vendredi 26 août 2016

Star Trek Beyond, digne de la Trilogie du Samedi





Le genre : cette fois-ci, j’ai bien cru qu’on allait y rester, capitaine


Soyons, honnête, ce troisième film de la nouvelle franchise Star Trek se regarde plutôt bien. Du divertissement d’été, plutôt habile dans sa réalisation quoique totalement creux.


Le nouveau réalisateur Justin Lin, issu de l’immortelle saga Fast and Furious, ne cherche plus à établir la mythologie, mais simplement à en faire tourner les éléments déjà posés. Le film suit donc une trame très standard d’épisode de série SF : le vaisseau, et la galaxie, sont en péril, l’équipage se se tire systématiquement à la dernière seconde des dangers les plus improbables et sauve le monde en bricolant une solution technique à laquelle personne n’avait pensé. 

Dans son cadre spatial, Star Trek Beyond est même à vrai dire fidèle à l’esprit de la série originale, en se déroulant pour la majeure partie au sol avec un équipage réduit, plutôt que dans l’espace à faire du combat à gros effets spéciaux. Mais à force de tout miser sur cette fidélité, le film offre au fond peu de réel suspens et quasiment aucun enjeu dramatique. Et ne me dites pas que la destruction du vaisseau est originale, l’Enterprise a déjà été détruit deux fois au cinéma.

Beyond tient ainsi plus de l’épisode de série à grand spectacle que du film et n’est qu’une aventure parmi d’autres du vaisseau. Ce qui est d’autant plus dommage que le dialogue d’ouverture se veut un clin d’œil ironique au matériau d’origine, quand le capitaine Kirk se lamente sur ce caractère finalement routinier (episodic, dit-il en anglais pour faire du LOL à peu de frais) de leurs aventures spatiales.

Et pourtant, du spectacle, il y en a, indubitablement. Justin Lin appréhende même ses grandes scènes d’action avec des idées plus originales qu’Abrams, pour un résultat plus abouti. Que ce soit dans le vaisseau en flammes ou dans sa cité escherienne de Yorktown (très belle réussite visuelle), il est très à aise et joue avec une certaine élégance de son espace sans pesanteur. C’est un peu plus malin que la débauche habituelle de flares d’Abrams. Même son utilisation des Beastie Boys, dont il fait un élément clé de l’intrigue, certes un peu téléphoné, est infiniment plus drôle que celle d’Abrams.

Tout ça ne vient malheureusement pas rattraper le traitement très superficiel des personnages... Suivant le syndrome Petits Mouchoirs, chaque personnage gagne une scénette pour creuser sa psychologie : Kirk est accro à l’action, Spock embrasse son humanité à coups de blagues nazes, Chekov est un queutard lourdingue, Sulu est gay et ainsi de suite... Par parenthèse, la scène sur Sulu dresse surtout le portrait d’un mec qui n’embrasse pas son mari qu’il n’a pas vu depuis deux ans, mais bon, il ne faut pas charrier non plus, le film ne voulait pas avoir le label « On est envahi de gays » de  Boutin.

Il est un brin dommage de gommer tout le fond Star Trek et sa véritable réflexion sur la différence culturelle, le droit multilatéral ou la notion d’humanité pour se concentrer sur la recette de ses épisodes les moins intéressants. Je reste dans l’ensemble un peu perplexe devant ce total manque d’ambition, surtout face aux qualités d’écriture dont Abrams avait fait montre pour appuyer sa franchise sur un concept nouveau qui n’était ni une suite ni un reboot. Mais bon, c’est pas tout ça, cette série de films ne cherche qu’une chose, transformer un produit nerd en produit grand public cool pour préparer le terrain de la nouvelle série. C’est triste, mais je suppose que c’est réussi.


La minute de guéguerre : les dialogues grotesques de Krall, entre formules pompeuses et manichéisme de bazar sonnent furieusement Star Wars. C’est à se taper la tête contre les murs quand on connaît la richesse des thématiques que Star Trek a pu aborder dans ses séries : la légitimité de l’ingérence au nom du progrès civilisateur, la difficulté de réconcilier les peuples après les accords de paix, l’intégration sociale de cultures différentes dans un cadre légal commun, le droit à l’autodétermination des intelligences artificielles dès lors qu’elles sont conscientes d’elles-mêmes…



lundi 8 août 2016

Jason Bourne : une troublante réflexion sur la standardisation du divertissement













Genre: Previously in Jason Bourne...


Avec Jason Bourne, plan par plan, Paul Greengrass, nous propose un film rigoureusement identique au premier film de la série Bourne. C'est déroutant au début, mais finalement fascinant.
Exploration troublante,et reflexion passionnante, le film se demande s'il existe en tant qu'objet culturel en soi, ou uniquement comme résultante d'un autre film, dont il est pourtant l'exact clone. C'est le même film, mais peut-on vraiment dire que c'est vraiment le même film ? Clairement dans la veine de Pierre Menard, auteur du Quichotte, de Borges, Paul Greengrass pousse en réalité l'abstraction encore plus loin que le vieux maître argentin, et nous propose malicieusement par son film un "Don Miguel de Cervantes, auteur du Quichotte"


A moins bien sûr que ce ne soit tout simplement le film plus incroyablement feignasse de ces dernières années. Pas un début de commencement de volonté de changer quoi que ce soit à une franchise qui marche, ni dans l'intrigue, ni dans la photo, ni dans le jeu, ni dans la realisation...
Jason Bourne est, comme toujours, recherché à la fois par des méchants de la CIA enfermés dans une salle de contrôle et par un méchant tueur à gage sur le terrain, il y a des scènes d’actions en Europe, des chambres d'hôtel sordides, des poursuites en voitures et des bastons. A la fin, Jason Bourne est à Washington ou il s'explique avec les méchants de Washington, avant de disparaître à nouveau sur Extreme Ways de Moby. Rien de nouveau sous le soleil, à un point qui frise le TOC.


Ici et là, un soupçon de mise en garde contre les dangers des réseaux sociaux, une grosse convention tech, un brin d’émeutes à Athènes et de Wikileaks, le tout pour coller à l’actualité et suivre à la lettre cahier des charges d’action « réaliste » des Bourne, et le tour est joué.


L’intrigue ne vous fera pas mal à la tête, et les scènes d’actions sont efficaces, quoique ridiculement identiques. Un personnage marche avec une casquette, jette un coup d’œil furtif et fracture une serrure /cut sur la salle de contrôle de la CIA où des personnages disent « Alpha 4 en approche » « Localisez la cible » /cut sur une baston quelconque où Jason Bourne met au tapis 28 agents de la CIA ou assassins / cut sur le méchant directeur qui dit « Je reprends le contrôle de l’opération, trouvez le et abattez le »/ cut sur Jason Bourne qui pose son blouson pour devenir méconnaissable et se fondre dans la foule.


Si toutefois vous perdez le fil, pas de panique ! En cas doute, c’est simple : si le personnage à l’écran vient simplement d’infliger une triple fracture ouverte du bras et un trauma crânien au policier sans le tuer, c’est Jason Bourne. S’il l’a égorgé ou abattu, alors c’est très mal moralement, et c’est donc Vincent Cassel, le méchant du film (il a souffert, voyez-vous… C’est très bien exploré au cours d’une scène bergmanienne sur la solitude et le tourment de 0,3 secondes).


Alors, faut-il aller le voir ? Si vous avez bien aimé les 3 premiers, certainement, puisque c’est le même. Bourne veut s’imposer comme une franchise parallèle et plus réaliste que Bond, avec la même longévité, comme le souligne la tagline du film " You know my name. " Les esprits chagrins feront de l'ironie facile sur l'absurdité de ce slogan, puisque Bourne est précisément en quête de son identité avant de devenir Bourne... Ce serait bien peu charitable.


La minute geek : on apprendra dans le film que le monde est devenu tellement fan des nouvelles techs, qu'en faisant Stanford, au cas très improbable où tu n'aies pas fondé de start-up de millionaire à 30 ans, tu peux quand même devenir directeur de la CIA, sans expérience de terrain. Il suffit de dire que les autres candidats ne comprennent pas les réseaux sociaux. Le réalisme caractéristique de la série Bourne et sa comprehension des enjeux du monde modern nous frappent une fois encore.


La minute sériephile : je ne sais pas quoi dire, tant ce film ressemble à un épisode parmi d'autres d'une série Bourne, qui répèterait mécaniquement le même schéma dans chacun de ses épisodes comme une série policière très classique. De celles dont on se dit qu'on peut facilement étendre leur intrigue pour les adapter en film. Le Fugitif, par exemple...
Tommy Lee Jones, qui doit en grande partie sa célébrité grand public au dit film savoure-t-il l'ironie de la situation en venant cachetonner ici comme méchant directeur ?