vendredi 26 juillet 2013

Le Congrès, OVNI magnifique et grotesque





Le genre : The Wall joyeux ? Space Jam dépressif ?

Le Congrès est à ranger dans les expériences cinématographiques, voire dans les expériences sensorielles, plutôt que dans les films. La recherche esthétique d’Ari Folman y prend le pas sur tout le reste, notamment sur la stricte cohérence de son intrigue, si tant est qu’on puisse parler d’intrigue. On est ici plus proche de Mulholland Drive que d’un film classique, le but étant de se laisser porter (ou non) par le visuel que de se faire raconter une histoire.

Une histoire, le Congrès en raconte pourtant une, ou plusieurs. Celle d’une Robin Wright Penn, dans son propre rôle, qui vieillit et se voit proposer de moins et moins de scénarios. Parce qu’elle a besoin de temps et d’argent pour s’occuper de son fils malade, elle accepte d’être « scannée » par un studio. Elle sera payée mais n’aura plus le droit de jouer, dans quoi que ce soit, ni sous aucune forme et le studio la « possède » désormais, et peut faire tourner à son double ce qu’il veut, excepté du « porno et des films sur le nazisme » précise son contrat.

20 ans plus tard, Robin est invitée au congrès du studio, qui veut même aller plus loin, et veut désormais permettre aux spectateurs d’expérimenter sensoriellement Robin Wright. A ce congrès, les personnes ne sont pas présentes physiquement, elles y accèdent dans une forme de transe chimique collective. Dès lors, le film bascule dans l’animation. Ce n’est que le début de la partie anticipation du film, sur une société où la réalité, trop dure, a été remplacée par un état d’hallucination permanent, où chacun ne vit plus que dans un fantasme qu’il crée, et où il peut être une fleur, Elvis, voler…

A la relecture, ce résumé manque de clarté, mais comment résumer un film que je n’estime pas avoir compris ? Ari Folman nous invite à le suivre, et multiplie les ruses de construction, les mises en abyme, les constructions imbriquées, sans jamais nous donner de clé sur ce qui est réel ou non, tout en soutenant dans la seconde partie que l’imaginaire a supplanté le réel. Ma foi, le postulat me convient, le film l’illustre et le suit, pourquoi pas ?

La première partie, filmée, m’a évidemment paru plus accessible, et réserve des moments de pure esthétique époustouflants. Le personnage du fils y sert de clé. Une maladie lui fait progressivement perdre la vue et l’ouïe, il vit dans un monde de pure association et recherche en permanence la beauté dans le contraste. A l’inverse, Robin Wright y joue une mère courage qui fait face à une double réalité très concrète, le besoin d’argent et son propre vieillissement.

Dans une scène magnifique, et particulièrement cruelle, elle doit jouer devant les flash qui la scannent, sous une lumière très crue, et peu flatteuse, mais reminiscente des flashs de paparazzi, le versant sombre de la célébrité. Elle ne pourra pas le faire, et ne pourra exprimer ses émotions, le rire, les pleurs, le vide, que quand son agent lui racontera l’histoire tragi-comique de sa vie. Le message est clair, le cinéma est, et doit rester, avant tout un vecteur d’émotion. 

La suite, 20 ans après, nous amène dans un monde où la virtualité remplace peu à peu le réel, à coup de drogues, et bascule donc dans le dessin animé. Le propos est nettement plus flou, une vague parabole sur l’évolution vers un cinéma sensoriel, où chacun vivra les histoires qu’il veut avec les acteurs qu’il veut, une réflexion sur l’artificialité et la violence. Le tout est très joli visuellement, à la fois très cartoon et proche des dessins animés de Moëbius (Les Maîtres du Temps) voire des très cultes Clémentine ou les Mondes Engloutis (mais si vous êtes nés après 1987, j’ai peur que les deux références vous échappent un peu).
Par-ci, par-là des trouvailles visuelles, mais aussi des idées totalement gratuites (l’aquarium aux poissons bites et poissons chattes), un parti-pris mélancolique qui invite cela dit à se laisser porter, comme l’héroïne se laisse guider par son démiurge/amant. 

Elle décide finalement de regagner la réalité après avoir été coincée vingt ans dans ce monde et y découvre des hommes errants, les yeux dans le vague, tous emprisonnés dans leur vie rêvée, et quelques résistants qui attendent la mort. Elle retournera alors dans le monde des fantasmes, pour rêver la vie de son fils qu’elle a raté, ou plutôt pour devenir ce que son fils aurait rêvé d’être. Un final très esthétique, et d’une douloureuse mélancolie, sur le fait de passer à côté de ceux que l’on aime, à mon sens.

Mais bon, je ne vais pas plus loin, ça fait déjà dix jours que je me torture, je ne sais définitivement pas ce que j’ai pensé de ce film. A la fois trop délirant dans ses parti-pris et éblouissant, non maîtrisé et d'une technicité éblouissante, émouvant et fatigant...Bref, à voir, ne serait-ce que pour l’expérience et pour l’ambition.

La minute sériephile : sans vouloir enfoncer le clou, si vous êtes un enfant des années 80 (élevé par des femmes), pour vous Robin Wright n’est ni l’égérie de Cassavetes junior, ni la femme de Sean Penn, ni même Princess Bride. C’est Kelly Capwell, de Santa Barbara, un mirage blond avec des robes à épaulette, apparaissant dans le nuage de laque et la lumière diaphane propre aux soaps des 80's.

La minute geek : dans le genre expérience sensorielle et réflexion formelle sur le cinéma, vous regarderez la Jetée de Chris Marker de ma part. Même scénario que l’Armée des 12 singes, qui n’en est que le remake, mais en 20 minutes et avec uniquement des images fixes et une voix off. Bouleversant :  http://www.youtube.com/watch?v=_LLYrQndqhc

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