lundi 17 février 2014

The Monuments Men, la Septième Compagnie glamour





Le genre : absence de ligne éditoriale

Alors, cette fois-ci, ce ne sont pas mes nombreuses relations dans le monde des puissants qui m’ont permis de la voir avant sa sortie, c’est le calendrier. Le film est sorti au Brésil, j’étais en vacances au Brésil, le tour est joué. Et j'ai du coup écrit mon article sans spoiler, je suis bien élevé.

The Monuments Men, arrive donc avec son casting en or massif, qui mélange la bande à Clooney et celle d’un cinéma vaguement plus « arty », le catastrophique The Artist étant passé par là. On y croise donc Clooney et Damon, John Goodman (qui était le seul bon acteur de The Artist, mais passons) et Bill Murray ou encore Cate Blanchett et les désormais bankable comte de Grantham, Hugh Bonneville, ou français de service Jean Dujardin. Surfant un peu méchamment sur la vague de Inglorious Basterds, il propose une vision inconnue, voire comique, de la Guerre, mais Clooney prend la précaution de nous rappeler qu'il raconte une histoire vraie. C'est un monsieur sérieux, lui (en fait pas trop, mais j'y reviendrai). 

Ni film de guerre, ni film parodique, l'exercice était donc assez casse-gueule.Les Monuments Men ont en effet deux missions oubliées par l'Histoire (sujet d'ailleurs non traité), que le film se propose de nous raconter : répertorier et prévenir les armées Alliées de la présence d’œuvres pour les protéger lors des combats à la base, puis, au fur et à mesure de la découverte par nos héros du pillage organisé et systématique des collections par les nazis, retrouver les œuvres volées pour alimenter le musée dont rêvait Hitler, et les restituer. Le décalage comique du film s’appuie évidemment sur le fait que cette équipe n’a aucun moyen, une mission dont tout le monde se fout, et surtout aucune compétence pour la guerre, ses membres étant des universitaires.

L’exposition est indéniablement réussie. Clooney pose tranquillement son équipe de stars, multiplie les vannes et les contrastes, crée de bonnes alchimies entre ses personnages, notamment Bill Murray et Bob Balaban. Il s’arrête, et c’est l’écueil majeur de ce film, cela dit à cette exposition et ne fait que des portraits en creux, finalement assez faiblards, pour noyer par la suite ses personnages dans une intrigue assez atone et linéaire. 

Contrairement à ses précédents films, Clooney ne prend ensuite malheureusement aucune distance avec son sujet, et veut faire de la fresque à grand spectacle, sans jamais choisir réellement de ton (un peu badin, un peu émouvant, un peu épique…). Par le hasard de son scénario, le film manque en prime totalement de rythme, les personnages avançant en duo à différents endroits  (Balaban et Murray,Damon et Blanchett, Goodman et Dujardin). On saute donc  de sketch en sketch, en souriant souvent, mais sans jamais avoir de grandes scènes. C'est d'autant plus dommage qu'en se distanciant de ses personnages réels (allez savoir pourquoi, les noms ont été changés), il pouvait remanier plus profondément leur vie.

L’écriture donne la part belle aux vannes, qui marchent, sans conteste. C’est d’ailleurs grâce aux vannes qu’on ne décroche pas, mais on ne s’attache pas à ces personnages totalement archétypaux, définis chacun par un trait unique, selon le syndrome des Petits Mouchoirs. Clooney est donc « cool », Damon on ne sait pas trop ce qu'il est, Bill Murray est flegmatique et aura droit à la scène « émotion » du film, cliché relativement consternant (le disque du chant de Noël par sa famille qui paralyse de beauté le camp militaire… au secours). Jean Dujardin sourit à la Dujardin et jure en français, ha, ha, ha, Goodman est bourru, ho, ho, ho et Balaban est juif, émotion. 

Point à part : Bob Balaban hérite d’ailleurs du seul personnage vaguement épais, puisque son exposition est plus subtile, sa religion étant suggérée, par touches, par son émotion face aux indices de la Shoah notamment, mais jamais clairement exprimée. Ce qui est triste là-dedans, c’est que, pour avoir lu un article raconté par un figurant, je sais que les scènes lourdingues montrant son appartenance à la communauté juive de New York ont bien été tournées, mais coupées au montage pour raccourcir le film. Le seul personnage joliment écrit doit donc sa subtilité à un hasard de montage…

Le film souffre également de son manque de véritable "méchant". Vaguement dessiné au début, le nazi voleur d’art est trop rapidement évacué et falot, tandis que son homologue soviétique n’a même pas l’honneur d’une réplique. Je sais que Clooney part, contrairement à Tarantino, d’un matériel réel, mais son film souffre en permanence de ce manque d’enjeu. Assez rapidement, on se fout complétement de savoir ce qui va se passer. Des soldats US pas franchement combattants, des SS pas franchement méchants, des civils qui ont l’air de ne pas subir la guerre façon « Paris sera toujours Paris », adultère, parfum et rien branlage au café... Tout le ton est faussé pour faire une comédie grand public. 

Sans spoiler, et pour donner un exemple dans la section sur Murray et Balaban, la scène du dentiste montre avec humour la violence du rapport haine/amitié entre les personnages, on se marre un peu, mais la scène suivante, qui se veut aussi subtile et tendue que la section de Inglorious Basterds dans le café souffre immanquablement de cette comparaison. Pas le quart de la tension de Tarantino, pour un postulat comparable.

Toutes ces faiblesses sont liées au refus du scénario de faire un film de guerre, en partant du présupposé que ces personnages ne sont pas faits pour la guerre. Le problème, c’est que cette inadéquation des personnages à leur situation n’est jamais franchement abordée. La faute à ce refus de caractériser ses personnages et à se poser la seule vraie question qui importe, seule de savoir ce que l’expérience de la guerre change en eux : le courage et le désir de se battre ou au contraire le refus de la violence et le refuge dans une vie encore plus contemplative. 

La question est en permanence repoussée, et fait souvent malheureusement écho à d’autres films de guerre, mais en refusant de prendre position. C’est le cas notamment dans une scène concernant les ados soldats, qui fait furieusement écho à Full Metal Jacket, mais s’en tire par une pirouette. A la rigueur, je veux bien admettre que le personnage de Hugh Bonneville par son action et son destin pose une très vague réponse, mais c’est mince, très mince. Clooney conclut d’ailleurs quasiment son film en disant qu’en revenant de la guerre, tout le monde est retournée à sa vie en oubliant gentiment tout ça. Les vétérans apprécieront.

On retrouve vaguement un peu d’intérêt dans le générique de fin, en voyant les photos réelles de l’équipe posant devant les œuvres sauvées. C’est là qu’on comprend que Clooney est complètement passé à côté de son sujet, le côté humain, le rapport à la guerre et celui à l’art. Il n’arrive d’ailleurs à aucun moment à transmettre cette passion viscérale de ses personnages pour les œuvres, et rate tous les vrais moments d’émotion, pour leur préférer des clichés. La découverte d’un certain autoportrait de Rembrandt devrait notamment avoir été traité à l’émotion, pas en vignette comique.

Sans vrais personnages ni véritable conducteur dans son intrigue, le film nous mène pépère à sa conclusion dans le futur, façon Saving Private Ryan, avec la mémoire de ce qui ont survécu à la mission. Pas désagréable à regarder, mais sans aucune réflexion ou ambition, malheureusement. On s’y promène, on sourit, on rigole, mais on en sort sans avoir le souvenir de grand-chose de marquant. Pas désagréable, mais dommage. 

La minute sériephile : Hugh Bonneville, n’apparaît donc qu’en uniforme de lieutenant de l’armée britannique, comme dans la saison 2 de Downton pour ne dépayser personne. Mignon, mais je suis sûr que ce garçon pourra de nouveau un jour jouer autre chose.

La minute geek : c’est marrant, je savais pas qu’avec une radio de campagne, on pouvait discuter mieux qu’avec un réseau 3G, de pays à pays. Ils sont forts cette US Army.

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