mercredi 31 juillet 2013

Pacific Rim, le film que tu as joué 1000 fois dans ta chambre



  

Le genre : film de robots qui tabassent des dinosaures qui ravira les fans de films de robots qui tabassent des dinosaures

Lors de la pré-projection presse, il y a quelques mois, je me souviens de l’un des critiques qui affirmait qu’il s’était senti de nouveau comme un gamin de 8 ans devant ce film, ébloui et comblé. Je ne peux pas lui donner totalement tort. Il y a dans Pacific Rim quelque chose de visuellement et auditivement jouissif pour quiconque a été petit garçon. Le bruit du métal, la lourdeur du pas des robots, le choc des coups , on l’a tous imaginé en jouant dans nos chambres. L’idée même de pouvoir ramasser un cargo comme une branche et de le balancer à la tête d’un dinosaure aussi facilement est typique du jeu d'enfant (c’était d’ailleurs le concept même du jeu d’arcade Rampage, jouissif quoique débile).

Le scénario est simple, pour ne pas dire mince. Un jour, par une faille vers une autre dimension dans le Pacifique, surgissent des monstres. Pour se défendre, l’humanité crée des robots géants pour les savater. Pour chaque robot, il faut deux pilotes, liés par une interface entre leurs cerveaux. Round 1, fight.

On pourra évidemment reprocher à Guillermo Del Toro, d’habitude plutôt fin dans l’écriture de ses personnages, assez attaché au non-dit et au détail qui permet de comprendre, d’avoir ici écrit ses personnages au hachoir, et de toujours tout expliquer dans des dialogues de plomb, farcis de vannes assez débiles. Nous dirons que c’est le genre qui veut ça.

L’ouverture spectaculaire pose les héros. Ouin, ouin, le gentil pilote a perdu son co-pilote et frère (dans une séquence spectaculaire, il faut le reconnaître) et le chef va devoir venir le rechercher, en mode "vous êtes un fou, mais j’ai besoin d’un fou pour mener cette mission de fou". S’en suit une exposition de personnages archétypaux au possible , les russes catcheurs pilotent un robot massif, les chinois acrobates pilotent un robot agile et rapide (certainement un peu fourbe aussi, mais le film ne le précise pas).

Parmi les autres personnages, les scientifiques sont des geeks associaux mais pleins de courage, le rival du héros a un complexe patent vis-à-vis de son père, et la bonnasse, pilote potentielle, a un mystérieux lien trouble avec le chef du programme. Je précise que s’il vous reste environ un neurone, vous comprenez assez vite la nature de ce lien, tant le film est subtil. Si vous ne comprenez pas, ne vous inquiétez pas, un bon flash-back et 10 minutes de dialogues vous expliqueront ce qui tient en une phrase : c’est sa fille adoptive, il ne veut pas l’envoyer en première ligne.

Avec une certaine pointe d'ironie, voire un côté branleur très assumé, Del Toro se permet d'ailleurs à quelques reprises de se foutre ouvertement de ses personnages en carton, quand Idriss Elba, après deux heures de film dit à un des personnages qu'il est finalement très prévisible et simple à comprendre, puisque sa seule caractéristique est son conflit avec son père. C'est effectivement le cas, mais c'est rare de l'admettre aussi frontalement. Il se permet aussi des allusions complètement absurde à ses propres films, notamment par un retour de la chaussure à bride rouge pour petite fille. Histoire de faire semblant de donner de la personnalité à son gros film de commande ? Le mystère reste entier.
 
Je pourrais m’étendre à loisir sur le plaisir de gamin que procurent les combats, invraisemblables en gigantisme, et durant lesquels les robots sortent au hasard toutes sortes d’armes de leurs bras, en fonction des besoins du scénario (épée, canon à plasma, ailes, moulin à poivre, enclume...), le tout pour savater violemment les kaijus, que je continuerai ici à appeler des dinosaures. Mentions spéciales au shampooing à coup de conteneurs de cargo et à l’usage créatif des systèmes de refroidissement.

Je pourrais aussi évoquer le fait que ce film est un hommage à un cinéma de genre, le film japonais de kaïju, précisément, type Godzilla, qui trouve ici ses lettres de noblesse. Le problème c'est que je ne le pense pas. Les films de kaïju trouvent ici leurs lettres de blockbusterisation, qui leur permettent de dépasser la série Z, mais ce n’est pas non plus du grand art, malgré de jolis plans contemplatifs sur la pluie. Enfin... contemplatifs si on fait abstraction des deux monstres qui se castagnent à 120db.

Je ne vois cependant pas trop l’intérêt de m’étendre. Si vous avez eu 8 ans et que vous avez aimé GIJoe ou Transformers, au premier, second ou millième degré, allez-y les yeux fermés. Sinon, et bien dites-vous au moins que vous serez au frais pendant 2 heures et demi. Par contre, pour la sieste, c’est mort.

La minute sériephile : j’ai lu par-ci par-là que certains trouvaient les scènes de nudité de Charlie Hunnam un peu gratuites. On peut effectivement se demander pourquoi, dès qu’il n’est pas dans son robot, ce garçon sort de sa douche. C’est un peu oublier qu’être beau, avant Sons of Anarchy, c’était un petit peu la fonction de Charlie Hunnam dans ses aventures télés, notamment en Nathan, le lycéen gay et irrésistible dont l’arrivée bouleverse la vie des héros dans la version originale de Queer As Folks, puis en caution beau gosse et étranger de Undeclared. Je ne m’en plains pas, loin de là, c’est un simple constat.

La minute geek : l’un des deux savants geek, Burn Gorman est issu de la série Torchwood. Pas la meilleure série du monde, excepté son excellente saison 3, dont il est absent, mais regardable. De la SF souvent mélancolique.

vendredi 26 juillet 2013

Le Congrès, OVNI magnifique et grotesque





Le genre : The Wall joyeux ? Space Jam dépressif ?

Le Congrès est à ranger dans les expériences cinématographiques, voire dans les expériences sensorielles, plutôt que dans les films. La recherche esthétique d’Ari Folman y prend le pas sur tout le reste, notamment sur la stricte cohérence de son intrigue, si tant est qu’on puisse parler d’intrigue. On est ici plus proche de Mulholland Drive que d’un film classique, le but étant de se laisser porter (ou non) par le visuel que de se faire raconter une histoire.

Une histoire, le Congrès en raconte pourtant une, ou plusieurs. Celle d’une Robin Wright Penn, dans son propre rôle, qui vieillit et se voit proposer de moins et moins de scénarios. Parce qu’elle a besoin de temps et d’argent pour s’occuper de son fils malade, elle accepte d’être « scannée » par un studio. Elle sera payée mais n’aura plus le droit de jouer, dans quoi que ce soit, ni sous aucune forme et le studio la « possède » désormais, et peut faire tourner à son double ce qu’il veut, excepté du « porno et des films sur le nazisme » précise son contrat.

20 ans plus tard, Robin est invitée au congrès du studio, qui veut même aller plus loin, et veut désormais permettre aux spectateurs d’expérimenter sensoriellement Robin Wright. A ce congrès, les personnes ne sont pas présentes physiquement, elles y accèdent dans une forme de transe chimique collective. Dès lors, le film bascule dans l’animation. Ce n’est que le début de la partie anticipation du film, sur une société où la réalité, trop dure, a été remplacée par un état d’hallucination permanent, où chacun ne vit plus que dans un fantasme qu’il crée, et où il peut être une fleur, Elvis, voler…

A la relecture, ce résumé manque de clarté, mais comment résumer un film que je n’estime pas avoir compris ? Ari Folman nous invite à le suivre, et multiplie les ruses de construction, les mises en abyme, les constructions imbriquées, sans jamais nous donner de clé sur ce qui est réel ou non, tout en soutenant dans la seconde partie que l’imaginaire a supplanté le réel. Ma foi, le postulat me convient, le film l’illustre et le suit, pourquoi pas ?

La première partie, filmée, m’a évidemment paru plus accessible, et réserve des moments de pure esthétique époustouflants. Le personnage du fils y sert de clé. Une maladie lui fait progressivement perdre la vue et l’ouïe, il vit dans un monde de pure association et recherche en permanence la beauté dans le contraste. A l’inverse, Robin Wright y joue une mère courage qui fait face à une double réalité très concrète, le besoin d’argent et son propre vieillissement.

Dans une scène magnifique, et particulièrement cruelle, elle doit jouer devant les flash qui la scannent, sous une lumière très crue, et peu flatteuse, mais reminiscente des flashs de paparazzi, le versant sombre de la célébrité. Elle ne pourra pas le faire, et ne pourra exprimer ses émotions, le rire, les pleurs, le vide, que quand son agent lui racontera l’histoire tragi-comique de sa vie. Le message est clair, le cinéma est, et doit rester, avant tout un vecteur d’émotion. 

La suite, 20 ans après, nous amène dans un monde où la virtualité remplace peu à peu le réel, à coup de drogues, et bascule donc dans le dessin animé. Le propos est nettement plus flou, une vague parabole sur l’évolution vers un cinéma sensoriel, où chacun vivra les histoires qu’il veut avec les acteurs qu’il veut, une réflexion sur l’artificialité et la violence. Le tout est très joli visuellement, à la fois très cartoon et proche des dessins animés de Moëbius (Les Maîtres du Temps) voire des très cultes Clémentine ou les Mondes Engloutis (mais si vous êtes nés après 1987, j’ai peur que les deux références vous échappent un peu).
Par-ci, par-là des trouvailles visuelles, mais aussi des idées totalement gratuites (l’aquarium aux poissons bites et poissons chattes), un parti-pris mélancolique qui invite cela dit à se laisser porter, comme l’héroïne se laisse guider par son démiurge/amant. 

Elle décide finalement de regagner la réalité après avoir été coincée vingt ans dans ce monde et y découvre des hommes errants, les yeux dans le vague, tous emprisonnés dans leur vie rêvée, et quelques résistants qui attendent la mort. Elle retournera alors dans le monde des fantasmes, pour rêver la vie de son fils qu’elle a raté, ou plutôt pour devenir ce que son fils aurait rêvé d’être. Un final très esthétique, et d’une douloureuse mélancolie, sur le fait de passer à côté de ceux que l’on aime, à mon sens.

Mais bon, je ne vais pas plus loin, ça fait déjà dix jours que je me torture, je ne sais définitivement pas ce que j’ai pensé de ce film. A la fois trop délirant dans ses parti-pris et éblouissant, non maîtrisé et d'une technicité éblouissante, émouvant et fatigant...Bref, à voir, ne serait-ce que pour l’expérience et pour l’ambition.

La minute sériephile : sans vouloir enfoncer le clou, si vous êtes un enfant des années 80 (élevé par des femmes), pour vous Robin Wright n’est ni l’égérie de Cassavetes junior, ni la femme de Sean Penn, ni même Princess Bride. C’est Kelly Capwell, de Santa Barbara, un mirage blond avec des robes à épaulette, apparaissant dans le nuage de laque et la lumière diaphane propre aux soaps des 80's.

La minute geek : dans le genre expérience sensorielle et réflexion formelle sur le cinéma, vous regarderez la Jetée de Chris Marker de ma part. Même scénario que l’Armée des 12 singes, qui n’en est que le remake, mais en 20 minutes et avec uniquement des images fixes et une voix off. Bouleversant :  http://www.youtube.com/watch?v=_LLYrQndqhc

lundi 15 juillet 2013

World War Z, série Z à budget



 

Le genre : film catastrophe où on croise quelques zombies

Préambule : il faut tout de suite dire que le livre et le film entretiennent un rapport plutôt tenu. Brad Pitt, qui en a racheté les droits, s’est surtout servi du nom pour son impact marketing, mais n’a gardé que la thématique générale, certaines idées, et le nom du personnage. La construction est différente (une série d’interviews dans le livre, contre une histoire « classique » centrée sur un héros dans le film), le braquet n’est pas le même (dans le film on suit le héros qui tente de trouver un remède, là où le roman embrasse les causes, la guerre elle-même et les bouleversements géopolitiques qui s’en sont suivis sur plus de 10 ans) et la conception du zombie n’est pas la même (marcheur dans le roman, Usaïn Bolt dans le film). 

Les deux ne sont pas vraiment comparables, et je ne le ferai donc pas (ou peu). Je dirai simplement que le film est trop classique, là où le roman présentait une vision et un traitement nettement plus original que d’habitude.

World War Z, donc. Sur un postulat classique, Marc Forster nous propose un film de zombie souvent impressionnant, mais curieusement désincarné. Son introduction sur fond de chaîne d’info laisse supposer un vague message développement durable, les zombies comme métaphore de notre mauvaise utilisation de ressources limitées, mais il abandonne très vite la piste pour se concentrer sur l’action, comme il le faisait d’ailleurs dans Quantum of Solace.

Le film est indéniablement efficace et offre quelques scènes très impressionnantes. Les zombies sont ici une marée humaine, qui court en direction des humains, une vague quasiment irrépressible. Les scènes à Jérusalem sont particulièrement prenantes et, pour une fois, permettent de saisir réellement en quoi une ville classique ne peut tout simplement pas faire face, même fortifiée, à une invasion de ce type. Marc Forster use et abuse des vues d’hélicoptères, mais c’est un angle plutôt rare dans le film de zombie, et qui correspond ici assez légitimement à la vision désespérée du film.

Pour le scénario, en revanche, personne ne s’est trop foulé, on reste dans les poncifs du genre. Gerry Lane, incarné Brad Pitt est un genre de top enquêteur de l’ONU, à qui l’on demande de trouver la cause du virus. Il va donc déjà s’échapper d’une New York paniquée avec sa famille, puis parcourir le monde. 

L’échappée de NY donne lieu à des scènes assez classiques de panique puis de fuite, dans des immeubles mal éclairés et grouillant de zombies. La suite nous emmène en Corée du Sud, puis à Jérusalem à Cardiff, dans une série d’aventures quasiment pensées comme des missions de jeu vidéo, où, pour atteindre l’objectif, il est toujours nécessaire de traverser un bâtiment rempli de zombies. Efficace en Corée, avec son lot de sacrifices héroïques, très impressionnant à Jérusalem par son côté « ouverture des soldes aux Galeries Lafayette », passage par une mission en avion pas mal foutue, puis final en mode « action infiltration » type Splinter Cell à Cardiff, l’ensemble est un peu décousu, mais se laisse regarder.

Je n’ai cela dit pas pu m’empêcher de tiquer sur le côté invraisemblable, à la Tintin, de ces aventures…Ça tombe bien le héros et sa pote sont les seuls à survivre au crash d’un A320, et puis ça tombe encore mieux, l’endroit auquel ils voulaient aller est accessible à pied depuis le site du crash… C’est l’un des points faibles du film, ce héros inoxydable digne des années 90, dont on sait qu’il ne peut rien lui arriver de grave, ni à lui, ni à sa famille. Face à la quasi-absence d’enjeu dramatique, le film ne propose qu’un suspens très limité, et ne suscite pas du tout le sentiment de panique et de malaise que la chute de l’humanité devrait en principe engendrer. 

Sur le plan narratif, le film est au fond beaucoup plus proche du film catastrophe type 2012 que du un film de zombie. Globalement, dès que le scénario présente une complexité, un truc invraisemblable la contourne. Ce qui place le film dans une position un peu délicate, puisqu’il s’éloigne du coup du réalisme confiné de mise depuis l’Armée des Morts ou encore Walking Dead, mais aussi de la dimension épique du roman, qu’il prétend toutefois atteindre. Ici, notamment, point de batailles contre les zombies, excepté à Jérusalem. Je sais, j’avais dit que ne parlerais pas du roman. Mais, le problème ici, c’est que la notion de World War passe un peu à la trappe, ce qui est dommage, dans la mesure où le film veut précisément se démarquer du classique schéma classique du groupe de survivants assiégés.

Curieusement, mais c’est peut-être parce que je l’ai vu dans une salle française, et que le public parisien est ricaneur, mais le film ne manque pas d’un certain humour souvent involontaire (ah ! la scène de l’accident du virologiste, une péripétie tellement idiote qu’on ne comprend même pas la raison d’être du personnage), notamment quand les zombies trébuchent, se jettent dans le vide façon Lemmings, ou donnent des coups de tête dans les murs, sans raison apparente.

Bref, efficace, très pop-corn, mais pas très ambitieux, ni très original. Bien fait, mais on peut se dispenser d’aller voir au ciné, en 3D totalement inutile. Un bon film à regarder affalé chez soi un lendemain de cuite devant un Mcdo salvateur.

La minute sériephile : le pauvre Grégory Fitoussi est au casting de ce film en pilote militaire, plutôt de la figuration qu’autre chose. Dans ses trois scènes, il est majoritairement sous-éclairé, au point que je ne l’ai pas reconnu avant la dernière, la seule en journée. Quand on voit enfin sa tête, il sort sa réplique, décolle vers d’autres cieux, puis quitte le film. Un peu comme dans GI Joe en somme. Alors qu’il est très bon dans Engrenages. Si vous n’avez pas encore vu ça, regardez les deux premières saisons, les meilleures, même si les 2 suivantes ne sont pas mal non plus. J’ajoute pour les plus minettes d’entre vous qu’il jouait également Ben dans Sous le Soleil. Comme quoi, une carrière entre télé et ciné, ça n’a pas l’air facile facile.

La minute geek : Peter Capaldi, ici en docteur de l’OMS mérite d’être vu en Dir Cab du Premier Ministre dans Torchwood et aussi en Malcolm Tucker, l’odieux Directeur de la Comm du Premier Ministre dans The Thick of It, bien entendu. Les deux rôles lui vont à merveille, l’un dans la retenue, l’autre dans l’outrance verbale à accent écossais ! Ici, il n’insulte ni ne trahit personne. C’est bien dommage.