Larmes dans les chaumières, version chic.
Le genre : confessions
intimes flamboyant
Puisque j’arrive après la bataille, pas besoin de résumer le
sujet de Mommy. C’est l’histoire d’une guerre perdue, d’une mère qui est
impuissante face à la maladie de son fils, malgré l’amour qui existe entre les
deux. Sauf que ça, Dolan refuse de l’admettre alors que son film le suggère
très fortement dès le début. Il prend donc une longue tangente un peu étrange sur la
victoire face à la maladie, qui finit par affaiblir son (beau) film.
Dire de Xavier Dolan que c’est un réalisateur talentueux, c’est
à la fois tout dire et ne rien dire. Parler de l’émotion, qui est le moteur de
son film, c’est une tarte à la crème et ce n’est pas un angle d’analyse. Mais
je pense que ne parler du film que par l'émotion qu'il suscite est une erreur, même si je trouve sincèrement que Dolan s’améliore,
s’affirme et grandit à chacun de ses films.
Tout Mommy repose
sur la violence des sentiments de ses personnages. La violence de Steve, l’ado
gravement hyperactif, violence née de sa frustration, mais aussi la violence de
l’amour que lui porte sa mère et la violence du déni de la douleur de Kyla leur
voisine. Et toute cette violence combinée, forcément, c’est explosif, et pour
le spectateur, ça prend aux tripes. Mais c’est justement le principal reproche
que je fais au film, c’est de s’être uniquement concentré sur cette volonté de
faire exploser les émotions au visage du spectateur, au mépris de l’histoire
qu'il voulait raconter.
Du point de vue du spectateur, comment ne pas comprendre le
choix final de la mère, quand, le premier matin de leur réunion, son fils a
tenté de la tuer dans un accès de rage ? C’est tout le problème de Mommy, de vouloir exposer et analyser
des émotions qui n’ont pas lieu d’être, tant la situation présentée est extrême. De ce
point de vue, le film ne fait que s’étirer dans une fausse direction assumée pour
atteindre une conclusion attendue, car annoncée dès le cartouche de début
du film.
On pourra insister autant qu’on veut sur l’incroyable
performance des trois acteurs, notamment le jeune Antoine Olivier Pilon,
arrogant et terrorisé par l’absence de contrôle, sur les idées de Dolan en
matière de réalisation, notamment les changements de format, il n’en reste pas
moins que je ne comprends pas où il veut en venir dans la moitié des scènes, même si je les apprécie isolément.
Le montage sur la
vie que pourrait avoir Steve, par exemple, est un magnifique moment
d’image, mais quel est son rôle narratif ou dramatique aussi tard dans le film ? Nous annoncer
que sa mère comprend, seulement à ce moment, et à regret, tout ce qu’il ne sera
pas ? Non, c’est absurde, sa défaite est déjà consommée, elle a déjà
renoncé et ce regret est déjà enterré.
Dans ce dernier road-trip, elle ne peut à la rigueur se tourner que vers ce qu’il a été, vers le souvenir du bonheur
fragile de son enfance, bonheur évoqué mais absent du film.
Tout comme Tom à la
ferme, malgré sa grande beauté formelle, ne parvenait pas à être un être un
bon polar, Mommy manque pour moi d’une
solidité de construction pour être le mélo assumé qu’il voudrait être. Parce qu’il
n’y a pas de réel enjeu. La rédemption heureuse de Steve, esquissée dans un
montage quasiment emprunté à l’action movie (le classique de la scène d’entraînement
qui fait avancer l’action) n’est qu’un leurre. Parce que Dolan est trop fasciné
par la beauté pour faire un drame social sombre. Alors que son sujet est bien là.
Mommy est un film
rare. Soit. Mais je me demande sérieusement si Dolan n’aurait pas maintenant
intérêt à trouver un binôme scénariste avec lequel il se sente à l’aise et qui lui permette
de se concentrer sur sa valeur ajoutée, la réalisation (dans le moindre détail)
et la direction d’acteurs.
La minute sériephile :
comme je l’ai dit, j’aime bien Xavier Dolan. Je pense simplement qu’il n’a pas
encore fait son plus grand film. Et j’aime bien Anne Dorval, parce que je suis un
fan du Cœur a ses raisons. Et bien
par la magie des internets, je peux reconcilier les deux, avec cet épisode de
la nouvelle série de Marc Labrèche, les
Bobos, avec Anne Dorval, et Xavier Dolan dans un caméo qui fait montre d'une autodérision attachante que je ne lui soupçonnais pas. Le monde est bien fait : https://www.youtube.com/watch?v=2iIWFWpvmd4
La minute geek :
quelque chose m’a frappé dans ce film. C’est le décalage entre le futur, puisque l’intrigue
se passe expressément dans le futur, et la totale absence de smartphones. Je suppose
qu’il s’agit d’une volonté de mettre les personnages dans un champ social
isolé, pour mieux souligner la force de leurs rapports. C’est pourtant d’autant plus
étonnant que dans ses Amours imaginaires,
Dolan avait fait preuve d’un rapport amusé à la technologie et d’un œil rare
pour le détail auquel une génération s’identifie immédiatement.
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