Le genre: kebab James Gray, sauce Yamakazi
Puisque rien de ce que j’ai vu cet an-ci ne m’a profondément
marqué, je me suis dit que j’allais m’éloigner des rivages américains pour
aller vers le Moyen-Orient. En route donc pour la Cisjordanie, et pour le polar
Omar de Hany Abu-Hassad, que tout le monde qualifie abusivement de meilleur
thriller politique de l’année.
Comme souvent, face à un cinéma émergent, on fait preuve d’indulgence,
notamment eu égard au manque de moyens, quand on voit le nombre de productions
à moyens qui n’ont pas d’intérêt. Et le fait est qu’Omar est un thriller plutôt
réussi (quoique très peu politique, n'en déplaise à Rue89), et, chose rare, qui se concentre sur sa pure intrigue, sans tenter de marteler son message politique sur la radicalisation de la jeunesse palestinienne, pourtant présent.
On y suit donc trois jeunes palestiniens amis d’enfance, qui
créent une cellule de lutte contre Israël, et mènent leur première action, l’assassinat
d’un soldat. L’un des points forts du film est de montrer que cette jeunesse,
au-delà de cet aspect de lutte, reste une jeunesse comme une autre, entre les
potes, les blagues potaches, les histoires d’amour, et même les références
culturelles, notamment au cinéma américain. L’idée en filigrane est que la
Palestine serait un pays comme un autre, plutôt même très occidentalisé, sans
violence si l’occupation d’Israël ne générait pas le climat de contrôle, et donc la violence. Quelques plans
très malins soulignent discrètement cette idée, en affichant le décalage entre
une ville à moitié en ruine et les panneaux de pub en 4X3 pour des opérateurs télécom
ou des projets de développement durable.
Le point central du film, c’est l’arrestation d’un des
jeunes. Pour sortir de prison, une seule solution, coopérer. Il tente alors un
double jeu, en faisant semblant de coopérer, mais sait que l’un de ses deux
amis est un traître. Enjeu d’autant plus complexe qu’il veut épouser la sœur de
l’un d’eux, et que sa rapide sortie de prison le rend suspect d’être lui-même
un traître, ce qu’il est d’ailleurs, techniquement. Pour s’en sortir, il va
donc devoir décider de ce qu’il doit sacrifier.
S’en suit un film à la fois paranoïaque et nerveux, traité
quasiment comme un Bourne, notamment dans les scènes de poursuite avec la
police dans les ruelles (très proches de la poursuite à Mombasa dans Inception,
d’ailleurs). Certains critiques ont parlé de film sur la culpabilité et la
trahison proche de James Gray. C’est un point sur lequel je ne suis pas d’accord,
tant le ton d’Omar laisse supposer qu’il peut s’en sortir, optimisme qui est
absent des films de Gray.
Soit. Tout ça est original, parfois maladroit dans la mise
en scène, ce qu'on peut pardonner, et convaincant dans les décors. On y retrouve bien cette ambiance de
pays en construction de toutes les petites villes du Moyen-Orient, les
parpaings, les tiges de béton armé, la poussière des rues…les acteurs ne sont
pas tous très convaincants, mais font avec sincérité leur job, notamment le
héros.
La construction en revanche me laisse un brin sceptique. La
première et la seconde demi-heure sont un quasi copier-coller, et le dénouement
est pour tout dire un peu crétin. Quoique le film se veuille paranoïaque, le
héros refuse en réalité de prendre en considération ce qu’il sait, à savoir que
l’un de ses deux amis est un traître. Il a l’air très étonné, le spectateur l’est
moins, quand il apprend qui est ce fameux traître. Plus profondément, je ne
comprends pas vraiment l’intérêt de la police israélienne de lui faire
confiance et donc d’infiltrer une cellule où elle a déjà un informateur (une
cellule de trois personnes, je le rappelle). C'est toute le mécanisme de l'intrigue qui est un peu foireux, en fait.
Malgré quelques jolies scènes intimistes à la fin, notamment
la dernière confrontation entre les amoureux maudits, qui montre une nouvelle
fois que notre héros ne capte vraiment rien à rien, le film souffre également d’un
problème d’écriture de ses personnages un peu gênant. Alors qu’il se veut
subtil, et complexe, ses trois personnages sont des purs archétypes : le héros
est un gentil, toujours prêt à se sacrifier (pour la famille, ses amis, pour sa copine, même pour le
traître, pour l’honneur...), son mentor est un pur idéaliste sincèrement persuadé que la seule solution au conflit palestinien est la réponse armée à Israël, tandis que le troisième larron est un petit combinard toujours en train de blaguer et de draguer.
Oh, je me demande bien lequel des deux derniers est le traître…
Bref, une tentative de polar rafraîchissante mais pas encore
vraiment au point.
La minute geek :
les scènes de fuite où la foule tente de ralentir
spontanément la police m’ont furieusement fait penser à du Assassin’s Creed,
premier du nom ou Révélations, au choix. Vous allez me dire, courir dans les ruelles grimper et sauter les murs de villes du Moyen-Orient pour semer les gardes, c'est un peu le but de ces deux jeux...
La minute sériephile :
je n’ai pas tout regardé, mais dans le genre un peu parano, j’avais plutôt
trouvé bien ficelé Hatufim, la série israélienne
dont Homeland est en partie le remake.
Plus intimiste et axé sur le fait de reconstruire sa vie avec une famille qui a
tourné la page, mais pas inintéressant.