mardi 17 juin 2014

Valar Morghulis, all shows must die





J’aime autant prévenir tout de suite, ça spoile sévère par ici. Bref, qu’est ce qui différencie la saison 4 de Game of Thrones des précédentes ? Deux changements majeurs dans la construction, l’un voulu, l’autre à mon avis plus subi. 

Pour le voulu, déjà l’apogée de la saison est dans son épisode final, contrairement à l’habitude de la placer dans l'épisode 9 : décapitation de Ned Stark, bataille de Blackwater et Red Wedding respectivement. Est-ce gênant ? Oui, considérablement. Ce choix correspondait à une philosophie d’écriture intéressante : dire que dans un monde aussi violent, un événement de cette ampleur, malgré sa charge émotionnelle, ne vaut surtout que par la façon dont il rebat les cartes politiques. Ici on revient à une construction classique, qui finit par sombrer un brin dans le ridicule tant elle ne nous offre pas un mais 19 cliffhangers dans le final.

Ce choix est aussi la conséquence de l’autre changement de construction, à savoir l’absence de ligne directrice de la saison. Il n’y a plus d’événement qui puisse lier les personnages entre eux, ni la peur de Daenerys, ni la lutte entre les Stark et les Lannister, ni rien. La bataille est finie, chacun fait son petit bonhomme de chemin. C’est d’autant plus dommage que la série tente maladroitement de recréer du lien a posteriori entre des événements apparemment sans rapports, le fait que la lutte entre les Stark et les Lannister soit finalement un énorme complot de Littlefinger, par exemple.


Je reproche aussi à l’écriture un franc foutage de gueule pour ménager ses effets. On a donc passé la moitié de la saison dans les bordels pour légitimer le personnage d’Oberyn, pourtant sans fonction autre que celle d’un accessoire d’intrigue, pour mettre un suspens dans un procès dont l’issue était pourtant annoncée dès le début ou encore passé la moitié de la saison à suivre Ramsay Snow, et son désir d’expansion très locale, dont on se fout, même si j’aime bien Misfits. En revanche, quasiment pas un mot sur Stannis, qui débarque dans le dernier épisode comme une fleur avec le seul mouvement foncièrement politique de la saison, la relégitimisation de son trône par le Nord.

Petit point géo, ici, d’ailleurs. Euh, si Stannis a réussi à débarquer au Nord du Mur avec toute une armée en bateau, sans se faire griller il sert à quoi le Mur ? Après quatre saison, on comprend que c’est la ligne Maginot de Westeros, un bel ouvrage mais qui protège la mauvaise frontière ?


 Tout n’est évidemment pas à jeter, mais je regrette très sincèrement la qualité d’écriture des saisons précédentes. Les motivations des personnages deviennent grossières, ce qui se ressent dans leur jeu, Tyrion excepté, qui s’en sort avec à peu près le meilleur axe de la saison. J’en prendrais simplement deux exemples, la voix de Littlefinger, de plus en plus rauque au fur et à mesure que son personnage est sombre (sûrement le syndrome de Batman), ou le personnage de Jaime, très bien mené la saison précédente, notamment sur ses motivations profondes à tuer le roi, et qui cette saison boude ou fait pas des calins à son petit frère quand il n’est pas occupé à violer Cersei. Un violeur émo et incestueux, belle évolution du personnage qui nous expliquait la notion d’intérêt général en saison 3.

 Bref, tout ça me dérange tant il n’y a plus de ligne directrice, juste des intrigues, de qualité variée, qui avancent en parallèle. Ca fait des bonnes scènes, notamment pour Arya et Sansa ou Tyrion, mais l'ensemble est assez inégal. Quand même le 9ème épisode, censément clé, ne présente en une heure que l’escarmouche de l’avant-garde d’une armée, je doute un peu. Pourquoi Stannis n’arrive pas à ce moment ? Pourquoi embaucher des gens comme Ciaran Hinds pour un rôle devenu si anecdotique que Mance Rayder ?


J'ajoute, et ça c’est mon côté Affaires Publiques, mais la situation politique me préoccupe un peu. Si on regarde bien, notre jeune roitelet, aussi sympathique qu’il soit n’a, à compter de ce soir, plus de Premier ministre, mort d’une gastro foudroyante, plus de ministre des Finances, condamné à mort et en fuite, un ministre de la Marine réputé pour son incompétence et un commandant de sa garde remarquablement léger (comment Tyrion a-t-il pu se balader dans tout le château ? une enquête parlementaire est en cours…) et un Maître Espion en goguette.

Allez, malgré tout, je vais être optimiste parce que le final ouvre quand même trois pistes intéressantes. Le départ de Tyrion et Varis pour Bravos, le départ d’Arya pour Bravos et le renoncement de Daenerys à ses dragons, qui confirme qu’elle assoit son trône à l’Est et renonce à Westeros. Même si sur ce point, la sortie des dragons du scénar, c’est un peu cracher à la gueule du public qui attend de les voir en action, comme promis dès le début.

Peut-être que toute cette saison n’était finalement qu’un grand épisode dix. Les derniers soubresauts de la guerre entre Stark et Lannister. La série met littéralement dans sa scène final cap vers un Est plein de promesses, ce que confirme d’ailleurs le casting, avec une arrivée en force du reste de la famille Martell. Alors, bon, soyons positifs. Une saison 4 qui a flingué la série pour mieux la faire renaître sur de nouveaux enjeux en saison 5 ?


La minute sériephile : Game of Thrones constitue quand même une évolution complexe pour HBO, dans la mesure où c’est une série chorale, mais avec une fanbase hystérique et un matériel source précis. Donc pas possible de la terminer comme ses précédentes séries chorales sur des non-fins, comme Oz puis les Les Sopranos. Ce qui me fait un peu peur. Soit il va falloir écrémer le casting au fur et à mesure pour n’avoir pas trop de boucles à fermer, soit il va falloir faire accepter que cette série peut ne pas avoir de fin parce que l’Histoire avance sans cesse.


Un peu de légèreté pour finir : au-delà du fait que tout le monde voulait le voir mourir, la mort de Joffrey aura quand même eu le mérite de générer ce magnifique meme :


Autre point, je ne sais pas si c’est ce personnage qui l’a dégoûté, mais l’acteur Jack Gleeson a annoncé qu’il mettait fin à sa carrière pour se consacrer plutôt à ses études de philosophie.