Le genre : Horatio Caine fait face à un gang
redoutable, littéralement sans cerveau
Pain & Gain, c’est l’invraisemblable, et pourtant bien
réelle et tirée d'un fait divers, chronique de la bêtise de trois culturistes qui ont monté l’enlèvement d’un
des clients de leur salle de sport pour devenir riches. Michael Bay, qui nous
avait habitué à plus d’explosions, signe là son film le plus personnel, et à
mon avis le plus réussi, et c’est un fan de Transformers
qui le dit.
Je suis assez client du côté très, très pompier de la filmo
de Michael Bay, des clichés cinématographiques qu’il a contribué à implanter
durablement dans un certain cinéma d’action, le retour des héros au ralenti, les
avions au coucher du soleil, le « money shot » en général. Je dois
dire que, même si c’est totalement absurde (non, en fait, précisément parce que
c’est totalement absurde), j’adore aussi sa grammaire du dialogue pendant le
combat, ces phrases de café du commerce sur la vie, la liberté, la vengeance, l’amour
que peuvent s’envoyer des robots de trente mètre de haut entre deux mandales de
poings de 5 tonnes.
C’est pourtant oublier que Bay est aussi un spécialiste du
buddy movie, que ce soit Bad Boys out
The Rock (si, The Rock est clairement un buddy movie), et aussi capable d’une
forme d’humour un peu plus décalée, comme le prouvait le personnage de Steve
Buscemi dans Armaggedon. Avec Pain & Gain, il puise plutôt dans ces deux thèmes et fait ce qu’on a oublié qu’il savait faire un film de
personnages, plutôt anti-spectaculaire. Pour un budget environ 2,5 fois inférieur
à celui du dernier Astérix, c’est dire.
Et pas n’importe lequel film de personnages ! Concentré
sur l’infinie bêtise de ses trois larrons, obsédés de la « perfection »
du corps, érigée comme modèle et comme philosophie de vie, Bay se permet une
critique assez drôle d’une Amérique devenue obsédée par l’illusion que le corps
est la clé de la réussite et par les slogans de « développement personnel »
(excellente apparition de Ken Jeong en gourou, au passage).
D’aucuns diront d’ailleurs que cette critique de la part de
Bay, qui a largement contribué au mouvement, en étant l’un des maîtres du film
d’action à gros budget et à bonnasse est passablement putassière et cynique. Ce
n’est pas totalement faux ; il n’en reste pas moins que Pain & Gain est un film totalement
maîtrisé, visuellement, incroyablement rythmé, et surtout très drôle. Il est
pour moi l’inverse de Spring Breakers,
film lui aussi maîtrisé visuellement, mais perdu dans une posture arty
insupportable et dans une forme de dénonciation intello et bavarde de la
vacuité, là où Bay se dit que la montrer plein pot, c’est encore le plus
efficace.
Comme je le disais, c’est un film de personnages. En plus
des dialogues, Bay mêle avec beaucoup d’intelligence les voix-off de ses 4
personnages principaux, moments de pure bêtise pour les 3 bodybuilders,
contrepoint cynique et ahuri devant tant de stupidité du détective qui est sur
leur piste, Ed Harris, qui ne se foule pas, mais dont l’élégance blasée vient
parfaitement compléter le tableau.
Certains critiques ont été choqué de la violence des
dialogues, notamment des discours illuminés contre les juifs et les homos. C’est
justement, à mon sens l’un des points intelligents du film, ne pas avoir tenté
d’édulcorer la réalité, de ne pas avoir renoncé à montrer l’insondable
crétinerie de ses protagonistes. Et notamment celle de la victime, qui ne vaut
pas tellement mieux. Personne n’est ici à excuser, c’est l’ensemble d’un monde
de paraître et d’argent facile qui est dénoncé.
La prestation de Dwayne Johnson, qui campe ici avec un certain
génie un colosse cocaïnomane et illuminé, menée dans sa descente par sa vision,
disons pour le moins personnelle, de l’Evangile, est époustouflante. Mark
Walhberg, lui, joue avec une jouissance son personnage monolithique, qui ouvre
et ferme le film par cette maxime stupide «My name is Daniel Lugo and I believe
in fitness », qui prouve qu’il n’a absolument aucun recul, aucune capacité
à voir le bien et le mal, ou quoi que ce soit d’autre, en fait, si ce n’est sa
propre image.
Bay s’est emparé d’un scénario idéal, tant la réalité
dépasse ici la fiction. Elle lui ouvre un festival de gags, un enchaînement de
scènes et d’actions plus stupides les unes que les autres, qui lui permet de
donner un rythme très soutenu à son intrigue. Il ne se prive pas de glisser des
plans très « bayens » sur les hors-bords au coucher du soleil, mais
ici avec un esprit sale gosse séduisant : l’identification avec les
personnages est impossible, trop bêtes, trop bouffons. Tout le bling ne peut
être que leur vision de la réussite et du bonheur. Que Michael Bay s’autorise
du coup à relever la propre idiotie de son imagerie me semble un peu plus malin
que de se perdre dans une pose de jugement et de condescendance, point faible
de Spring Breakers, et, d’après ce
que j’ai compris, du Bling Ring de
Sofia Coppola.
Bien pensé, bien réalisé et maîtrisé. N’est-ce pas
finalement ce qu’on demande à un film d’auteur ? Si en plus c’est drôle…
La minute geek :
Je ne peux évidemment pas passer à côté de l’apparition de Tony Shalhoub, la
victime, pour parler de ce film ode au geek qu’est Galaxy Quest. Trop méconnu, ce coup de génie met aux prises le cast
fatigué d’une série de SF ringarde à une vraie invasion extraterrestre.
Indispensable, notamment pour son Alan Rickman qui ne supporte plus d’être
réduit à son rôle et pour la première apparition de Justin Long.
La minute sériephile :
quitte à parler de Tony Shalhoub, je pourrais aussi parler de Monk, mais je trouve que la série manque
d’arcs narratifs, et de charme en général, la faute à des personnages
secondaires trop mal construits. Tout le contraire de Castle, qui vaut le coup, et pas que par le charisme de Nathan
Fillion.