jeudi 16 octobre 2014

Elle l’adore

Sympathique mais incroyablement feignasse

Le genre : inconnu au bataillon. Pas vraiment polar, pas vraiment comédie, pas vraiment satire.

Elle l’adore, c’est l’histoire de deux acteurs qui ne se foulent pas trop. Sandrine Kiberlain y joue Muriel, fan inconditionnelle d’un chanteur de variété, Vincent Lacroix, lequel se tourne vers un jour elle pour faire disparaître le corps de sa compagne qu’il a tué par accident. Hum, intéressant, un truc un peu noir à la Dany Boyle, un soupçon de comédie à l'italienne féroce des 60's ?

Et ben non, un bon film français avec des acteurs sympathiques, parfait pour un prime de TF1 le dimanche soir dans 2 ans. L’intrigue purement policière n’est pas désagréable à suivre, et même pimentée d’un soupçon de vaudeville entre les flics, qui n’est en réalité qu’un accessoire de scénario, mais le tout manque profondément de substance. Le rythme et l'acidité du polar manquent, tout comme l'humour noir, et les quelques moments de suspense sont immédiatement désamorcés, pour revenir dans la comédie gentillette.

Une hypothèse à pousser était celle de la séparation absolue entre l'image publique du chanteur, sous les caméras, et le masque privé, mais c’est à peine si elle fait l’objet d’un plan où le sourire se fige avant de réapparaître. Une autre piste à creuser aurait été l’exploitation cynique que le chanteur fait de ce drame (officiellement, c’est un veuf éploré), mais là non-plus, aucune satire. On préfère montrer que c'est un mec bien, un papa sympa, victime d'un accident. De façon d'ailleurs assez misogyne, l'homicide involontaire est d'ailleurs globalement justifié par le fait que, de l'avis général, sa meuf était une emmerdeuse, volage en prime. Donc bon, ça va, il avait droit de la buter et de faire disparaître le corps, voire de faire accuser de meurtre une inconnue, merde.

Laurent Laffite, dans le rôle du chanteur, a manifestement voulu avoir le beurre et l'argent du beurre, en gardant un personnage sympathique tout en montrant un côté sombre de son jeu. Il compose donc une partition bancale entre le manipulateur qui joue l'étonnement devant la police et la victime piégée qui sombre, à grand renfort d’immobilité et de silence, genre je suis mystérieux et intense. Il ne joue pas mal en soi mais son personnage n'a aucun sens.

Le rôle de Muriel, censée incarner la folie des fans jusqu’au boutistes souffre lui-aussi du même refus de prendre une route narrative. C’est clairement une mythomane, ce qui occasionne de bonnes scènes sur ses mensonges foutraques sur l'épilation de la fille de Klaus Barbie. Mais son attachement hystérique au chanteur n'est pas exploré. Aucun lien n’est en réalité fait entre les deux parties de sa personnalité, simplement posées là en espérant que ça crée un personnage. On aurait, là aussi, pu envisager un scénario glaçant sur ce choix manipulateur d'une fan qu'il ne connaît pas et veut piéger ou au contraire sur le pouvoir grandissant que la fan gagne sur son idole, façon Misery. Mais là non plus, rien.

Un autre point curieux, Laurent Laffitte a manifestement voulu faire bosser les potes de la Comédie Française, dans le rôle du staff dévoué du chanteur (son homme à tout faire et sa femme de ménage, jouée par Muriel Mayette, qui, rappellons-le était administratrice générale du Français au moment du tournage). Je ne sais quelle conclusion psychologique en tirer… Mais en tout cas, ça n'apporte rien au film, si ce n'est un peu de surjeu théâtral.

Rien en soi n’est mauvais dans ce film, mais rien n’y est très bon non plus. Manquant cruellement d’ambition, Elle l’adore laisse curieusement Laurent Laffitte et Sandrine Kiberlain monter des personnages sympathiques, là où ils devraient montrer pour l’un la froideur et le cynisme et pour l’autre le désespoir et la solitude. Pepère, mais globalement pas follichon. Un film de dimanche après-midi ou de mardi soir.

La minute geek : à croire que la police oublie les fondamentaux, alors que la victime est censée avoir été enlevée à son domicile, le dit domicile n’est jamais passé au luminol. Or, le chanteur a nettoyé les traces de sang à l’éponge. Sans donc forcément le soupçonner, la police devrait donc a minima savoir que la scène de crime est chez lui. Mais bon, comme du reste, le film s’en fout un peu, en fait.

La minute sériephile : le décor du commissariat, lui aussi, souffre de cette absence totale de choix. On oscille donc entre un décor un peu aberrant type ors de la République (à mon avis tourné dans un lycée parisien) et les commissariats crados d’Engrenages. Et des flics d’Engrenages, pareil, ils sont pris les costumes, mais pas les manières. Parce que ce serait trop sombre dans ce qui, malgré tout, se veut une comédie sympatoche.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire