lundi 23 septembre 2013

Pain & Gain, l’épisode le plus drôle de tout CSI Miami





Le genre : Horatio Caine fait face à un gang redoutable, littéralement sans cerveau

Pain & Gain, c’est l’invraisemblable, et pourtant bien réelle et tirée d'un fait divers, chronique de la bêtise de trois culturistes qui ont monté l’enlèvement d’un des clients de leur salle de sport pour devenir riches. Michael Bay, qui nous avait habitué à plus d’explosions, signe là son film le plus personnel, et à mon avis le plus réussi, et c’est un fan de Transformers qui le dit.

Je suis assez client du côté très, très pompier de la filmo de Michael Bay, des clichés cinématographiques qu’il a contribué à implanter durablement dans un certain cinéma d’action, le retour des héros au ralenti, les avions au coucher du soleil, le « money shot » en général. Je dois dire que, même si c’est totalement absurde (non, en fait, précisément parce que c’est totalement absurde), j’adore aussi sa grammaire du dialogue pendant le combat, ces phrases de café du commerce sur la vie, la liberté, la vengeance, l’amour que peuvent s’envoyer des robots de trente mètre de haut entre deux mandales de poings de 5 tonnes.

C’est pourtant oublier que Bay est aussi un spécialiste du buddy movie, que ce soit Bad Boys out The Rock (si, The Rock est clairement un buddy movie), et aussi capable d’une forme d’humour un peu plus décalée, comme le prouvait le personnage de Steve Buscemi dans Armaggedon. Avec Pain & Gain, il puise plutôt dans ces deux thèmes et fait ce qu’on a oublié qu’il savait faire un film de personnages, plutôt anti-spectaculaire. Pour un budget environ 2,5 fois inférieur à celui du dernier Astérix, c’est dire.

Et pas n’importe lequel film de personnages ! Concentré sur l’infinie bêtise de ses trois larrons, obsédés de la « perfection » du corps, érigée comme modèle et comme philosophie de vie, Bay se permet une critique assez drôle d’une Amérique devenue obsédée par l’illusion que le corps est la clé de la réussite et par les slogans de « développement personnel » (excellente apparition de Ken Jeong en gourou, au passage). 

D’aucuns diront d’ailleurs que cette critique de la part de Bay, qui a largement contribué au mouvement, en étant l’un des maîtres du film d’action à gros budget et à bonnasse est passablement putassière et cynique. Ce n’est pas totalement faux ; il n’en reste pas moins que Pain & Gain est un film totalement maîtrisé, visuellement, incroyablement rythmé, et surtout très drôle. Il est pour moi l’inverse de Spring Breakers, film lui aussi maîtrisé visuellement, mais perdu dans une posture arty insupportable et dans une forme de dénonciation intello et bavarde de la vacuité, là où Bay se dit que la montrer plein pot, c’est encore le plus efficace.

Comme je le disais, c’est un film de personnages. En plus des dialogues, Bay mêle avec beaucoup d’intelligence les voix-off de ses 4 personnages principaux, moments de pure bêtise pour les 3 bodybuilders, contrepoint cynique et ahuri devant tant de stupidité du détective qui est sur leur piste, Ed Harris, qui ne se foule pas, mais dont l’élégance blasée vient parfaitement compléter le tableau.

Certains critiques ont été choqué de la violence des dialogues, notamment des discours illuminés contre les juifs et les homos. C’est justement, à mon sens l’un des points intelligents du film, ne pas avoir tenté d’édulcorer la réalité, de ne pas avoir renoncé à montrer l’insondable crétinerie de ses protagonistes. Et notamment celle de la victime, qui ne vaut pas tellement mieux. Personne n’est ici à excuser, c’est l’ensemble d’un monde de paraître et d’argent facile qui est dénoncé.

La prestation de Dwayne Johnson, qui campe ici avec un certain génie un colosse cocaïnomane et illuminé, menée dans sa descente par sa vision, disons pour le moins personnelle, de l’Evangile, est époustouflante. Mark Walhberg, lui, joue avec une jouissance son personnage monolithique, qui ouvre et ferme le film par cette maxime stupide «My name is Daniel Lugo and I believe in fitness », qui prouve qu’il n’a absolument aucun recul, aucune capacité à voir le bien et le mal, ou quoi que ce soit d’autre, en fait, si ce n’est sa propre image. 

Bay s’est emparé d’un scénario idéal, tant la réalité dépasse ici la fiction. Elle lui ouvre un festival de gags, un enchaînement de scènes et d’actions plus stupides les unes que les autres, qui lui permet de donner un rythme très soutenu à son intrigue. Il ne se prive pas de glisser des plans très « bayens » sur les hors-bords au coucher du soleil, mais ici avec un esprit sale gosse séduisant : l’identification avec les personnages est impossible, trop bêtes, trop bouffons. Tout le bling ne peut être que leur vision de la réussite et du bonheur. Que Michael Bay s’autorise du coup à relever la propre idiotie de son imagerie me semble un peu plus malin que de se perdre dans une pose de jugement et de condescendance, point faible de Spring Breakers, et, d’après ce que j’ai compris, du Bling Ring de Sofia Coppola.

Bien pensé, bien réalisé et maîtrisé. N’est-ce pas finalement ce qu’on demande à un film d’auteur ? Si en plus c’est drôle…

La minute geek : Je ne peux évidemment pas passer à côté de l’apparition de Tony Shalhoub, la victime, pour parler de ce film ode au geek qu’est Galaxy Quest. Trop méconnu, ce coup de génie met aux prises le cast fatigué d’une série de SF ringarde à une vraie invasion extraterrestre. Indispensable, notamment pour son Alan Rickman qui ne supporte plus d’être réduit à son rôle et pour la première apparition de Justin Long.

La minute sériephile : quitte à parler de Tony Shalhoub, je pourrais aussi parler de Monk, mais je trouve que la série manque d’arcs narratifs, et de charme en général, la faute à des personnages secondaires trop mal construits. Tout le contraire de Castle, qui vaut le coup, et pas que par le charisme de Nathan Fillion.

lundi 9 septembre 2013

The World’s End, comme quoi il n’y a pas que James Bond qui puisse sauver le monde un verre à la main





Le genre : La soupe aux choux badass

The World’s End, ici, ce n’est pas l’apocalypse que nous ont promis d’abolir Pacific Rim ou les Avengers. C’est tout bêtement le 12ème pub d’une ville tranquille anglaise. Le jour de leur bac, cinq potes se sont promis de réussir un barathon et de faire les 12 dans la nuit. Ils ont échoué au 9ème. 20 ans plus tard, Gary King, leur chef de bande, devenu un flamboyant loser bloqué dans son adolescence, réussit à les convaincre de boucler la boucle et d’atteindre la « Fin du monde ». Seulement voilà, en chemin, ils vont devoir combattre une invasion extraterrestre et peut-être bien mettre fin à notre civilisation.

Edgar Wright et Simon Pegg continuent ici sur leur lancée et ferment leur trilogie Cornetto, qui consiste globalement à mélanger deux styles de films dans un tout cohérent, quoique forcément décalé. Leur grand talent est de réussir à tenir sur la durée les deux postulats. Ici, on est autant dans The Hangover que dans un film de SF classique où des extraterrestres remplacent peu à peu la population d'une ville, type Body Snatchers ou encore le Village des Damnés, classiques de la littérature SF des années 50-60 régulièrement réadaptés. 

La grande qualité de ce film c’est donc de réussir à la fois un film de SF, certes potache, mais aussi une comédie de potes sur le thème de la cuite. Plus le film avance, plus nos cinq compères sont ivres morts et font des choix de moins en moins cohérents. Les dialogues se parsèment d’absurdités, passent par les différentes phases de l’ivresse, l’invincibilité, l’attendrissement, l’agressivité, l’apitoiement, dans une série de scènes réjouissantes. Simon Pegg, notamment, se donne un rôle jusqu’au-boutiste et se garde quelques scènes magnifiques de combat où son but est avant tout de réussir à finir sa pinte pour pouvoir réussir son pari.

Tout comme Shaun of the Dead, le film réserve aussi une place à une forme de critique sociale plutôt bien vue, ici celle de la starbuckisation du monde, de la prévalence de standards de chaînes. Pegg et Wright font également du thème du bilan et la jeunesse passée un thème central, remarquablement doux-amer. Les réflexions des 4 adultes, entre regret et soulagement, sont cela dit régulièrement dynamitées par les raisonnements obscurs et les envolées lyriques sur le thème de la pinte de Gary, Peter Pan de l’alcoolisme juvénile qui refuse de grandir.

Le ressort de ce film, c’est justement ce mélange constant des genres, cette capacité à se créer un rythme appuyé sur la disruption et à désamorcer et l’émotion et la science-fiction avec des fous rires et des absurdités de bourrés, dont la géniale scène du vieux gymnase, fou rire totalement déplacé en plein milieu d’une poursuite, sur la base d’un jeu de mots simpliste. La scène finale, sans spoiler, poursuit cette logique et offre une plaidoirie hilarante pour l’humanité par deux losers braillards, défendant le droit historique, inscrit dans l’ADN, des hommes à faire n’importe quoi et à agir de façon irresponsable.

Tout se suit le sourire aux lèvres, tout le monde à l’air de s’y amuser, notamment Pierce Brosnan, une heure et demie de détente sans autre ambition, et, finalement, d’une certaine subtilité et élégance, que n’a pas, par exemple, The Internship (plutôt pas mal, malgré tout). On peut supposer que la dernière ouvre sur une nouvelle trilogie qui pourrait marcher, à voir donc !

La minute geek : Il n’est pas totalement anodin de revoir venir ce thème du remplacement de l’humanité par des « ennemis » venus d’ailleurs. Les deux romans cités sont propres à une littérature SF très marquée par le contexte de Guerre Froide et la paranoïa de l’espion ennemi, donc de celui qui a l’air normal mais ne l’est pas. Le contexte d’évolution des menaces vers le terrorisme sans visage plus que la guerre entre états augure à mon avis de remakes prochains.

La minute sériephile : Il semblerait que les obligations de Martin Freeman lui aient enfin laissé le temps de tourner la 3ème saison de Sherlock. La BBC a même lancé un pre-trailer, ici . Pas trop tôt.