lundi 8 octobre 2012

Killer Joe, un film à vous dégoûter du KFC, si ce n'est pas déjà le cas...




Il y a des films, comme ça, qu’on ne regrette pas d’avoir vu. Pour leur bizarrerie, leur improbabilité. On en sort sans savoir si on a aimé, mais au moins, c’est quelque chose qu’on ne voit pas tous les jours. Je pense que le dernier film qui m’avait laissé cette forte impression était Barracuda de Philippe Haïm, ou peut-être Ken Park de Larry Clark. Ce film dont on sort content d’avoir vu quelque chose de fort, mais où on a quand même furieusement envie de prendre une douche et d’oublier. Ou de regarder un bon vieux Gérard Oury, avec des cascades de Rémy Julienne.

Que dire de Killer Joe, à part que c’est un film à la fois éprouvant et qui prend au dépourvu. L’intrigue en est simple, dans la veine des films noirs de loser type Fargo. Chris est un abruti, il doit 6 000 dollars à un caïd local. Pour les trouver, il décide de faire appel à un flic pourri pour tuer sa mère et toucher les 50 000 dollars d’assurance vie. En caution, le flic demande la petite sœur vierge de 18 ans, ce que toute la famille s’empresse d’accepter, en se disant qu’à son âge, avoir un mec ne lui ferait pas de mal. Ambiance.

Assez curieusement, on attend précisément d’une histoire pareille, qui se passe au Texas, une ambiance moite, un peu suffocante, proche d’un Tennessee Williams. L’un des personnages dira d’ailleurs qu’un des aspects positifs du Texas, c’est d’ailleurs qu’il y fait beau. Et pourtant, cette ambiance, Friedkin décide de la désarmer dès l’ouverture. Il ne fait pas lourd, l’orage a déjà éclaté, dès le premier plan. Ce sera donc un Texas sous une pluie battante de nuit, et une lumière grise de jour. Déroutant.
Déroutante aussi, la façon dont le flic, le fameux Killer Joe s’installe dans la vie de la famille. Tant qu’il n’aura pas été payée, Dottie est à lui, il s’installe donc dans la maison familiale, boit des bières avec le père, sans que personne n’y trouve rien à redire. Le parallèle avec La nuit du chasseur est assez évident, cet homme qui n’est pas ce qu’il prétend, sa violence prête à exploser, l’intrusion dans la vie de la famille…

Le film prend malgré tout une direction radicalement différente. Peut-être est dû au fait que, contrairement au prêcheur Powell, dont le spectateur sait l’hypocrisie, le personnage de Joe est plus ambigu, probablement vraiment amoureux de la jeune fille. Fou à lier, ultra-violent et instable, mais poussé par un amour sincère.
C’est là l’ambiguïté de Friedkin. Dans un monde qui a perdu ses repères, Joe en a conservé, malgré tout, malgré sa perversité. Les deux scènes qui tournent autour de la table de dîner sont les deux moments clés du film : le désir du retour à une normalité fantasmée de l’american way of life, qui n’est plus possible. Et contrairement à La nuit du chasseur, la famille qu’il intègre ne peut pas représenter l’innocence. Sympathiques, mais menteurs, égoïstes, lâches, assassins, et surtout complètement abrutis. 

Le plus dérangeant de ce film, c’est probablement sa façon d’osciller en permanence entre l’humour de ses personnages, Joe et le caïd local en tête, mais aussi le père, qui se sait idiot et dépassé par les événements, et une violence qui peut exploser à tout moment, et souvent de façon très visuelle et particulièrement choquante. Plusieurs scènes sont à la limite du soutenable, notamment une scène qui mélange de façon ahurissante tabassage, fellation et seau de poulet du KFC. Ambiance, bis.

L’interprétation est impeccable. Mc Conaughey est formidable et donne à Joe toute sa folie, en étant remarquablement dans la retenue. Nonchalant, indéniablement élégant et traînant comme son accent, mais toujours prêt à craquer, en permanence à la marge. Thomas Haden Church est parfait en père raté dont même le costume pour l’enterrement ne tient plus. Juno Temple en lolita qui ne cherche au fond qu’à fuir ce trou et ne cachera jamais dans le film le fait que sa fragilité cache un potentiel de violence inouï est aussi perverse que son amant Joe.

Malgré des qualités évidentes, d’interprétation, de construction, et un impact visuel clair, je reste toutefois un peu perplexe. Killer Joe est incontestablement un film fort, mais dont le voyeurisme de certaines scènes est beaucoup trop poussé et dérangeant, sans forcément servir le propos. Je ne peux cela dit pas dire que je n’ai pas aimé, je me plains suffisamment du manque d’ambition des films... Et moi qui n'aime pas les happy end, je suis servi. Ou pas. C'est à débattre. Ce film finit-il bien ?

La minute geek : Thomas Haden Church jouait évidemment l’Homme de Sable dans Spiderman 3, mais autre chose m’a attiré l’œil. Dans un genre plus sale, Juno Temple joue avec un brio incomparable Anne d’Autriche dans la dernière version sortie des 3 Mousquetaires. Somptueux film en costume où les vaisseaux de ligne du XVIIème volent et se tirent dessus au lance-flammes, tout ça grâce à Léonard de Vinci. Un film dont la scène d’ouverture est quasiment un hommage à Assassin’s Creed 2. 

La minute du sériephile : celle-là, sans l’aide précieuse d’imdb elle n’était pas possible. Le héros Emile Hirsch me disait quelque chose, mais en plus jeune et dans un truc un peu inavouable. J’ai retrouvé, c’est le prodige des échecs dans l’invraisemblable cross-over entre Profiler et le Caméléon. Un truc clairement marqué la trilogie du samedi de M6, quoi.

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