Le genre :
The Wall joyeux ? Space Jam dépressif ?
Le Congrès est à
ranger dans les expériences cinématographiques, voire dans les expériences
sensorielles, plutôt que dans les films. La recherche esthétique d’Ari Folman y
prend le pas sur tout le reste, notamment sur la stricte cohérence de son
intrigue, si tant est qu’on puisse parler d’intrigue. On est ici plus proche de
Mulholland Drive que d’un film
classique, le but étant de se laisser porter (ou non) par le visuel que de se
faire raconter une histoire.
Une histoire, le
Congrès en raconte pourtant une, ou plusieurs. Celle d’une Robin Wright
Penn, dans son propre rôle, qui vieillit et se voit proposer de moins et moins
de scénarios. Parce qu’elle a besoin de temps et d’argent pour s’occuper de son
fils malade, elle accepte d’être « scannée » par un studio. Elle sera
payée mais n’aura plus le droit de jouer, dans quoi que ce soit, ni sous aucune
forme et le studio la « possède » désormais, et peut faire tourner à
son double ce qu’il veut, excepté du « porno et des films sur le
nazisme » précise son contrat.
20 ans plus tard, Robin est invitée au congrès du studio,
qui veut même aller plus loin, et veut désormais permettre aux spectateurs
d’expérimenter sensoriellement Robin Wright. A ce congrès, les personnes ne
sont pas présentes physiquement, elles y accèdent dans une forme de transe
chimique collective. Dès lors, le film bascule dans l’animation. Ce n’est que
le début de la partie anticipation du film, sur une société où la réalité, trop
dure, a été remplacée par un état d’hallucination permanent, où chacun ne vit
plus que dans un fantasme qu’il crée, et où il peut être une fleur, Elvis,
voler…
A la relecture, ce résumé manque de clarté, mais comment
résumer un film que je n’estime pas avoir compris ? Ari Folman nous invite
à le suivre, et multiplie les ruses de construction, les mises en abyme, les
constructions imbriquées, sans jamais nous donner de clé sur ce qui est réel ou
non, tout en soutenant dans la seconde partie que l’imaginaire a supplanté le
réel. Ma foi, le postulat me convient, le film l’illustre et le suit, pourquoi
pas ?
La première partie, filmée, m’a évidemment paru plus
accessible, et réserve des moments de pure esthétique époustouflants. Le
personnage du fils y sert de clé. Une maladie lui fait progressivement perdre
la vue et l’ouïe, il vit dans un monde de pure association et recherche en
permanence la beauté dans le contraste. A l’inverse, Robin Wright y joue une
mère courage qui fait face à une double réalité très concrète, le besoin
d’argent et son propre vieillissement.
Dans une scène magnifique, et particulièrement cruelle, elle
doit jouer devant les flash qui la scannent, sous une lumière très crue, et peu
flatteuse, mais reminiscente des flashs de paparazzi, le versant sombre de la
célébrité. Elle ne pourra pas le faire, et ne pourra exprimer ses émotions, le
rire, les pleurs, le vide, que quand son agent lui racontera l’histoire
tragi-comique de sa vie. Le message est clair, le cinéma est, et doit rester, avant
tout un vecteur d’émotion.
La suite, 20 ans après, nous amène dans un monde où la
virtualité remplace peu à peu le réel, à coup de drogues, et bascule donc dans
le dessin animé. Le propos est nettement plus flou, une vague parabole sur l’évolution
vers un cinéma sensoriel, où chacun vivra les histoires qu’il veut avec les
acteurs qu’il veut, une réflexion sur l’artificialité et la violence. Le tout
est très joli visuellement, à la fois très cartoon et proche des dessins animés
de Moëbius (Les Maîtres du Temps)
voire des très cultes Clémentine ou les Mondes
Engloutis (mais si vous êtes nés après 1987, j’ai peur que les deux références
vous échappent un peu).
Par-ci, par-là des trouvailles visuelles, mais aussi des
idées totalement gratuites (l’aquarium aux poissons bites et poissons chattes),
un parti-pris mélancolique qui invite cela dit à se laisser porter, comme l’héroïne
se laisse guider par son démiurge/amant.
Elle décide finalement de regagner la
réalité après avoir été coincée vingt ans dans ce monde et y découvre des
hommes errants, les yeux dans le vague, tous emprisonnés dans leur vie rêvée,
et quelques résistants qui attendent la mort. Elle retournera alors dans le
monde des fantasmes, pour rêver la vie de son fils qu’elle a raté, ou plutôt
pour devenir ce que son fils aurait rêvé d’être. Un final très esthétique, et d’une
douloureuse mélancolie, sur le fait de passer à côté de ceux que l’on aime, à
mon sens.
Mais bon, je ne vais pas plus loin, ça fait déjà dix jours
que je me torture, je ne sais définitivement pas ce que j’ai pensé de ce film. A la fois trop délirant dans ses parti-pris et éblouissant, non maîtrisé et d'une technicité éblouissante, émouvant et fatigant...Bref,
à voir, ne serait-ce que pour l’expérience et pour l’ambition.
La minute sériephile :
sans vouloir enfoncer le clou, si vous êtes un enfant des années 80 (élevé par
des femmes), pour vous Robin Wright n’est ni l’égérie de Cassavetes junior, ni
la femme de Sean Penn, ni même Princess Bride. C’est Kelly Capwell, de Santa
Barbara, un mirage blond avec des robes à épaulette, apparaissant dans le
nuage de laque et la lumière diaphane propre aux soaps des 80's.
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