mardi 1 avril 2014

Captain America, quelques grammes de brutalité dans un monde complexe



Le genre : Jason Bourne a un problème avec les fenêtres

L’ensemble des productions Marvel Studios de ces dernières années à de quoi laisser perplexe. Le studio a refusé de prendre le virage de DC, de ne pas concevoir le super-pouvoir comme une source de névrose et de conflit intérieur, en gardant un ton plus positif et une iconographie plus pop. Les réussites sont diverses, allant du pas mal (Iron Man 1) au franc n’importe quoi (Thor 2, le premier Hulk). Un changement de cap (ha ! ha !) s’imposait.

Captain America, notamment est un personnage dont l’écriture se devait d’évoluer. Né en 1940 dans une ère de comics patriotique, il est le symbole d’une Amérique triomphante qui combat des ennemis clairement identifiés et clairement ennemis de la liberté, les nazis puis Hydra. Mais l’émergence de menaces diffuses amenait à une réflexion plus large, faisant de Cap le défenseur d’un idéal américain de liberté, et non d’un gouvernement, ce qui l’amènera d’ailleurs à se dresser contre le gouvernement.

C’est plutôt sur ce postulat que le film part, en construisant un scénario plutôt malin. Congelé pendant 60 ans, le Captain essaie de s’adapter à un monde changeant et obsédé par la sécurité et les moyens de la sanctuariser par des frappes préemptives. Le traumatisme de la guerre en Irak et du Patriot Act sont passés par là. On notera d’ailleurs sur sa to-do list un amour pour la France et une volonté de rattraper son retard culturel plutôt malin pour un GI des 40’s (Louis de Funes, Coluche, France 98 sont sur la fameuse to-do list !)

La force de cette suite, c’est donc de ne pas être tant un film de super-héros qu’un film d’action parano. C’est en cela qu’il est réussi, comme à chaque fois que Marvel se concentre sur ce qui rend son héros différent, sur son aspérité. Ici sur le moment déterminant ou pour le plus fidèle des soldats, la seule façon d’obéir est de se révolter. Captain America va donc devoir combattre un terroriste légendaire, le Soldat de l’Hiver, tout en émettant des doutes grandissant sur la légitimité des moyens et des finalités de l’organisation qui l’emploie, le SHIELD.

Le défaut du film, c’est cela dit cette partie super-héroïque de l’intrigue. Pas vraiment exploité, source d’un conflit moral secondaire finalement bancal et peu justifié, le méchant sert essentiellement à redonner un peu de « classicisme » comics à un film qui s’en passait justement très bien. Dommage.

L’action fonctionne, elle est même plus claire que dans les Avengers, quoique moins virtuose et le film réussit finalement à donner de l’épaisseur au personnage, contrairement au précédent, en assumant pleinement son côté assez débile. Quand on y pense, faire la synthèse entre un film de complot techno-sécuritaire parano et un personnage dont le seul super-pouvoir est de coller des énormes tatanes et de défoncer allègrement murs et fenêtres, on se dit que le pari n’était pas gagné.

Contrairement à Iron Man 3 qui commençait à lorgner sur Nolan et faisait de l’ironie de Stark un enjeu dramatique assez lourdingue, Captain America joue la carte inverse, et mise sur le volontarisme de son all-american boy, son sourire inoxydable et son attitude de fonceur un peu con, rôle dans lequel Chris Evans  prend d’ailleurs paradoxalement de la profondeur de jeu. L’alchimie avec les autres personnages repose justement sur ce postulat absurde, source de réflexions permanentes sur le fait que le plan est débile, mais que bon, quand même, c’est Captain America qui a décidé alors on va y aller. C’est cette dynamique qui rend d’ailleurs le nouveau venu, Falcon, immédiatement crédible et attachant. Ca et le fait que la justification de son super-pouvoir (qui n’en est pas un) tient pas mal la route par rapports à l’ambiance du film.

Tout le cast s’y prête et s’en donne à cœur joie, notamment Redford et Jackson, et l’ensemble du film fonctionne sur un humour de fond permanent, et non pas un humour de punchline pendant l’action, trop typique des années 90. Blague à blague, on dérive plus subtilement vers une réflexion plus large sur le rôle et la légitimité du super-héros, totalement absente du franchement raté Thor 2 (et présente mais mal branlé dans le premier Thor).

Dans la construction globale de l’univers ciné, Captain America et le Soldat de l’Hiver marque pour moi un jalon qualitatif, avec un film dont la personnalité et l’intrigue commence à se personnaliser en fonction du personnage, finalement plus que dans les Iron Man, d’écriture très classique. Quand, par ailleurs, le film en profite pour glisser quelques briques sur la suite (les jumeaux Maximoff, la première mention du Dr Strange), que demander de plus ?

La minute geek : les jumeaux Maximoff sont au centre d’une intéressante bataille juridique. Etant des personnages liés aux X-Men, puisqu’ils sont les enfants de Magneto, ils sont surtout des Avengers. Mais les franchises appartenant à des studios différents, Pietro sera joué par deux acteurs différents dans le prochain X-Men (Evan Peters) puis dans les Avengers (Aaron Taylor-Johnson). 

La minute sériephile : dans le genre actrice de séries, Emily Van Camp de Revenge (plaisir coupable mais série rigolote) s’en tire plutôt avec les honneurs là où Cobie Smulders de How I met your Mother fait de la figuration assez inutile.

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