mardi 22 juillet 2014

Transformers 4, l'âge de la consternation



Le genre: le lifting de trop



En regardant Transformers 4, une chose m’a frappé. Je n’ai cessé de me demander pourquoi, et Michael Bay, et Hasbro, et Paramount ont manifestement décidé de virer l’ensemble des scripts et des vérificateurs de leurs studios. C’est la seule chose qui puisse expliquer qu’à tous les niveaux, celui du détail comme celui de la mythologie au sens large, ce film n’ait ni queue ni tête.

Je m’explique. Au sens large, l’Age de l’Extinction, introduit une nouvelle notion, celle de la création des Transformers par une autre race, manifestement organique. Race qui pour une raison très obscure (ou plutôt très omise lors de l'écriture du scénario) veut récupérer tous ses « Primes » lesquels sont en fait des chevaliers chargés d’explorer la galaxie. Une notion qui vient juste rayer de la carte toute la mythologie de la guerre civile de Cybertron, donc la base des 3 films précédents, mais qu’importe. On y apprend également que les souvenirs et donc les connaissances des Transformers sont stockés dans leur Spark, dans leur poitrine, mais pendant tout le film les scientifiques ont accès à ces souvenirs en disséquant les têtes des robots...

Au niveau des détails, je ne donnerai qu’un exemple de l’absence manifeste de script sur le plateau ou au montage. Dans une scène, les personnages sont dans un ascenseur, qui ne démarre pas parce qu’ils sont trop lourds. Mark Wahlberg en sort donc et l’ascenseur démarre. Problème, un plan montre la plaque indiquant que le poids maximum est de 680kg ou 9 personnes. Or ils ne sont plus que 3. En leur supposant très exagéremment un poids de 90kg pièce, il restait donc donc environ 400kg de charge. Soit Marky Mark a bien grossi depuis son bref passage au New Kids on The Block, soit le machin extraterrestre qu'ils transportent pèse 350 kg. Malheureusement, dans le plan suivant, Stanley Tucci trimballe le dit machin gaillardement à l’épaule.L’adrénaline, certainement…

Je pourrai m’étendre des heures mais ça n’a aucun sens. Le film est très simple, aucun personnage n’est écrit, sauf peut-être Stanley Tucci, le méchant devenu gentil mais qui reste sarcastique et passe le film à traiter les autres de cons. Maigre consolation. Une partie des personnages n’a littéralement aucune fonction ou aucun rôle, comme le surfer texan ou la géologue britannique (que sa bonnassitude sauve malgré tout et lui permet de survivre tout le film). 

Les effets spéciaux sont évidemment très réussis, mais l’empilement de scènes bien faites mais finalement sans imagination finit par franchement emmerder le spectateur, qui se fout d’ailleurs aussi des enjeux du (maigre) scénario. On est quasiment dans un film à sketches, puisqu'il n'y aucun liant entre les éléments. Ce qui est un progrès, cela dit, par rapport au 3, qui empilait une intro chiante de 1h45 sans action puis un final de 45 minutes sans respirations.

Nouveauté, cela dit, une partie du discours lourdingue sur la sécurité et la nation est déplacée vers un humain, qu’Optimus Prime finit par flinguer. Alors oui, c’est une première pour Optimus de tuer un humain, mais une minute après, on découvre aussi qu’Optimus vole, manifestement depuis le début. Alors bon, la cohérence…

Petit point qui m’a tout de même fait rire, Optimus Prime doit convaincre à un moment les Dinobots de se rallier à lui. Ce qu’il fait naturellement à grand coup de lattes hydrauliques dans le museau, dans une scène qui, fracas métallique mis à part, m’a furieusement rappelle celle d’Horizons Lointains ou Tom Cruise cogne son cheval pour le convaincre de participer à la course… Ça ne rattrape pas les 2h45 de consternation qui entourent cette scène.

La seule chose qui sauve peut-être le film, c’est la joie délirante avec laquelle Michael Bay dynamite ses propres codes en les usant sciemment à l’excès, comme un gamin rageur. Il coupe ses musiques épiques en plein milieu pour des scènes comiques impromptues et, dans une forme d’auto-parodie qui finit par relever de la psychiatrie, la moitié des plans sont baignés dans son putain de coucher de soleil orange, sans que le moment le justifie. Dans une journée baysienne, le soleil se couche manifestement 19 fois avant de se relever.
Bay, déjà taxé de racisme pour son précédent film, continue aussi à se vautrer avec une joie gamine dans les clichés ethniques, type tous les chinois font du kung fu, et les punch lines débiles. Le tout dans un grand bruit de tôle froissé, avec en prime, une seconde scène de destruction de Chicago, à se demander quel est son problème avec Chicago. Faut-il chercher du côté de ses exs ?

Même si on est client, le tout est quand même très indigeste. En revanche, si vous intéressez au monde des gens dont les thérapies coûtent 250 millions de dollars et s’imposent au monde, ce Transformers 4 à une bonne place aux côtés du dernier X-Men de Brian Synger.

La minute sériephile : drôle de destin que celui de Kelsey Grammer, manifestement abonné maintenant aux rôles de bad-ass en costume rayé (Beast dans X-Men, Attinger ici). Il reste pour moi le héros de sa sitcom Frasier, un psy de Seattle totalement névrosé, d’une préciosité exacerbée parce qu’il vit mal ses origines populaires. Une série qui avait le mérite d’être à la fois snob et fondé sur une véritable dynamique de comique de situation. Une série qui est aussi l’un des spin-offs les plus réussis de l’histoire avec 11 saisons, Frasier Crane étant, à l’origine, un des clients du bar de Cheers.

La minute geek : je ne cesse, dans chaque film de Michael, de m’émerveiller de sa conception toute personnelle des propriétés physiques du verre et du béton. Moi, quand je tombe sur le trottoir du haut de mon 1m85, certes poussé, je finis à l’hôpital pour me faire recoudre le menton (true story). Mark Wahlberg, lui, roule sur le béton en tombant de 8 mètres en s’écorchant tout juste la main et réussit à traverser des centaines de vitres, sans jamais se couper, et. Il se salit aussi beaucoup le visage, mais son jean en titane n’a pas un accroc malgré des centaines de chutes et éclats divers et variés.

mercredi 2 juillet 2014

Under the skin, un film concept trop ambitieux ?




Le genre : remake tant attendu de La Mutante par Godard

Si j’en crois les critiques le sujet d'Under the skin est l’errance d’une extraterrestre qui séduit des hommes puis les fait disparaître. Sur cette seconde partie, je veux bien, mais sur le caractère « extraterrestre », je ne vois pas exactement ce qui permet de tirer cette conclusion. Under the skin tient en effet plus de l’expérience sensorielle que du film, à proprement parler. Peu de dialogues, une intrigue quasi inexistante, tout n’est qu’un prétexte à la recherche formelle de Glazer, sur le thème du désir dans sa forme la plus brutale, de l'attraction physique pure.

La caméra y suit donc l’errance d’une Scarlett Johansson, qui continue son exploration personnelle après Her, et son rôle où elle n'apparaissait pas à l'écran, en renversant la vapeur pour un rôle qui n'est quasiment que de l'apparition physique, celui d'une séductrice sans personnalité. Littéralement. Son rôle, durant les deux premiers tiers est plus une fonction: attirer physiquement des hommes seuls puis les faire tomber dans son piège et les faire littéralement disparaître. Ces scènes d'abandon/mise à mort rythment le film, selon une logique identique, où la proie, subjuguée suit Scarlett (aucun personnage n’est nommé, le propos du film n’est pas là) dans un décor, ou une absence de décor, plus précisément, sur une eau d’un noir d’encre, et s’y enfonce avant de disparaître. Le manège est, je dois le reconnaître, hypnotique.

La première partie suit donc le rituel de séduction moderne, ici réduit à son aspect le plus physique, une forme d’errance permanente sur les routes, ponctuées de rencontre fortuites. Tout comme Her, Under the Skin s’interroge sur ce qu’est devenu le rapport de séduction, à une époque où les rencontres sont tout à la fois désincarnées au début, via les réseaux de drague en ligne, ou au contraire très physiques et sans réelle exploration de l'autre, dans le cas de la rencontre en boîte, aussi exploré ici. Le constat de Glazer est d'ailleurs plutôt que la séduction a disparu au profit d'une forme de satisfaction immédiate du désir sexuel et que seul le corps importe donc. On note d’ailleurs que lors d’une scène où le personnage manque de se faire violer, la musique est la même que lors de ces moments où elle entraînait les hommes à leur perte. Le thème musical n’est donc pas celui de Scarlett, mais bien celui du désir destructeur qui ne tient aucun compte de l’autre, dans un rapport qui n'est plus séducteur/séduit, mais chasseur/proie.

Le travail sur la musique et la bande sonore est très poussé, pour créer ce rapport quasi hypnotique entre l’image, souvent métaphorique, et le son. La recherche formelle de Glazer est, de ce fait, déroutante, tant elle nécessite de s'y abandonner totalement pour prendre toute sa substance. Je comprends d'ailleurs qu’on ne rentre pas dans ce jeu, assez complexe, d’autant que la première partie offre, outre cette forme d'expérience, un panorama assez glauque de ce que l’Ecosse compte de banlieues déprimées et de bretelles d’autoroutes. Si la deuxième partie ne se déplaçait dans les paysages somptueux de l’Ecosse sous le brouillard, le ministère du Tourisme aurait eu matière à porter plainte…

Ce qui sauve le film du simple exercice de style formel, réussi mais finalement vain, c’est cela dit d’aller plus loin dans la réflexion sur la différence entre désir et séduction en introduisant plus tard un nouveau personnage, qui lui ne cherche pas à séduire, ne cherche probablement plus à séduire. Le retournement qui lui permet d'arriver sur la scène, c’est finalement un acte d’amour de la part de Scarlett: accéder au désir d’un jeune homme gravement difforme, qui sait qui ne pourra jamais séduire, ni probablement approcher, une femme et le laisser vivre. C’est ce déclic qui éveille le personnage de Johansson à la conscience de son corps, et donc de sa séduction, et l’emmène sur une autre voie, celle de l’exploration de soi, et de la difficile construction de l’intimité avec l’autre.

La difficulté principale de ce film réside malgré tout dans le fait qu'on est obligé de s'y plonger à corps perdu, faute de quoi on reste à la limite de l'hilarité devant l’incongruité de l’ensemble.Un choix finalement d'une parfaite logique, puisque c’est bien là le sujet du film: l’abandon au désir et à la sensation, le refus de toute rationalité et de toute prudence. Or cette adhésion immédiate, cette étincelle, tient autant à l'esthétique léchée et au travail sur la sensation qu'à un concours de circonstance, d'un état d'esprit à temps t. Accepter Under the skin ne demande pas la seule suspension volontaire du jugement, il faut une implication plus profonde.

Je ne conteste pas l’intérêt du projet et la rareté du film, mais je n’ai pas réussi à m’abandonner à cette logique. C’est dommage, je suis peut-être passé à côté, mais je ne garde pas un souvenir impérissable de l’expérience Under the Skin. Je dois avouer que je reste un brin perplexe et me demande si l’œuvre n’a pas plus sa place dans un musée que dans une salle. Pour l'occasion, je crée une nouvelle catégorie, les films "Euh..." sur lesquels je ne sais pas trop quoi penser.
La minute geek : Le moment où Scarlett apparaît enfin sous sa forme "réelle" avec sa peau mal ajustée sur son corps a quasiment suscité un fou rire chez moi, tant elle m'a fait penser à une scène similaire dans Bad Taste de Peter Jackson, certes la tronçonneuse en moins.

La minute sériephile : ce thème général d’une entité alien qui s’attaque à des hommes seuls, sans liens, et les fait disparaître en les attirant des maisons d’apparence anodine dans des banlieues anglaises déprimantes m’a aussi furieusement fait penser à la moitié des épisodes de Doctor Who. Malheureusement, ici point de Docteur fantaisiste pour sauver la Terre… Il y a bien un genre de bûcheron violeur, mais il porte malheureusement assez peu de Converse ou de tweed, selon que vous êtes Tennantien ou Smithien.