Le genre :
Harry Potter à l’école des criminels de guerre
Petite précision, je n’ai pas lu les romans, et je ne
traiterai pas du positionnement de leur auteur, sympathique mormon à côté
duquel Christine Boutin est une ardente militante du mouvement LGBT. Je ne le
traiterai pas précisément parce que le film présente plutôt une idéologie
humaniste, voire tolérante. Dans ce sens Ender’s
Game est plutôt dans la lignée de Starship
Troopers, dans une construction qui entend plutôt dénoncer que glorifier la
militarisation de l’humanité.
De quoi parle-t-on ici ? Cinquante après une attaque
extraterrestre qui a failli rayer l’humanité de la carte, une flotte
internationale choisit les enfants les plus intelligents et les envoie dans une
école militaire ultra bad-ass dans l’espoir de former le commandant ultime,
seul à même d’anticiper les mouvements ennemis et de protéger la Terre.
Harrisson Ford joue (sans vraiment se fouler, il faut bien
le reconnaître) le directeur de cette
école, fasciné par son jeune élève Ender, dont le parfait profil de sociopathe
l’enthousiasme au plus haut point. Ender, de son côté est un bambin charmant,
doté d’un solide esprit analytique et d’une grande capacité d’empathie mais qui
ne s’en sert que pour manipuler les autres, puisqu’il ressent le poids de ses
actes, mais juge ensuite de ce poids selon un ratio coût/efficacité assez
glaçant.
Ender varie ainsi les traitements qu’il inflige à ses petits
camarades, de la violence physique sans la moindre retenue à l’humiliation
publique en fonction de ses assaillants, son seul but étant que chaque fois qu’il
est attaqué, sa réponse doit être adaptée à l’adversaire pour que celui-çi n’aie
plus l’idée saugrenue d’y revenir. Le tout joué par Asa Butterfield avec une
violence contenue et un calme que ne renierait pas Dexter.
Encore une fois, je n’ai pas lu le bouquin, mais je pressens
que sa forme est plus adaptée à l’histoire que n’est le film, qui enfile pépère
les scènes, où Ender gagne à chaque fois pour nous montrer à quel point il est balèze.
On est donc dans une progression très linéaire, parfaite pour le jeu vidéo de
la franchise, tant elle suit la logique niveau, puis boss.
Je fais un petit écart, mais je ne m'étonne qu'à moitié de l'attrait des romans sur la culture nerd. C'est essentiellement la revanche de l'intello crevette introverti persécuté sur tout le monde. Cela dit, si Ender finit par triompher des méchants bullies du lycée, c'est aussi parce que c'est aussi un désaxé ultra-violent. A vrai dire, je ne suis pas très convaincu qu'il soit un modèle à suivre. Si l'Etat ne lui avait pas offert de devenir criminel de guerre ce qui canalise sa violence, ce pauvre garçon aurait certainement fini en tueur de lycéens, type Colombine.
Mais je m'égare. Là où le film est cela dit plus vicieux, intéressant et
subtil, c’est qu’Ender pense jouer à un jeu, à une simulation pour se préparer,
alors qu’il commande sans le savoir une flotte réelle. Seul les officiers
savent que son rôle sera clé, et débattent entre eux de la moralité de leurs
actions. Comme souvent dans ce genre de film, le point de vue de Ford est que
le sacrifice de l’âme de ses enfants est un prix acceptable par rapport à la
destruction de l’humanité. C’est finalement un discours sur la fin justifiant
les moyens qui prévaut dans beaucoup de film, mais sans être souvent posé en
termes aussi radicaux.
Sur ce point, déjà, Ender’s
Game offre une lecture plus contrastée qu’on pourrait le penser. En allant
plus loin, la réaction d’Ender quand il comprend non seulement qu’il a envoyé
des milliers d’homme à la mort, et accessoirement ordonné un génocide contre
une race dont les motivations belliqueuses ne sont pas, ou plutôt plus,
clairement établies est révélatrice. Ce qu’Ender’s
Game suggère avec une aridité qu’on ne voit plus si souvent, c’est que
cette dialectique de justification de l’emploi de la force est idiote et,
fondamentalement, inhumaine. Parce que le seul qui peut prendre des décisions
aussi violentes n’est pas le commandant parfait, mais le commandant qui ignore
la portée de ses actes. Ender le dit, en temps réel, il n’aurait pas pris les
mêmes décisions, l’enjeu étant différent.
En approchant la question par les yeux de l’enfant qui joue,
et ne cherche donc qu’à gagner, par vanité et par plaisir, sans prendre en
compte la morale ou la dimension réelle de ses actes, notamment la portée des sacrifices qu'il consent, le film dénonce la non
prise en compte des impacts d’une décision et/ou le refus de la prendre par
ceux qui ont toutes les cartes en main. Le sujet du film n’est pas tant la
guerre, que la capacité d’une démocratie à agir en tant de guerre, dès lors qu’elle
doit prendre les intérêts de tous en compte, réflexion qui poursuit celle de
Battlestar Galactica. La réponse qu’apporte le film est d’ailleurs ambigüe et laisse la
question ouverte.
Je ne reviendrai pas là-dessus, mais je répète que le
sous-texte du plus récent Star Wars est nettement plus dérangeant, dans sa
façon de confier la définition du bien, en morale pure comme en politique
concrète, à un ordre religieux armé qui ne répond à personne et rejette toute contradiction.
Certain ont trouvé Ender fascisant, je lui trouve au contraire le mérite de
poser que ce qui caractérise l’humain, c’est l’indécision, la pitié et l’espoir,
et non la certitude de ses croyances.
Alors Ender’s Game,
pourquoi pas ? Certes, la linéarité et les dialogues ne sont pas très
enthousiasmants, quitte à mettre en permanence le spectateur dans l’attente de
quelque chose qui ne vient pas vraiment. Mais le film fait le job visuellement,
notamment pendant la bataille finale et les scènes d’entraînement sans gravité.
Et surtout, il offre une lecture plus originale que celle du space opéra béat
et met le doigt sur des zones un peu sensibles. Et c’est déjà beaucoup.
La minute geek :
toujours intéressant de voir dans les films d’anticipation comment les
designers se concentrent sur certains aspects mais rejettent la réflexion sur
tout le reste. Ici, on se bat en zéro gravité sans soucis dans des combinaisons
en tissu intelligent, on construit des vaisseaux interstellaires équipés de
canon qui détruisent le lien entre les molécules, mais les mômes ont des Ipads
et les bagnoles roulent encore sur des routes en asphalte. Je préfère mon bon
vieux Gattaca et sa SF low-tech, qui finalement était le plus proche de la
réalité (téléphone montre, voiture électrique et scanner biométrique).
La minute nanarphile,
à défaut d’être sériephile : Ben Kingsley cachetonne ici, ce qui n’est
pas exactement tout à son honneur (encore qu’il ait fait bien pire, notamment
un consternant navet sri-lankais A Common
Man.
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