mercredi 18 janvier 2017

Nocturnal Animals, le cinéma comme art décoratif



Le genre : le Doutage, un film de Mylenie de Gouinaloux
Sans surprise, le film de Tom Ford se fonde sur des images et des lumières bien pensées, frappantes et souvent magnifiques. Seulement voilà, Tom Ford n’est pas Chris Marker et une collection de belles images ne fait pas La Jetée 
La forte prétention esthétique de A Single Man était parfaitement justifiable, puisqu’elle épousait, littéralement, le point de vue du mourant qui regarde le monde pour la dernière fois avec émerveillement. Malheureusement, Nocturnal Animals ne fait qu’aligner les jolies vignettes bien jouées dans une construction boursouflée mêlant passé, présent et récit dans le récit.
Si certaines images sont à couper le souffle, Ford se contente trop souvent de multiplier des plans chics sans valeur dramatique, comme ses 250 scènes de douche et de pluie qui tombe et ses 152 levers de soleil dans le désert. Il fait aussi pas mal dans le symbolisme cheap, notamment avec son générique, qui, je suppose, veut dénoncer la tyrannie d’une beauté calibrée ou l’art contemporain. Ou peut-être les deux. Et entre temps, pour bien marquer les transitions entre les trois axes de son film, il colle et recolle des plans identiques d’Amy Adams qui hoquette de stupeur. Génial.
Un exercice de futilité, comme disent nos amis anglais
Pour donner un cachet intello à son ensemble bancal, Ford multiplie les appels du pied cinématographiques. Seulement voilà, montrer des freaks qui dansent  n’est pas faire du Lynch. Et là où Mulholland Drive recréait cette tenace et vague impression de familiarité impossible à définir que laisse le rêve, en utilisant quelques objets pour lier rêve et réalité, Ford nous inflige des rappels feignasses entre ses trois histoires, les corps allongés sur fond rouge, les cheveux roux, les fameuses scènes de douche…
Son film n’est pas non plus le polar hitchcockien qu’il tente de nous faire avaler avec ses plans à la Vertigo, sa musique (top, par ailleurs) et sa tentative de faire d’Amy Adams une héroïne hitchcockienne glacée. C’est bien simple, Adams n’est ni glacée ni glaçante, elle est totalement neutre et ne parvient absolument à susciter la moindre émotion, malgré son élégance. Son intrigue ne contient en outre ni enjeu, ni secret, ni même de véritable suspense.
Tout ça pour quoi ?
En ouvrant son film sur un plan tiré de l’histoire « réelle » mais dans lequel la Mercedes issue du récit dans le récit semble veiller, Ford ouvrait pourtant des pistes. Mais non, Ford a manifestement zappé cette idée qui ne revient absolument jamais. Assez vite, d’ailleurs, le film perd pied dans ses intrigues et se structure autour d’une opposition visuelle aussi jolie que vaine entre le réel, lumière terne, ambiance feutrée et solitude, puis la fiction, lumière chaude, poussière, sueur et dialogues musclés.
Bien joli, et incontestablement bien joué et réalisé, mais comme Ford ne sait au fond pas vraiment ce qu’il veut nous dire, le film ne décolle jamais. Et deux heures plus tard, il s’effondre péniblement avec une scène finale abrupte et inepte, sans apporter de conclusion à son intrigue. Tout ça pour ça… Une belle galerie d’images, mais pas un bon film.

La minute sériephile : quitte à passer du temps à s’extasier sur de l’accent traînant du Sud, de la chique, de la violence et de la misère humaine, autant voir Killer Joe, pour voir ce que c’est vraiment, l’élégance dans la saloperie.
La minute geek : dans tous les films et séries modernes, un truc me choque de plus en plus. Tous ces personnages réveillés de nuit par leur Iphone posé sur la table de nuit, PAS BRANCHES.  Là, évidemment, ça aurait fait désordre dans le plan parfait de Ford qu’Amy Adams s’emmêle dans le chargeur de son Iphone avant de lire ses mails, mais franchement, qui dort sans faire charger son téléphone ?





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire