Pourquoi Xanadu,
et pourquoi 3 ans après tout le monde. Je ne sais pas, je me suis aperçu que
j’avais accès à l’intégrale en VOD et une personne dont je respecte en général
le jugement m’en avait dit le plus grand bien. Et, le fait est que ça se
regarde bien, agréable, une volonté de voir la suite, 8 épisodes de 40 min,
c’est l’affaire d’un dimanche feignasse.
Bien m’en a pris, j’ai trouvé la série particulièrement
intéressante non tant pour ses qualités propres que pour l’image qu’elle donne
de l’évolution de la série française.
Xanadu, c’est un projet d’Arte, faire une série plutôt quali sur le monde
du porno. Là où Canal avait abordé le même sujet avec un esprit plus potache
avec Hard, qui tenait plus du Weeds français, Xanadu brode avant tout
une histoire de famille, pour le coup très française, quasiment chabrolienne,
sur le secret.
L’ambition est évidente, dès le générique, et dans la
photographie. Image léchée, lumière très filtrée, décor de château vieillissant,
la forme est conçue pour servir le fond. A savoir une réflexion sur la
transmission et sur un producteur vieillissant, qui refuse de voir que le
porno, ce n’est plus Emmanuelle, c’est Youporn. Xanadu, par son titre même qui évoque Kubla Khan de Coleridge ou Citizen
Kane, affiche une ambition littéraire et se concentrera donc sur un
patriarche, sur sa volonté ou non de transmettre, sur sa conception de la
famille et sur sa volonté de postérité.
Cette lumière, et toute l’ambiance sonore qui la souligne,
fait furieusement penser aux Revenants.
Les deux séries partagent la volonté de créer une atmosphère douce-amère,une
forme étrange de nostalgie du présent qui nimbe tout et désarme la violence. Si je me
retrouve dans cet esthétique, je trouve en revanche qu’elle ne
sert que partiellement le propos. Oui, elle fait passer le hard pour un milieu
pro, qu’il est, et ré-humanise donc ses protagonistes. En revanche, ce décalage
adoucit considérablement la violence que la série entend pourtant aussi dénoncer. On ne sait rapidement pas vraiment ce que Xanadu entend nous dire.
Même cette esthétique atteint souvent ses limites, quand
elle nous envoie de la métaphore de plomb, ce qui est souvent le cas. Je pense
notamment au cimetière sous la bretelle d’autoroute, histoire de bien nous
faire comprendre à quel point la célébrité de la hardeuse est un faux semblant.
Mouais.
Le jeu des acteurs est convainquant, sauf quand les
personnages sont trop manifestement mal écrits, ce qui n’est pas malheureusment pas si rare dans
la série (je pense ici au frère réalisateur arty et décalé, insupportable, ou à des personnages de passage,
comme le diplômé d’HEC). Elle offre notamment un beau retour improbable à
Vanessa Demouy (pas évident) dans un personnage de hardeuse fragile et
terrifiée par l’âge. La réalisation gagnerait cela dit à moins poser ses
personnages « à la française » avec ses jolis mais beaucoup trop nombreux
plans américains de leur regard dans le vide, en train de fumer une cigarette
ou de boire un verre, pour suggérer leurs tourments.
La lumière très crue d’Engrenages
et son intrigue tortueuse autour de la folie du frère et de la mort de la mère,
l’étrangeté onirique assumée de Pigalle
la Nuit, le retour de la fille et l’émergence d’une femme dans un monde
d’homme piqués à Mafiosa… La série
mélange trop ouvertement une intrigue policière à une lecture qui
se veut sociale du porno, le tout en ajoutant dans la tambouille dès le pilote
des éléments fantastiques qui arrivent de façon prévisible. C’est toute la
différence avec les Revenants qui,
eux, assument parfaitement leur étrangeté, parce que la série n’a pas
l’ambition de réalisme que Xanadu
affiche par ailleurs malgré toutes ses affèteries.
C’est à cause de ce refus de prendre une direction claire que l’intrigue finit par retomber
comme un soufflé. Entre des personnages dont l’histoire devient risible tant
elle n’a plus ni queue ni tête, au point que l’acteur part en roue libre
(Julien Boisselier, suivez mon regard), et du fantastique totalement incongru Xanadu nous offre par exemple une amourette lesbienne
très épate bourgeois. Le tout est entortillé dans une série de réflexions au fond assez débiles sur l’avenir
du porno (la 3D, les webisodes…) en abandonnant son interrogation de départ sur
le gonzo qui elle était porteuse de sens. Le volet policier de l’intrigue, qui comprend le secret devant tout
expliquer du rapport entre les membres de la famille s’appuie sur des ellipses
tellement énormes que sa résolution est totalement incompréhensible, ce qui
conclut la série sur une note d’inabouti très tenace.
L’un dans l’autre, malgré des qualités de forme indéniables,
le fond de Xanadu n’est jamais à la hauteur.
Pourquoi, donc, disais-je que cette série est révélatrice d’un moment de l’histoire
de la série française ? Parce que Xanadu
est la tentative d’Arte de « faire du Canal », et que finalement ça
ne tient pas la route. Quoiqu’agréable et par son ambiance assez attachante, Xanadu pioche dans toutes les recettes
des séries Canal mais peine à se définir.
Loin de moi l’idée de tirer sur l’écurie Canal, je trouve
que ses fictions sont parmi ce qui se fait de mieux en France et je suis un inconditionnel
de la première saison d’Engrenages,
de Pigalle et de Kaboul Kitchen. Mais, en se concentrant uniquement sur ce modèle,
ne passe-t-on pas à côté de quelque chose? La série française est-elle forcée de devenir un cinéma bis, très intellectualisée et esthétisante, sur
les démons qui nous agitent, et condamnée de ce fait au format court, et, même
si ça me convient, et à un traitement dramatique, voire glauque ?
Le monde de nos séries est fragmentée entre la série
populaire à pas cher de TF1, qui multiplie les clones de séries policières
américaines (RIS, Sections de Recherche,
Paris Enquêtes Criminelles ou encore le très récent et très bancal Crossing Lines), le format court initié
par Caméra Café et décliné ad
nauseam, la série franchouillarde type Joséphine
Ange Gardien ou Famille d’accueil,
et enfin ce type de série qualité.
Cette segmentation laisse à penser que le public ne serait
pas prêt pour des séries grand public ambitieuses. Et c’est à mon avis une
erreur, quand on voit l’engouement du public pour les séries US. Alors, continuez
à faire de la bonne série one-shot (un Pigalle
la nuit, malgré toutes ses qualités, n’est pas viable sur plus d’une
saison), mais à quand une vraie série française de qualité et grand
public ?
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