? Le nom du film, en hommage à Galactica ?

La minute du sériephile : pareil, je ne crois pas avoir reconnu d’acteurs de Grande Ourse, ni d’aucune autre série. Mais je ne suis pas rivé à l’actu des séries télé québécoises non plus

Théâtre: Un fil à la patte, voire un boulet



Un Fil à la Patte, c’est un peu le blockbuster de la Comédie Française cette année. Captation pour la télé, distribution à noms connus, dont Guillaume Galienne, et, bien entendu, le metteur en scène Jérôme Deschamps, père des Deschiens. Un des meilleurs vaudevilles de Feydeau, donc une pièce comique, et facile, pour tous, carton plein.

En deux mots, une trame classique : un aristocrate sans le sous vient pour rompre avec sa maîtresse puisqu’il va épouser une héritière, mais ne parvient pas à rompre. La dite maîtresse, chanteuse de son état, ignore que son amant va se marier, et accepte de chanter à la réception, embauchée par la future belle-mère, qui ignore évidemment qu’elle est la maîtresse de son futur gendre. On y ajoute un général sud-américain amoureux, on laisse les quiproquos se multiplier, et c’est parti, les portes claquent, les personnages sautent sous les canapés, et les majordomes restent de marbre.

Décors impeccables, costumes impeccables, petit bémol sur le rôle principal, à mon avis trop vieux et trop bedonnant pour avoir à la fois séduit la chanteuse de café-concert et l’héritière, mais peu importe, c’est bien joué, c’est ce qui compte. Tout va bien, en fait jusqu’à l’arrivée de Christian Hecq en Bouzin, le notaire un peu pervers, qui voudrait tant faire partie de ce monde de mondains.

Il en fait des caisses, des mimiques à tout va pour le moindre geste, il capte toute l’attention, tente de faire du Hirsch, mais pour moi, non seulement ça tombe à plat, mais ça emporte la pièce avec. Je m’explique. L’important dans le vaudeville, ce sont les situations, l’énergie qu’elles suscitent, les fuites permanentes : dès qu’un personnage arrive, deux autres doivent fuir pour éviter que les vérités éclatent; les malentendus se multiplient, ça doit être hystérique.

Or ici, dès que le notaire est en scène, ses mimiques allongent les scènes, ça traîne, ça devient lourd. Bouzin n’est pas un personnage principal, c’est plutôt le running gag de la pièce, le mec qui veut toujours rentrer, mais que personne ne veut voir, et qui se fait, du coup, toujours virer. Pour faire un mélange des genres de références, Bouzin, c’est Jazz dans le Prince de Bel Air. Ce qu’on aime voir, ce n’est pas Jazz, c’est voir Oncle Phil le jeter hors de la maison.



Je m’interroge donc un peu sur le pourquoi de ce parti pris.  Deschamps et Mayette ont-ils estimé que le texte ne se suffisait pas à lui-même, et devait être enrichi pour être drôle ? Dommage de mépriser autant le répertoire, et surtout de rater une mise en scène pour cette raison. J’attends un peu mieux de la Comédie Française (ou non, après tout, j’ai quand même vu pas mal de catastrophes là-bas, dont le calamiteux Savannah Bay de Duras, avec ses 20 secondes de blanc entre les répliques. OK, le silence est important chez Duras, c’est là que se glisse le non-dit, tout ça, tout ça, mais, là, même le public en était gêné).

Si vous tenez absolument à voir du vaudeville, qui ne méprise pas son texte, allez plutôt voir La Vie Parisienne dans la mise en scène de Sachs. C’est exactement l’inverse : on commence sans décor, sans costumes, et en se moquant ouvertement de la légèreté de l’intrigue, et puis tout se met en place, le moteur démarre, et on part vers une mise en scène de plus en plus complète qui met en avant ce qui fait le succès et le talent de ce type de spectacle, leur énergie, pas le sens qu’on leur donne.

La minute geek : sur une pièce du XIXème, c’est chaud. Ou alors c’est que la mise en scène part un peu en sucette. Mais ça s’est vu, notamment les scènes de kung fu dans le Dindon. Tiens, c’était déjà à la Comédie Française. Si vous avez un problème avec le vaudeville, arrêtez d’en faire, les gars.

La minute du sériephile : Christian Hecq était pourtant bon dans le rôle du légiste de l’équipe de Crimes en série, une tentative française de faire Esprits Criminels avant l’heure, et avec Pascal Légitimus dans le rôle principal. Trop décalé, ça n’a pas marché. Dommage, quelques bons épisodes, notamment celui avec Jean-Pierre Cassel, chirurgien amoureux touchant.

The Dark Knight Rises, mais est écrasé par ses ambitions


Je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé The Dark Knight Rises, mais je m’interroge un peu sur les qualificatifs que j’ai pu voir à droite et à gauche, «magistral », « éblouissant » et autres. Oui, c’est bien réalisé, efficace, mais je n’y retrouve pas vraiment l’originalité des autres films de Christopher Nolan.
Le scénario, d’une part, est finalement très classique. Le méchant veut détruire la ville, parce que, voilà, il est méchant. Certes, il y a un élément de continuité par rapport à Batman Begins, le plan de Ras Al Ghul, et c’est agréable, mais du coup, tout le texte politique developpe par Bane est effacé. En fait, tout le discours de Bane sur la corruption, le pouvoir du peuple, c’est expressément un écran de fumée. Gotham doit disparaître parce que le méchant a dit qu’elle devait disparaître.

C’est un peu limité.

C’est d’autant plus dommage que The Dark Knight était vraiment novateur sur ce point. Le Joker était un antagoniste radicalement nouveau, et le premier vrai avatar du mal post 11 septembre : quelqu’un contre qui on ne peut pas lutter, parce qu’il ne cherche rien de précis, juste le chaos, voire juste le plaisir de la confrontation. Et, notamment dans la scène des bateaux ou de l’hôpital, le côté terrifiant du Joker, c'est précisément qu’il met les citoyens face à leurs contradictions, face au choix entre ses principes humanistes et son désir de survie.


Avec une particularité : il ne cherche pas à prouver quoi que ce soit, ni même à dominer qui que ce soit Les deux dénouements lui vont, c’est même le plaisir de savoir ce qui va se passer qui le pousse, en observateur quasi scientifique. Chez Bane, rien de rien, il contrôle la ville, et c’est tout. Les habitants de Gotham n'ont pas d'autre choix que marche ou crève, ce qui ne fait d'eux que des figurants de cette histoire, et plus des acteurs.


Après, c’est vrai que le film est plein d’idées, notamment les oreilles/lunettes de Catwoman, et que les scènes d’action sont efficaces, tant qu’il y a des véhicules. Les scènes de combat, en revanche sont très convenues, et bardées de dialogues lourdingues. Ça ressemble très fort à du Transformers, avec ces classiques scènes de baston / philo de comptoir entre Optimus et Mégatron. Ce n’est d’ailleurs pas la seule ressemblance avec Michael Bay : la fin éclairée par le soleil couchant, la ville désertée, l’héroïsme au ralenti… Sauf que quand c’est Transformers 3, le Monde a plus de mal à s’extasier légitimement. En fait, la construction et la longueur des films sont quasiment les mêmes. Une scène d’action d’ouverture impressionnante, 1h30 d’exposition longue, très longue, - avec de l’humour pourri chez Bay, et ici du bavardage sur l’état de la société et les entorses à la liberté nécessaire pour garantir la sécurité -, suivie d’un final d’action ininterrompu et très maîtrisé.

Je ne dirai rien de Marion Cotillard, si ce n’est qu’elle joue toujours « l’émotion » de la même façon, avec ses larmes et ses chichis. Sa dernière scène pourrait être tirée des Petits Mouchoirs, voire de La Môme. Ça coupe un peu l’effet d’une scène qui est déjà assez ridicule comme ça, et qui rappelle les sombres heures de Matrix 3.

Anthropologue (?) bi et avinée, philanthrope et assassine, chanteuse à vie dramatique, dresseuse sans jambes, le tout est de faire la gueule. Avec intensité.


Classique, efficace, mais j’attendais autre chose. Une forme de poésie du chaos, comme dans le précédent, une esthétique novatrice comme dans Inception, un jeu dans le scénario avec le spectateur comme dans
Mémento ou Le Prestige. J’ai eu un film d’action classique, bien réalisé, mais trop soucieux de boucler toutes les boucles, et de finir sur la notion d’héritage.

La minute geek: ce film essaie quand même à un moment de nous faire croire que Joseph Gordon Levitt peut péter la gueule à Teal'c (dans un tout petit rôle, vérifié sur Imdb). Je l’aime beaucoup, je trouve que c’est un acteur souvent juste, et parfois étonnant, il porte très bien le gilet, mais il faut pas pousser non plus.



La minute du sériephile: outre Christopher "Teal'c" Judge, Aidan Gillen, anciennement Stuart de Queer as folks, et plus récemment Lord "Littlefinger" Baelysh dans Game of Thrones, cachetonne dans ce film. L'as-tu repéré ?