Netflix annonçait une série qui
révolutionne la notion de récit long. Pas mal, mais il ne faudrait pas non plus s’emballer…
Alors, cette
révolution narrative ?
The OA c’est quoi ? C’est l’histoire d’une fille aveugle qui a disparu, et qui
débarque de nulle part 7 ans après, en ayant retrouvé la vue et investie
selon elle d’une mission divine. Miracle, mythomanie, consommation excessive de
LSD ? Toutes les theories sont permises...
La série se structure autour de deux histoires entremêlées, l’une au présent, l’autre au passé, la
seconde racontée dans le temps présent par un personnage qui l’a vécu. Astuce,
on comprend au 7ème épisode que le personnage raconte autant
l’histoire à ses camarades qu’au spectateur.
Quoi de neuf là-dedans ? Absolument rien, et surtout pas ce dispositif de narration à la première
personne, dont on peut donc douter de la véracité, qui s’insère dans une
narration omnisciente classique, qui est très exactement la structure
de Usual Suspects pour ne citer qu'un exemple récent. Le fameux regard caméra adressé au spectateur, dans le 7ème épisode, aurait lui aussi un
vague aspect de nouveauté, si Netflix ne l’avait déjà usé jusqu’à la corde dans
les derniers épisodes des saisons 4 puis 5 de House of Cards, à chaque fois que Claire Underwood s’adresse au
spectateur.
L'originalité, et encore, de The
OA, c’est sa façon de poser un questionnement sur la
croyance en general et sur la croyance au récit en particulier. En tant que spectateur,
comme devant tout œuvre de fiction, on accepte comme acquis les éléments
fantastiques, selon le principe de suspension volontaire du jugement, mais ici
la série donne aussi au spectateur des raisons légitimes de douter de la véracité du recit de son héroïne Prairie (un bon nom de merde, soit dit en passant).
Pour les personnages de la série, la question est la même, mais se double d’une
autre interrogation : le récit leur a clairement apporté quelquechose, une force, une confiance en soi ou en les autres, peut-être une forme de redemption... Alors, même si Prairie ment, pourquoi ne pas la suivre ?
Tout ça a l'air très chic et intello, mais, là non plus, on ne peut pas vraiment dire que Netflix innove. C'est en fait le questionnement le moins moderne
du monde. Les textes religieux, la Bible en tête, reposent déjà majoritairement
sur cette notion de la parabole, de l’histoire qui, même inventée, permet de
rendre l’homme meilleur. The OA ne fait donc que broder sur un thème
archi-classique, avec une forme elle-aussi éprouvée.
Mais comme c'est dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe, la série fonctionne, dans son imagerie et sa curieuse
mélancolie comme dans son rythme qui donne clairement envie de voir l’épisode suivant.
A défaut d’être
révolutionnaire, c’est au moins solidement écrit
L’écriture ménage une forme de fascination pour le
personnage principal, mythomane géniale ou ange venu du ciel, en laissant
chacun, personnage comme spectateur, libre de sa propre interprétation. Elle
véhicule également une sincère tendresse envers ses personnages, tous perdus dans leur recherche d'une vie sinon meilleure, au moins différente.
Elle ne manque cela dit pas non plus de
maladresses formelles, comme le fameux « mouvement » qu’apprennent
les personnages, l'un des themes centraux de la série. D’un peu ridicule aux premières images, ce thème finit par
basculer dans le grotesque voire l'indigne dans le dernier episode, qui traite avec une légèreté franchement dérangeante la
question des fusillades dans les écoles, ici aimable artifice de scénario.
Malgré tout, avec sa fin ouverte à l’interprétation de chacun, les croyants comme les sceptiques, The OA garde sons supsens et son intérêt jusqu’au dernier plan. Pas mal, mais il reste maintenant à savoir si la série, renouvelée pour une seconde saison, saura rester sur cette très fine ligne de crête et conserver l’ambiguïté qui est son moteur. Si la saison deux offre un début de réponse
fantastique, elle prend le risque debasculer dans un mélange bancal entre Fringe et 1Q84, sinon, elle prend le risqué de lasser...
C'est ballot, The OA aurait certainement pu acquérir un statut culte auprès de son public, en s'arrêtant ici sans répondre. Une solution qui aurait permis de masquer qu'elle n'a au fond déjà plus rien à dire...
La minute
cinéphile : On retrouve Jason Isaacs, Lucius Malefoy dans les Harry Potter, dans le rôle archi-stéréotypé du savant psychopathe. Pas d'une folle originalité mais ça marche. Comme tout le reste de The OA, qui ne prend quasiment aucun risque sur quoi que ce soit.
La minute geek :
Evidemment que la mère de Prairie a un agenda caché ! Sous ses airs
bonnasses et ses fringues Quechua, Alice Krige ne trompe personne et tout le
monde aura reconnu la reine des Borgs de l’univers Star Trek.
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