vendredi 7 mars 2014

Dallas Buyers Club, arrêtons le cinéma weight watchers





Le genre : actor studio mode expert

Dallas Buyers Club se classe immédiatement dans la catégorie du film à récompenses par le saint tryptique : histoire vraie, histoire poignante et transformation physique. Les Oscars ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en saluant la performance de ses deux acteurs principaux. Ils ne s’y sont pas trompés non plus en ne leur donnant aucun autre Oscar, ni pour le scénario ni pour la réalisation.

Dallas Buyers Club nous raconte en effet une histoire vraie, la stupéfiante (avec mauvais jeu de mot) reconversion d’un cowboy jouisseur, homophobe et beauf en clinique alternative pour les malades du sida dans le Texas début des années 80. Or le SIDA dans le Texas des années 80, c'est la maladie des homos. La découverte de sa propre maladie va entraîner chez Ron Woodrof la colère, puis l’appât du gain et enfin une vraie rédemption.

L’enjeu du film est donc de montrer comment Ron, dans toute sa beauferie, va finalement devenir un membre, puis un pilier d’une communauté de marginaux, toxicomanes ou homos, deux populations qu’il méprisait ouvertement. Chemin faisant, il comprendra que les apparences sont trompeuses, en faisant la connaissance d’un fils de bonne famille travesti tombé dans la came. Il deviendra également l’un des portes paroles d’une génération de malades qui combat une administration médicale frileuse et contrôlée par les laboratoires…un formidable voyage dans une vallée de larmes.

Autant le dire tout de suite, l’interprétation est, de fait, magistrale. McConaughey dans les différents stades de son personnage, de l’hébétude au combat ne se dépare jamais du charme un brin connard de son cowboy qui refuse tout simplement de mourir. C’est justement cette constance qui rend son personnage crédible. Son monde l’a exclu, il en reconstruit un autre où il peut de nouveau briller. La part de l’égo est évidente dans son cheminement, et c’est un trait intéressant.

Sa transformation physique est étonnante, tout comme celle de Leto, deux corps hâves et creusés, que la maladie détruit plus à chaque plan. Jared Leto lui aussi joue une partition en finesse avec son travesti en apparence fragile, qui aurait certainement aimé être quelqu’un d’autre, mais refuse de l’être, parce que ce serait une reculade que sa bravoure refuse.

Petit point Oscar d’ailleurs, depuis son premier film What’s Eating Gilbert Grape, qui lui avait valu sa première nomination aux Oscars, Leonardo n’a pas l’air de comprendre quelles sont les deux caractéristiques principales pour gagner un Oscar depuis 2004. Il faut soit une transformation physique impressionnante soit jouer un personnage aisément comparable au réel (en vrac Lincoln, Ray Charles, Truman Capote, Harvey Milk, Georges VI ou Idi Amin Dada). Jordan Belfont n’avait donc aucune chance sérieuse. S’il avait été un trader difforme doublé d’ un homosexuel flamboyant à la Liberace, peut-être, mais là, non. Je m’égare.

Au-delà de cette perte de poids qui ferait rougir Oprah, que retient-on du Dallas Buyers Club ? Pas grand-chose, finalement. L’écriture et la mise en scène sont formatées à l’excès, dans une très plate exposition chronologique des faits, saupoudrée ça et là de moment où le spectateur est prié de pleurer devant tant de malheur… Il en va de même pour le son aigu qui prévient que Woodrof va faire un malaise, procédé utilisé abusivement (6 ou 7 fois) et qui devient franchement lourd.

Le réalisateur, et son costumier, se sont manifestement amusé à peindre en toile de fond le milieu gay de Dallas, mais sans s’y pencher réellement. Finalement, le  seul représentant en sera donc un travesti camé jusqu’aux ongles. Même si le film évoque l’évolution de la perception de son héros, homophobe qui finit par se retourner contre son milieu et prendre physiquement la défense du travesti Rayon, il ne va jamais assez loin, précisément parce qu’il cantonne la vision des malades à ses freaks magnifiques.

Et c’est en ça que le film rate à mon avis son objectif. En ne présentant que deux faces extrêmes, il ne traduit pas l’engouement vital, au sens le plus littéral du terme, pour ces "buyers clubs". Il refuse de montrer véritablement (excepté peut-être avec le couple d’homos riches qui apparaît fugacement dans deux scènes) la détresse profonde qui s’étend: cette détresse qui a commencé avec les marginaux, mais qui touche toute une société de malades de toutes classes sociales et qui partagent le même désespoir.

Certes, la société a changé, notamment sur la vision du SIDA comme fléau générationnel, sans distinction de sexualité, et les homos sont mieux intégrés. Dallas Buyers Club ne parle d’ailleurs pas de différence, il parle de comment un homme « normal », confronté à l’exclusion a trouvé une rédemption en faisant de la différence un fonds de commerce, puis un combat, dans cet ordre. Le point de vue n'est pas inintéressant, mais ma génération semble oublier progressivement les ravages du SIDA pour ne l’avoir côtoyé que de façon quasiment abstraite, par l’obligation de se protéger, globalement. Il aurait été bon de le rappeler.

Comme trop souvent, on confond largement ici émotion et tire-larmes: bien joué, mais incroyablement policé, Dallas Buyers Club manque en réalité beaucoup d’émotion, à part peut-être dans la scène finale du retour de Woodroff suite à son procès. En se concentrant sur son portrait larmoyant, le film oublie de montrer le principal, et ce qui a catalysé le changement de Woodroff : son activité de deal est rapidement devenu une activité médicale. La rédemption de Woodroff n'est pas dans son acceptation des homos, elle intervient quand il estime que cette bandes de malades devient non plus sa clientèle, mais sa communauté, qu'il a le devoir de protéger. Le passage est malheureusement pataudement montré, mais jamais vraiment analysé.

Bref, un biopic comme tant d’autres. Pas plus mauvais, mais pas franchement meilleur.

La minute sériephile : malgré sa chevelure digne de Farah Fawcett, Jared Leto partage une caractéristique avec Charlie Hunnam : le fait que son début de carrière passe par la télé, et soit entièrement fondé sur le fait qu’il est beau. Les jeunes filles parmi vous auront compris que je fais allusion à son rôle d’insupportable beau gosse mélancolique Jordan Catalano, dans My so-called life, la série qui a également révélé Claire Danes. Entre le travestissement permanent de Leto et la moue insupportable de la lèvre inférieure de Danes dans Homeland, j’ignore lequel m’énerve le plus.

La minute geek : ah le plaisir de revoir des téléphones 1G ! Au-delà de ça, pas grand-chose.

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