Le genre : absence
de ligne éditoriale
Alors, cette fois-ci, ce ne sont pas mes nombreuses relations dans le monde des puissants qui m’ont permis de la voir
avant sa sortie, c’est le calendrier. Le film est sorti au Brésil, j’étais en
vacances au Brésil, le tour est joué. Et j'ai du coup écrit mon article sans spoiler, je suis bien élevé.
The Monuments Men, arrive donc avec son casting en or massif,
qui mélange la bande à Clooney et celle d’un cinéma vaguement plus « arty »,
le catastrophique The Artist étant passé
par là. On y croise donc Clooney et Damon, John Goodman (qui était le seul bon
acteur de The Artist, mais passons)
et Bill Murray ou encore Cate Blanchett et les désormais bankable comte de
Grantham, Hugh Bonneville, ou français de service Jean Dujardin. Surfant un
peu méchamment sur la vague de Inglorious
Basterds, il propose une vision inconnue, voire comique, de la Guerre, mais
Clooney prend la précaution de nous rappeler qu'il raconte une histoire vraie. C'est un monsieur sérieux, lui (en fait pas trop, mais j'y reviendrai).
Ni film de guerre, ni film parodique, l'exercice était donc assez casse-gueule.Les Monuments Men ont en effet deux missions oubliées par l'Histoire (sujet d'ailleurs non traité), que le
film se propose de nous raconter : répertorier et prévenir les armées Alliées de la présence d’œuvres pour les protéger lors des combats à la base,
puis, au fur et à mesure de la découverte par nos héros du pillage organisé et systématique des collections par les nazis, retrouver
les œuvres volées pour alimenter le musée dont rêvait Hitler, et les restituer.
Le décalage comique du film s’appuie évidemment sur le fait que cette équipe n’a
aucun moyen, une mission dont tout le monde se fout, et surtout aucune
compétence pour la guerre, ses membres étant des universitaires.
L’exposition est indéniablement réussie. Clooney pose
tranquillement son équipe de stars, multiplie les vannes et les contrastes,
crée de bonnes alchimies entre ses personnages, notamment Bill Murray et Bob
Balaban. Il s’arrête, et c’est l’écueil majeur de ce film, cela dit à cette
exposition et ne fait que des portraits en creux, finalement assez faiblards, pour noyer par
la suite ses personnages dans une intrigue assez atone et linéaire.
Contrairement à ses précédents films, Clooney ne prend ensuite malheureusement aucune distance avec son sujet, et veut faire de la fresque à grand spectacle, sans
jamais choisir réellement de ton (un peu badin, un peu émouvant, un peu épique…).
Par le hasard de son scénario, le film manque en prime totalement de rythme,
les personnages avançant en duo à différents endroits (Balaban et Murray,Damon et Blanchett, Goodman
et Dujardin). On saute donc de sketch en
sketch, en souriant souvent, mais sans jamais avoir de grandes scènes. C'est d'autant plus dommage qu'en se distanciant de ses personnages réels (allez savoir pourquoi, les noms ont été changés), il pouvait remanier plus profondément leur vie.
L’écriture donne la part belle aux vannes, qui marchent,
sans conteste. C’est d’ailleurs grâce aux vannes qu’on ne décroche pas, mais on
ne s’attache pas à ces personnages totalement archétypaux, définis chacun par
un trait unique, selon le syndrome des Petits
Mouchoirs. Clooney est donc « cool », Damon on ne sait pas trop ce qu'il est,
Bill Murray est flegmatique et aura droit à la scène « émotion » du
film, cliché relativement consternant (le disque du chant de Noël par sa famille qui
paralyse de beauté le camp militaire… au secours). Jean Dujardin sourit à la
Dujardin et jure en français, ha, ha, ha, Goodman est bourru, ho, ho, ho et Balaban est
juif, émotion.
Point à part : Bob Balaban hérite d’ailleurs du seul
personnage vaguement épais, puisque son exposition est plus subtile, sa
religion étant suggérée, par touches, par son émotion face aux indices de la Shoah notamment,
mais jamais clairement exprimée. Ce qui est triste là-dedans, c’est que, pour
avoir lu un article raconté par un figurant, je sais que les scènes lourdingues
montrant son appartenance à la communauté juive de New York ont bien été
tournées, mais coupées au montage pour raccourcir le film. Le seul personnage joliment
écrit doit donc sa subtilité à un hasard de montage…
Le film souffre également de son manque de véritable
"méchant". Vaguement dessiné au début, le nazi voleur d’art est trop rapidement
évacué et falot, tandis que son homologue soviétique n’a même pas l’honneur d’une
réplique. Je sais que Clooney part, contrairement à Tarantino, d’un matériel
réel, mais son film souffre en permanence de ce manque d’enjeu. Assez
rapidement, on se fout complétement de savoir ce qui va se
passer. Des soldats US pas franchement combattants, des SS pas franchement
méchants, des civils qui ont l’air de ne pas subir la guerre façon « Paris
sera toujours Paris », adultère, parfum et rien branlage au café... Tout le
ton est faussé pour faire une comédie grand public.
Sans spoiler, et pour donner un exemple dans la section sur
Murray et Balaban, la scène du dentiste montre avec humour la violence du
rapport haine/amitié entre les personnages, on se marre un peu, mais la scène
suivante, qui se veut aussi subtile et tendue que la section de Inglorious Basterds dans le café souffre
immanquablement de cette comparaison. Pas le quart de la tension de Tarantino,
pour un postulat comparable.
Toutes ces faiblesses sont liées au refus du scénario de
faire un film de guerre, en partant du présupposé que ces personnages ne sont
pas faits pour la guerre. Le problème, c’est que cette inadéquation des
personnages à leur situation n’est jamais franchement abordée. La faute à ce
refus de caractériser ses personnages et à se poser la seule vraie question qui
importe, seule de savoir ce que l’expérience de la guerre change en eux : le
courage et le désir de se battre ou au contraire le refus de la violence et le
refuge dans une vie encore plus contemplative.
La question est en permanence repoussée, et fait souvent
malheureusement écho à d’autres films de guerre, mais en refusant de prendre
position. C’est le cas notamment dans une scène concernant les ados soldats,
qui fait furieusement écho à Full Metal
Jacket, mais s’en tire par une pirouette. A la rigueur, je veux bien
admettre que le personnage de Hugh Bonneville par son action et son destin pose
une très vague réponse, mais c’est mince, très mince. Clooney conclut d’ailleurs
quasiment son film en disant qu’en revenant de la guerre, tout le monde est
retournée à sa vie en oubliant gentiment tout ça. Les vétérans apprécieront.
On retrouve vaguement un peu d’intérêt dans le générique de
fin, en voyant les photos réelles de l’équipe posant devant les œuvres sauvées.
C’est là qu’on comprend que Clooney est complètement passé à côté de son sujet,
le côté humain, le rapport à la guerre et celui à l’art. Il n’arrive d’ailleurs
à aucun moment à transmettre cette passion viscérale de ses personnages pour
les œuvres, et rate tous les vrais moments d’émotion, pour leur préférer des
clichés. La découverte d’un certain autoportrait de Rembrandt devrait notamment
avoir été traité à l’émotion, pas en vignette comique.
Sans vrais personnages ni véritable conducteur dans son
intrigue, le film nous mène pépère à sa conclusion dans le futur, façon Saving Private Ryan, avec la mémoire de
ce qui ont survécu à la mission. Pas désagréable à regarder, mais sans aucune réflexion
ou ambition, malheureusement. On s’y promène, on sourit, on rigole, mais on en
sort sans avoir le souvenir de grand-chose de marquant. Pas désagréable, mais
dommage.
La minute sériephile :
Hugh Bonneville, n’apparaît donc qu’en uniforme de lieutenant de l’armée britannique, comme
dans la saison 2 de Downton pour ne
dépayser personne. Mignon, mais je suis sûr que ce garçon pourra de nouveau un
jour jouer autre chose.
La minute geek :
c’est marrant, je savais pas qu’avec une radio de campagne, on pouvait discuter
mieux qu’avec un réseau 3G, de pays à pays. Ils sont forts cette US Army.
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