lundi 30 décembre 2013

Albator, la séquence que tu zappes dans les jeux




Le genre: oh, misère...

Autant le dire d’emblée, je ne suis pas un grand fan de dessins animés, surtout depuis l’imagerie numérique. Je n’ai pas trouvé In the Air désagréable, ni Ratatouille, mais je suis jamais emballé, emballé. Albator fait partie de la culture générationnelle des français nés dans les 80’s mais est à la frange de ma génération. 9a fleure bon la petite enfance et Récré A2,  je m’en souviens, mais sans avoir jamais vraiment suivi, comme Cobra, par exemple. Je suis plutôt de la génération suivante, Chevaliers du Zodiaque et autres… Bref, disons que j’abordais le film sans trop de préjugés malgré tout, d’autant que je suis plutôt client des batailles spatiales.

Là-dessus, pas trop de problèmes, des effets visuels léchés, une réalisation bien pensée, une utilisation intelligente de l’effet de profondeur de la 3D, comme dans Gravity. Tout va bien jusque-là. Sur les enjeux des dites batailles spatiales, je suis assez vite devenu un brin plus circonspect. Disons simplement que quand on a compris que l’Arcadia, le vaisseau d’Albator est indestructible, s’auto-répare, peut détruire en moyenne 4 vaisseaux par salve de canon, peut se téléporter, devenir invisible… on est assez peu pris par le suspens insoutenable des batailles.

De façon générale, hors des effets visuels, le bât blesse. Il blesse méchamment. Soit le scénario est d’une telle complexité que je n’ai strictement rien compris à ce qui se passait, soir ce film est d’une crétinerie sidérante. Je ne sais pas trop. Un de mes camarades évoquait la différence culturelle pour expliquer qu’aucun de nous n’ait compris le film. C’est bien charitable de sa part.

Le scénario repose en effet trois principes dont chacun sait qu’ils font un script solide : un postulat de départ incompréhensible, des flashbacks explicatifs qui embrouillent encore plus et des rustines sorties de nulle part pour expliquer certains trous béants. Un combo devastateur et assez touchant et Larry Davidien : le travail d’un mec qui voir partir son projet en sucette, tente de le réparer mais empire les choses. 

Pour la jouer rapide, dans le futur, un jour, pour une raison très floue, 500 milliards de colons humains ont voulu revenir sur Terre, d’où une guerre entre les habitants et les expatriés. Quand finalement un consensus a fait de la Terre un sanctuaire interdit à tous, excepté les ambassadeurs, Albator, chargé de défendre la planète à la barre d’un vaisseau super bad ass s’est senti floué (alors que, globalement, c’était un peu la seule solution, mais passons). Pour défendre la Terre, il l’a donc entièrement rasée ce jour-là. Ce qui laisse penser qu’il est soit un peu extrémiste, soit très très con.

De là, il est maudit par son vaisseau ( ?) et devient invincible et immortel ( ??). Quand le dit vaisseau se sacrifie pour aider Albator, on suppose donc un genre de rédemption vaguement émouvant. Sauf que deux minutes après, tout le monde ressuscite et le vaisseau redécolle. Pourquoi ? Selon les moments c’est lié à cette obscure malédiction, elle-même liée à la technologie du vaisseau, la matière noire. Le vaisseau est apparemment unique, puisque reposant sur une technologie qu’une race mourante s’est sacrifiée pour confier à Albator. A l’exception de sa dernière représentante, qui se sacrifie en consumant toute l’énergie du vaisseau, pour revenir en pleine forme dans la scène suivante. Pourquoi le reste de ses congénères ne l’a pas fait, mystère…

Le reste est à l’avenant, chaque flashback éclairant le passé des personnages rend l’histoire encore plus confuse, la palme allant à Yama, dont on comprend pourquoi toute sa famille le hait, tant ses actions sont inexplicables. Genre pour faire pousser des marguerites et faire plaisir à sa belle sœur, il a ouvert le gaz à fond et incendié la maison… La coalition des méchants, quant à elle, fait croire aux gens que la Terre existe encore, pour leur donner un idéal, mais habite sur une planète normale… Toutes les 20 minutes, les méchants sortent une nouvelle arme secrète qui peut déchirer l’univers en deux, mais en fait non, c’est bon.

Le tout est saupoudré de considérations oiseuses sur le cycle de la vie, sur le peu d’importance de l’humanité au regard du cosmos, et sur le fait que l’idéal d’Albator, ou plutôt du personnage qu’il incarne, puisqu’il meurt et qu’un autre prend illico le relais, cicatrice comprise, c’est la liberté… Albator passe le donc le film à hurler au fascisme de ses adversaires pour justifier l’absence de cohérence de sa position et pleurer sur la beauté de ses propres discours. Plus sympa visuellement qu’une interview de Guaino, mais pas franchement plus clair…

La minute geek : le tout ressemble quand même affreusement à une cinématique de Final Fantasy. Que l’on peut pardonner à Final Fantasy parce qu’entre les cinématiques, au moins on manie une grosse épée.

La minute sériephile : que voulez-vous que je vous dise ? Si vous ne connaissez pas Larry David auquel je fais référence, refaites vous quelques Seinfeld, qu’il co-écrivait, puis jetez-vous sur sa série Curb Your Enthusiasm !

vendredi 6 décembre 2013

Casse tête chinois, ennui français





Le genre : Pomme C, Pomme V

Revenons aux sources. Ce qui a fait le succès de l’Auberge Espagnole, outre ses qualités d’écriture et ses nombreuses trouvailles visuelles (l’empilement des formulaires et autres), c’est le côté foncièrement générationnel du film et la capacité d’identification avec le héros. Tout le monde a vécu, ou a des amis qui ont vécu, cet Erasmus parenthèse enchantée, la rupture avec le copain/la copine restée en France, l’impression d’être jeune et d’avoir la vie à ses pieds. Et tout le monde a rêvé de faire comme Xavier, d’arracher sa cravate (sauf moi, j’ai horreur de sortir sans cravate, mais passons) et de dire merde au conformisme, au costard gris et de repartir faire la teuf.

Les Poupées Russes perdaient déjà une partie de sa force d’identification, mais la retrouvait ailleurs, dans le quotidien de ses trentenaires qui continue à galérer, qui doit jouer du pipeau à sa banquière, qui n’arrive pas à se stabiliser dans le couple. De façon intéressante, le premier film pouvait parler aux générations X et Y, mais celui-là perdait déjà les Y, qui eux se maquent plus jeunes que leurs aînés. Peut-être parce nous sommes nés dans des années 80 encore winneuses, là où eux n'ont toujours été confrontés qu'à un discours parano sur la crise, qui invite à se sécuriser autant qu'on peut.

Casse-tête chinois perd pour le coup tout le monde, avec une intrigue qui s’est encore invraisemblablement compliqué, pour ne plus ressembler à la vie de personne. Sauf si, bien sûr, la moitié de vos amis sont divorcés, ont habité dans deux pays, puis déménagent dans un troisième pour être près de leurs enfants que leur ex-femme a emporté, puis inséminent un couple de potes lesbiennes et épousent en mariage blanc une chinoise pour avoir des papiers. 

Le plus triste là dedans est qu'il présente en réalité un tableau d’une banalité à pleurer, sous couvert de modernité: le couple de lesbiennes sert de paravent moderne à une bonne vieille intrigue d'adultère vue et revue, l'hymne ravi à la famille recomposée est parfaitement grotesque et le dialogue sur le côté imprévisible de l'amour masque mal une célébration du couple finalement très traditionnelle. Un film qui n'a pas le dixième de la charge satirique sur le conformisme d'un volume au hasard de Balzac. 

Je n’ai pas totalement détésté Casse-Tête Chinois. Mais c’est avant tout un Klapisch très feignasse, qui se contente de reprendre mollement ses vieilles recettes. Les plans sont toujours très travaillés, il faut le reconnaître, Klapisch reste un cinéaste qui pense beaucoup plus son storyboard que beacoup d’autres. Mais à part ça, je suis quand même très peu emballé.

Au-delà de la faiblesse d’écriture, Klapisch nous propose quasiment un reboot de l’Auberge Espagnole, en recopiant méthodiquement la construction de son ancien film, et en le bourrant de ce qui ressemble à des références, mais sont en fait des pures redites. On aura donc de l’anim et des trouvailles visuelles inutiles dans la 1ère demi-heure, des philosophes en costume d’époque qui interviennent, des plans calqués mais dans un décor New-yorkais (le soulevage de cuisse si cher à Cécile de France), et même une répétition de la scène de quiproquo sexuel que tout le monde cherche à empêcher. Certes, cette scène est marrante, mais Klapisch n’a-t-il pas d’autres choses à nous raconter ?

Le tout est saupoudré d’une réflexion sur la construction des intrigues en général, puisque, ce que nous voyons, Xavier le raconte en même temps à son éditeur par Skype, lequel commente en se demandant si c’est un bon roman que le personnage nous concocte, avec de sérieux doutes. Klapisch nous fait ici un gros clin d’œil type "la fiction n’est jamais aussi folle que la vie, ha ha". Sauf que voilà. Son intrigue, justement, perd tout réalisme et est, de fait, un produit littéraire très pensé, ce qui tend à justifier le point de vue de l’éditeur. Le film, par sa forme un peu méta vient donc contredire son propre fond, mais ça ne gêne personne. 

En voulant à tout prix être libre, différent, Klapish a perdu l’aspérité de ses débuts, notamment sa jolie galerie décalée de Chacun cherche son chat, ou son vrai histrion radical du Péril jeune, pour ne faire qu’un film français de plus sur les problèmes d’engagement sentimental de jolis quarantenaires, doublé d’une pub pour Apple assez délirante.

A part quelques très bonnes scènes, où il retrouve son décalage de situation, et son humour, notamment l’hilarante scène de réunion en chinois non sous-titrée, ça ronronne, c’est mignon, mais le film manque quand même sacrément de sel et de rythme. A mon avis largement dispensable au cinéma.

La minute sériephile : sériephile, je ne sais pas si on peut aller jusque-là, mais pour compléter son casting de bilingues, pour jouer la copine de Cécile de France, Klapisch est allé rechercher une routière de la série de merde en coprod internationale, qui a enchaîné Les repentis, Witchblade ou autres Poltergheist les aventuriers du Surnaturel. Si vous avez été insomniaque dans les années 2000 et que vous regardiez Série Club ou 13ème Rue la nuit, ce visage vous est familier.

La minute geek : quand il ne pianote pas sur son MacBook (la moitié des plans du film), Xavier téléphone dans un téléphone à clapet. Une vision curieusement très 2003 de la coolitude.

lundi 2 décembre 2013

Hunger Games 2, dispensable mais agréable




Le genre : les Anges de la téléréalité mènent la révolte contre la pression fiscale

The Hunger Games, second volet, reprend là où nous avait laissés le premier. A savoir que la victoire de son héroïne sur le système du jeu télé mortel a révélé une faille dans le système politique et laissé planer la possibilité d’une révolte contre le système totalitaire de Panem. Katniss et son compère Peeta deviennent à la fois les idoles du peuple et le couple à abattre pour les élites d'une société au bout du rouleau.

Alors, évidemment, on pourra toujours arguer que la métaphore politique de Collins est un peu grosse (du pain et des jeux, le Capitole, toussa toussa), mais pourquoi pas ? Après tout, le film, comme les romans, je suppose, appelle à se révolter contre la dictature, à refuser la privation de liberté, à réfléchir par soi-même et, comme Katniss, à refuser la violence que lui impose un système pour lui préférer la compassion. Valeurs respectables.

De ce point de vue-là, le second Hunger Games est plutôt réussi, et prend le temps d'explorer cette relation de Katniss à son nouveau rôle d’icône politique, que les deux camps veulent s’approprier. Peut-être un peu trop de temps d’ailleurs, le film gagnerait bien à dégraisser une bonne demi-heure. La question qui se pose ici est de savoir si elle accepte d’endosser ce rôle de leader, qui causera invariablement des morts, notamment dans sa famille, qu’elle essayait précisément de sauver, ou au contraire si elle choisit d’être la cover-girl d’un régime qui s’est senti vaciller.

Le film poursuit sa réflexion sur la création des icônes, ou au contraire sur le cassage de l’image d'héroïne de Katniss par les retors et Snow et Heavensbee (Donald Sutherland et Philip Seymour-Hoffman, pervers raffinés, impeccables dans leurs rôles). Il déplace d’ailleurs le curseur d’une critique de la télé-réalité comme mode d’abrutissement à une dénonciation plus large de la manipulation par les images, notamment dans les médias d’information. 

Concernant la télé-réalité pure, le film va plus loin que le précédent, en empruntant très clairement l’imagerie de Survivor ou Koh Lanta, lors des nombreuses de désœuvrement ou de chasse sous-marine des aventuriers sur la plage. Ce qui est somme toute assez logique, dans la mesure où ce second volet commence à porter un message plus politique, et s’affranchit donc de l’imagerie purement adolescente et classique du premier, pour rentrer dans le vif du sujet. 

Ce basculement pourrait annoncer une vision plus directement critique et, de la même façon, le changement de règles, à savoir l’organisation d’un Hunger Game « all star », destiné précisément à se débarrasser de Katniss, enfonce un autre coin dans le système et introduit des personnages plus nuancés, et nettement plus rebelles par rapport au concept même de ces jeux. Cette partie souffre pourtant d’un problème d’enjeu, à mon sens, les alliances étant devenues très fortes, et par un twist, le film évacue justement la question morale de savoir que faire quand il ne reste que des alliés dans l’arène. Dommage également que le film ne traite pas de la désaffection du public, qui réclame à un moment l’annulation des jeux. D'un côté le film se veut plus satirique, mais en compliquant son propos sur l'élimination au sens physique du terme comme aboutissement de la société du spectacle, il finit par l'affaiblir.

Le film se rapproche aussi très dangereusement de son modèle Battle Royale en réintroduisant l’idée de zones interdites par heure, qu’il faut fuir, et celle des personnages à armes pourries comme la bobine de fil des geeks, gadgets scénaristiques pas franchement nécessaires. Le tout se laisse cela dit plutôt bien suivre, notamment la première partie, qui remet une couche sur le contraste entre les districts pauvres, sous la neige, filmés en couleurs sombres, et un Capitole multicolore et dégénéré.

Le dernier plan rappelle furieusement le final de l’avant dernier Twilight, Bella qui ouvre ses yeux rouges, en plan sérré, sans en avoir forcément la puissance. Ok, on a compris, Katniss a choisi son camp, ça va chier, mais on reste sur sa faim, faute d’une réelle conclusion. Je constate d’ailleurs qu’avec un sens tout hollywoodien de la pépète, le studio a décidé de faire deux films du dernier bouquin, ce qui laisse présager le pire question longueurs et coupure en pleine intrigue.

Je terminerai en disant que je suis peut-être un vieux con, mais que je ne marche pas du tout à cette histoire d’amour adolescente. Katniss est surtout arrogante et intransigeante envers les autres, mais coulante avec sa propre morale, une vraie Stark ! Ses choix amoureux sont donc purement circonstanciels, Gale quand elle est à la maison, Peeta quand elle est dans l’arène. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est une traînée opportuniste, mais je trouve que ses deux soupirants sont quand même de bonne composition d’accepter son manège.

Bref, dans la catégorie blockbuster, comme Ender’s Game récemment on a un truc plus malin que le moyenne, bien conçu quoiqu’un peu long et plutôt réussi visuellement. Pas d’une ambition délirante, mais réussi.

La minute sériephile : je ne résiste pas à vous conseiller d’aller voir Donald Sutherland dans Crossing Lines, la merveilleusement WTF série internationale de TF1, avec également Marc Lavoine et William Fitchner (dès que William Fitchner pointe son nez aquilin quelque part, on peut cela dit s'attendre à ce que ça parte en vrille). Les aventures d’un réalisme à couper le souffle d’une unité internationale de chasseurs de tueurs en série dans l’Union Européenne, sous l’égide de la Cour Pénale Internationale. Après 14 épisodes, les juristes cherchent encore à comprendre comment une telle chose est possible. 

La minute geek : la technologie de Panem ne cesse de m’intriguer. Vu la mode high-tech du Capitole (je dois admettre que la scène de la robe de mariée de Katniss est plutôt bien foutue), l’arène holographique qui peut créer des objets vivants à volonté, les champs de force et les vaisseaux, je m’interroge un peu sur le fait que les héros se baladent en train et les soldats en Hummer. Je reste encore une fois étonné de ces réflexions qui ne vont pas jusqu’au bout.