Le genre : le Dictateur 2.0, plus de vannes mais moins
de poésie.
L’occasion faisant le larron, je suis allé voir le Crocodile
du Botswanga, ne serait-ce que pour qu'on ne puisse pas dire que je rejette en bloc toute
comédie française par pur snobisme. Je n’irai pas d’ailleurs jusqu’à dire comme
ce couple de vieux bobos entendus dans la file de sortie que « c’est
tellement nul que je ne dirai à personne que je suis allé le voir ».De
quoi parle-t-on ici ? Le voyage d’un espoir du foot français dans le pays d’origine
de sa mère, accompagné par son agent, les met face à la folie du dictateur du pays, le
capitaine Bobo Babimbi.
Je reste dans l’ensemble sur ma position, à savoir que
la comédie à la française est un produit très standardisé, qui manque encore de
quelque chose, certainement une ambition. Dans le cas qui m’intéresse ici, je
ne peux cela dit pas dire que j’ai détesté, ce serait mentir. Le film est assez bien
rythmé et, si tout n’est évidemment pas drôle, les situations et dialogues font
mouche la plupart du temps. Quelques répétitions de gags inutiles,
des blagues graveleux pas forcément de très bon goût font partie du lot, mais rien
de franchement rédhibitoire.
Sur le jeu, peut-être une petite faiblesse, en revanche,
dans l’égalité des rôles. L’écriture s’y prête évidemment, mais si Fabrice
Eboué est sympa dans son rôle, il joue strictement le même personnage que d’habitude
sans sortir de sa composition. La partition donne évidemment les deux meilleurs
rôles de composition à Thomas N’Gijol et Claudia Tagbo, le dictateur dérisoire
et son épouse "maman Jacqueline", tous les deux très drôles.
A vrai dire, dans sa satire, le film ne manque d’ailleurs
pas de finesse. En faisant de Babimbi un dictateur essentiellement intéréssé
par l’argent, voire une marionnette d’intérêt autres, le film suggère que la
réalité n’est jamais exactement celle que l’on voit. Dénonciateur des tournées
de propagande pour journalistes et de la présentation de la réalité dans un environnement ultra-contrôlé, le crocodile ne dit qu’une chose, que les massacres
et épurations ethniques en Afrique ne sont que les prétextes de la volonté de certains de s’accaparer
les ressources.
La scène où le dictateur déroule les étapes d’un projet
clairement nazi d’épuration, en commençant par le port « d’oreille jaunes »,
participe par exemple de cette logique de dénonciation d’une vision simpliste
de l’Afrique comme un continent en retard de développement car trop occupé à
ses conflits tribaux (je pourrais dire d’un « continent qui n’est pas
rentré dans l’histoire », pour faire de la polémique à trois sous). En filigrane se dessinent des conflits d'argent, que des hommes sans scrupules dissimulent, au gré de leurs besoins, derrière des conflits ethniques.
Je trouve d’ailleurs dommage que
le propos sur la Françafrique soit, lui, centré sur le personnage physiquement
répugnant du représentant de Total, Etienne Chicot remarquable de notabilité beauf, personnage trop caricatural: regret de l’Algérie française,
ton graveleux, paternalisme… Son nom évoquera Foccart, l’homme de l’ombre, mais
cette caricature utilise un trait trop gros, et c’est dommage.
Sur le reste, les personnages fonctionnent, mais le film
manque de quelque chose. Son happy end où personne ne meurt laisse penser qu’Eboué
n’a pas voulu être trop noir. C’est précisément ce qui l'affaiblit. Le film refuse ce sens du « résistible » d'Arturo Ui,
cette acceptation que certains hommes sont des monstres. Ou plus exactement cette notion que chacun
est guidé par « sa » vérité, aussi monstrueuse soit-elle, que « le
plus terrible dans ce monde, c’est que tout monde a ses raisons » comme Renoir en
prévenait le spectateur dans la Grande Illusion.
C'est ce versant plus noir de la comédie qui lui donne sa
résonance en l’ancrant dans le réel, quand la comédie veut aborder des sujets qui sortent de son champ. Sur la thématique des dictatures africaines, je pense ici évidemment aux œuvres de
Khourouma, notamment En attendant le vote des bêtes sauvages. Le sujet que veut
aborder le film, tout en donnant largement lieu à une comédie noire et féroce,
méritait un traitement plus subtil qui accepte de flirter avec les extrêmes de ses personnages: plus bouffon et outrancier pour dénoncer les errements, mais sans la rédemption de l'agent, par exemple.
Bref, on ne peut pas tout avoir, mais je suis loin d’être
aussi sceptique que je ne l’imaginais.
Pas forcément indispensable à voir au ciné, mais pas désagréable.
La minute sériephile :
restez pour le générique de fin, qui parodie furieusement le générique de série des 70's 80's. Claudia Tagbo est aussi l'inoubliable inspecteur qui accompagne la police scientifique
dans l’hilarante tentative de copier-coller les Experts en France, RIS. A voir
ne serait-ce qu’une fois pour rigoler devant les dialogues de l’espace et les
montages absurdes. Comme quoi, on dira ce qu’on voudra, mais si les Experts
marchent, c’est quand même en partie lié au traitement esthétique de la série
(du moins de Vegas et Miami, et au début). Ce filtre qui annonce clairement la
fiction offre une marge créative manquant clairement à RIS, une série cruellement premier
degré.
La minute geek :
pas grand-chose à vous dire ici.
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