Le genre: mélanger La Taupe et Ironman, ça ne marche pas
Je sais bien que l’idée du film était d’aller plus loin dans
la psychologie du personnage, de creuser un peu Bond pour voir qui il est, quelle
est la nature de son rapport avec M. Donc le choix de Sam Mendes, pour un film
plus psychologique, se tient. Le problème, c’est qu’un Bond, c’est un Bond, ce
qui implique de mettre de l’action dedans, et ça, Sam Mendes n’est pas super à
l’aise avec. Du coup, Skyfall est un film qui se laisse regarder, mais manque
un peu d’unité.
Du côté des plus du film, il y a indéniablement la poursuite
de la réflexion sur le personnage de James Bond, initiée dans Casino Royale mais laissée de côté dans Quantum of Solace. Plus qu’une réflexion
sur James Bond en soi, l’enjeu est plutôt de comprendre comment James Bond s’insère
dans un contexte d’évolution des menaces. Cette partie est réussie, avec un
Daniel Craig convainquant en James Bond qui se sent un peu vieillir, mais pense
que les bonnes vieilles méthodes sont les bonnes, et dont le principal gadget
dans ce film sort tout droit des années 60 (bel hommage, d’ailleurs à Goldfinger ). Pareil pour la prestation de Judi Dench devant une ministre
jeune et agressive, à qui elle explique que, plus que jamais, un Bond qui se
bat dans l’ombre est nécessaire, contre un ennemi qui n’évolue que dans l’ombre.
L’autre bonne idée du film, c’est Q. Dans la même veine
rétro, mais avec la même distanciation, Bond découvre incrédule découvre un
nouveau Q, très jeune, très geek, un peu dépassé, plus hacker que créateur de
gadget, selon lui démodés face à l’informatique. C’est d’ailleurs l’un des
thèmes clés du film, à savoir un Bond a-t-il encore sa place pour lutter contre
des cyber-terroristes. Le film apporte sans surprise la même réponse que Die Hard 4, le cyber terroriste, une
fois qu’il n’est pas derrière son ordi, on peut lui péter la gueule.
Javier Bardem aussi est un atout. Son personnage de méchant
détonne un peu dans la galerie habituelle, notamment par son ironie. Son ton et
son jeu sont clairement un rappel amusé et parodique des phrases
grandiloquentes des méchants habituels, et Sam Mendes va un peu plus loin que d’habitude
dans la relation haine/fascination des méchants pour Bond, en y incluant une dose
assumée d’ambigüité sexuelle. Autre élément intéressant, c’est le seul
personnage dont les thèmes musicaux sont intra diégétiques (oh, une résurgence
de prépa littéraire !). Les musiques qui l’accompagnent ne font pas partie
de la bande son du film, ce sont des musiques jouées par des haut-parleurs à l’endroit
où il se trouve, et donc choisies par le personnage. Toutes sont autour du
thème de l’explosion, avec des choix décalés, comme Boum de Charles Trenet. Une astuce qui ne fait que renforcer la
théâtralité assumée de Silva.
Là où je commence à être plus mitigé, c’est sur la fameuse
dimension freudienne du film, le rapport à M. Une des bonnes idées est de jouer
en permanence sur la proximité phonique entre Ma’am et Mom, et de faire de Judi
Dench la mère de substitution des agents. Elle convient d’ailleurs dans le film
que les orphelins sont les meilleures recrues, et admet donc qu’elle est
consciente de cette dimension dans son pouvoir sur les agents. Mais elle dirige
aussi un service secret et doit prendre des décisions rationnelles, en s’affranchissant
totalement de ce rôle de mère. C’est une de ces décisions qui va « créer »
le méchant, et pourrait faire basculer Bond. Malheureusement, le film refuse d’aller
vraiment sur ce terrain, et n’explore pas la raison qui fait que qu’une
décision comparable va faire de Silva un terroriste mais n’aura pas d’impact
sur la loyauté de James Bond. Quelle est foncièrement la différence entre les
deux, c’est une question à laquelle le film n’apporte pas de réponse, et c’est
bien dommage. Le méchant finit d’ailleurs par y perdre beaucoup de sa substance
pour virer au ridicule le plus complet.
Les scènes d’action aussi souffrent un peu. Là où Casino
Royale était plutôt dans l’économie, choix judicieux, on sent une tentative un
peu ratée de retour vers du Bond à grand spectacle. La scène d’ouverture à Istanbul
est indéniablement réussie, spectaculaire et drôle, mais le reste est moins
maîtrisé, notamment le final, en demie-teinte et qui, au lieu de monter en
puissance, tend à faiblir progressivement. Une des scènes à Shangaï s’appuie
sur un joli effet de lumière, mais elle ne rattrape pas le reste, notamment le
manque d’intérêt des autres morceaux de bravoure attendus, à Macao puis à
Londres.
Le film continue à placer ses pions dans le reboot de James
Bond, le nouveau Q, la réapparition de Moneypenny, mais il va falloir faire un
choix clair. Soit la franchise se rapproche des Bourne, dans une tonalité plus
noire et plus réaliste, soit elle retourne vers les Bond originaux, plus
délirants et plus élégants, mais elle doit prendre une route claire. Mettre
plus de profondeur dans Bond, pourquoi pas, mais il ne faut pas oublier que c’est
essentiellement une franchise de divertissement. Skyfall prouve que tenter de ménager la chèvre et le chou, ça ne fonctionne pas sur la
durée.
La minute geek: c'est peut être moi, mais la scène d'action où des hauts parleurs crachotant jouent du Trenet dans une ville abandonnée m'a beaucoup, beaucoup fait penser aux intros de Fallout.
La minute du sériephile: Là encore, pas grand chose à se mettre sous la dent. Parlons plutôt du putatif prochain James Bond, qui serait Idriss Elba. Si quelqu'un doute de sa capacité à jouer James Bond, je lui suggère de regarder Luther, où il joue la violence avec une britishitude bluffante, même la cravate dénouée.
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