mardi 31 janvier 2017

La La Land, bla bla land






La La Land, beaucoup trop long et singulièrement sans rythme. Les cinq premières minutes sont cool, comme les cravates de Ryan, cela dit.

La La Land s’ouvre majestueusement, il faut le reconnaître, sur une scène extrêmement réussie, pleine d’énergie et qui fait un très bel hommage à l’usine à rêve qu’est Hollywood. Malheureusement, le film ne suit pas et déroule péniblement sa réflexion faiblarde sur les illusions perdues de son couple de héros, une aspirante actrice et un aspirant musicien.

Globalement, le film ne gagne de l'intérêt que dans quelques rares vraies réussites comiques dans les dialogues, notamment dans la fête 80’s. Mais le tout est invraisemblablement long, pour une histoire dans laquelle on ne rentre pas. En donnant un emballage musical sucré à son histoire vue et revue de couple qui se délite et doit choisir entre poursuivre sa carrière ou sa relation, Chazelle a du se sentir d’une folle modernité, mais rien ne fonctionne.

Sur la forme, pour commencer, sa comédie musicale est mal pensée. Au bout de dix minutes, dès le deuxième numéro chanté, un malaise diffus s'installe.  C’est cinq minutes après, au troisième numéro chanté, qu'on comprend. Avec ses trois numéros en plan sequence qui se suivent, Chazelle vient de te servir 15 minutes de lipdub. Comme le Medef en 2008... Passé ces 20 minutes, estimant certainement avoir fait le job, il se contente ensuite de solos pénibles et de duos atones. Sauf pour la fin, mais quand cette scène arrive, on est déjà entrain de jouer à Candy Crush ou de répondre à ses mails pro en retard.

Ensuite, le couple star pose un vrai problème. Aussi élégant que soient Gosling  et sa très belle collection de cravates à motifs asymétriques, lui n'offre en guise de jeu que sa neutralité (ou son incapacité à faire passer une émotion, pourrait-on dire pour être méchant) habituelle, ce qui pouvait à la rigueur se justifier dans Drive, moins ici, d'autant qu’Emma Stone en fait des caisses pour compenser. Leurs duos de danse et de chant manquent totalement de sincérité et de grâce, au point du ridicule, avec le fameux envol dansé. Ce qui devait être le point d’orgue romantique ne fait que rappeler en contrepoint cruel tout le charme de cette même idée en fin d’Everybody Says I love You de Woody Allen.

En bon représentant d'une forme de culture moderne selon laquelle toute ironie est un gage de qualité intellectuelle, la proposition de La La Land se résume à filmer une histoire triste avec un filtre Instagram acidulé donc ironique. Ca va cinq minutes, pas deux heures huit, d'autant que même la reflexion du film sur le combat entre les puristes et ceux qui transmettent leur passion en l'adaptant au goût du jour n'a aucun sens. Elle est tout simplement inepte dans la mesure où son intrigue donne raison à son personage de puriste, tout en faisant, en tant que film, très exactement l'autre choix. Le tout pour aboutir à un happy end de téléfilm de l’après-midi sur M6 sur le thème « si on croit en ses rêves, ça marchera ».  

Quand au bout de deux heures de mort cérébrale, on arrive justement à la conclusion, un laborieux montage en mode « et si ? » qui nous présente une autre version de l’intrigue, c’est pour finir sur un échange de regards doux amer les deux anciens amoureux, pour se dire, ça aurait pu marcher, mais tant pis, on a nos vies et on a concrétisé nos rêves. Sauf que Stone et Gosling jouent l’échange de regard de façon tellement caricaturale que la référence qui saute aux yeux est justement une parodie de ce type de scène, Looks, de Jimmy Fallon.

Tout ça pour ça… Si vous n’avez pas deux heures à perdre, je vous suggère de réécouter Salut les Amoureux de Joe Dassin. Même histoire et jolie mélodie aussi.

La minute sériephile : Face à ce délire de feignasserie, on se demande comment le réalisateur n'a pas demandé des prises supplémentaires avec plus d'émotion... Once more with feeling, comme l’épisode de comédie musicale de Buffy contre les Vampires. Là aussi plus court et mieux réussi que l’ensemble de La La Land.

La minute geek : silence radio sur ce coup…

mercredi 18 janvier 2017

Nocturnal Animals, le cinéma comme art décoratif



Le genre : le Doutage, un film de Mylenie de Gouinaloux
Sans surprise, le film de Tom Ford se fonde sur des images et des lumières bien pensées, frappantes et souvent magnifiques. Seulement voilà, Tom Ford n’est pas Chris Marker et une collection de belles images ne fait pas La Jetée 
La forte prétention esthétique de A Single Man était parfaitement justifiable, puisqu’elle épousait, littéralement, le point de vue du mourant qui regarde le monde pour la dernière fois avec émerveillement. Malheureusement, Nocturnal Animals ne fait qu’aligner les jolies vignettes bien jouées dans une construction boursouflée mêlant passé, présent et récit dans le récit.
Si certaines images sont à couper le souffle, Ford se contente trop souvent de multiplier des plans chics sans valeur dramatique, comme ses 250 scènes de douche et de pluie qui tombe et ses 152 levers de soleil dans le désert. Il fait aussi pas mal dans le symbolisme cheap, notamment avec son générique, qui, je suppose, veut dénoncer la tyrannie d’une beauté calibrée ou l’art contemporain. Ou peut-être les deux. Et entre temps, pour bien marquer les transitions entre les trois axes de son film, il colle et recolle des plans identiques d’Amy Adams qui hoquette de stupeur. Génial.
Un exercice de futilité, comme disent nos amis anglais
Pour donner un cachet intello à son ensemble bancal, Ford multiplie les appels du pied cinématographiques. Seulement voilà, montrer des freaks qui dansent  n’est pas faire du Lynch. Et là où Mulholland Drive recréait cette tenace et vague impression de familiarité impossible à définir que laisse le rêve, en utilisant quelques objets pour lier rêve et réalité, Ford nous inflige des rappels feignasses entre ses trois histoires, les corps allongés sur fond rouge, les cheveux roux, les fameuses scènes de douche…
Son film n’est pas non plus le polar hitchcockien qu’il tente de nous faire avaler avec ses plans à la Vertigo, sa musique (top, par ailleurs) et sa tentative de faire d’Amy Adams une héroïne hitchcockienne glacée. C’est bien simple, Adams n’est ni glacée ni glaçante, elle est totalement neutre et ne parvient absolument à susciter la moindre émotion, malgré son élégance. Son intrigue ne contient en outre ni enjeu, ni secret, ni même de véritable suspense.
Tout ça pour quoi ?
En ouvrant son film sur un plan tiré de l’histoire « réelle » mais dans lequel la Mercedes issue du récit dans le récit semble veiller, Ford ouvrait pourtant des pistes. Mais non, Ford a manifestement zappé cette idée qui ne revient absolument jamais. Assez vite, d’ailleurs, le film perd pied dans ses intrigues et se structure autour d’une opposition visuelle aussi jolie que vaine entre le réel, lumière terne, ambiance feutrée et solitude, puis la fiction, lumière chaude, poussière, sueur et dialogues musclés.
Bien joli, et incontestablement bien joué et réalisé, mais comme Ford ne sait au fond pas vraiment ce qu’il veut nous dire, le film ne décolle jamais. Et deux heures plus tard, il s’effondre péniblement avec une scène finale abrupte et inepte, sans apporter de conclusion à son intrigue. Tout ça pour ça… Une belle galerie d’images, mais pas un bon film.

La minute sériephile : quitte à passer du temps à s’extasier sur de l’accent traînant du Sud, de la chique, de la violence et de la misère humaine, autant voir Killer Joe, pour voir ce que c’est vraiment, l’élégance dans la saloperie.
La minute geek : dans tous les films et séries modernes, un truc me choque de plus en plus. Tous ces personnages réveillés de nuit par leur Iphone posé sur la table de nuit, PAS BRANCHES.  Là, évidemment, ça aurait fait désordre dans le plan parfait de Ford qu’Amy Adams s’emmêle dans le chargeur de son Iphone avant de lire ses mails, mais franchement, qui dort sans faire charger son téléphone ?