lundi 18 février 2013

Gangster Squad, téléfilm en costumes d'époque, comme du France 3 en plus violent




Le genre : jeu vidéo, sauf qu’on ne joue pas.

La comparaison avec les jeux vidéo sautera évidemment aux yeux de quiconque a joué à Mafia puis à la version jeu du Parrain. C’est peut-être parce que ce film est si remarquablement mal joué, et que toute l’émotion est donc censée être dans les dialogues, que Gangster Squad ressemble autant à une cinématique de jeu, dont on sait que l’animation des visages n’est pas encore exactement le point fort. Mention spéciale au maquillage de Sean Penn, qui ressemble furieusement à un personnage de Dick Tracy (souvenez-vous, cette version très queer des années 80 avec Madonna et Warren Beatty).

Ryan Gosling parle d’une voix curieusement fluette et atone pendant tout le film, avec non pas l’air absent qu’il avait dans Drive, et qui allait au personnage, mais avec ici l’air de se foutre totalement de ce qui se passe. Josh Brolin fronce les sourcils pour montrer qu’il est un vrai dur et les autres personnages tentent de se dépatouiller, sans grand succès, de dialogues dignes de Piège en Haute Mer. Personnages d’ailleurs totalement dénués d’intérêts, et là encore calqués sur un modèle archétypal de « team » improbable propre au monde du jeu (le texan fan de six-coups, le noir qui a des contacts dans son ancien quartier, le geek…)

Comme dans les jeux vidéo à ambiance, la reconstitution est très minutieuse et nous amène dans de nombreux jolis décors « typiques » : la villa du méchant, le club de jazz, le tripot clandestin, l’aéroport avec bi-moteurs rutilants… Le séquençage du film en « missions » ne fait malheureusement que renforcer l’impression d’être dans un jeu, et rend cet empilage de scènes et de décors très vain. Et ce n’est pas en collant du jazz dessus qu’on améliore le résultat. 

Le final, dans un hall d’hôtel somptueux va même plus loin. Le côté grandiloquent du décor confirme qu’on est au dernier niveau du jeu, et la mise en scène, tout comme, plus profondément, l’écriture de la scène, rappelle furieusement une séquence de butage de méchants dans Call of Duty.

Le film lorgne évidemment aussi largement sur les Incorruptibles sans en avoir le quart de l’intérêt, la composition de Mickey Cohen qu’offre Sean Penn étant, par exemple, et c’est malheureux à dire, franchement grotesque. Le lien humain entre les équipiers est, pour le moins, flou, puisque manifestement personne n’a pensé à écrire de scènes sur leur motivation. A un niveau qui frise l’ironie dans le cas de Navidad Ramirez, le latino de la bande, puisque les dialogues font régulièrement référence au fait qu’on ne sait pas trop ce qu’il fout là !

Point amusant, la salle a vaguement réagi positivement à un enchaînement de scène, où l’une scène finit sur une tête qui explose, suivie immédiatement d’un plan sur de la viande hachée jetée sur un grill. Ah quelle imagination, quel décalage ! Je rappelle à tout hasard que c’était l’un des effets comiques principaux du film Le Magnifique de Philippe de Broca, sorti en 1973 ! 

Dénué du moindre recul par rapport à ses dialogues lourdingues et à son intrigue pourrave, ce film ne prête même pas à sourire tant il se prend au sérieux. Mais bon, si on aime les hommes à chapeau, je suppose que ça vaut le coup de se déplacer. C’est quoi d’ailleurs ce délire de Ryan Gosling qui ne quitte pour ainsi dire jamais son chapeau, même quand il se prépare le petit-déjeuner en marcel  le matin ?

La minute geek : le plus triste là-dedans, c’est que le jeu Mafia reste mieux écrit et joue plus habilement avec les codes du genre. Ce qui est tout de même assez fort. Le scénariste ne semble pas avoir compris que choisir comme personnage un mafieux à états d’âme est plus intéressant que suivre un flic qui se comporte en brute sans jamais se remettre en question. Peut-être parce que le premier a justement une âme. Qui se souvient des flics dans Les Affranchis ?

La minute du sériephile : Pour moi, Robert Patrick, ici dans le rôle du texan, reste plus l’agent Doggett des X-Files qu’il n’est le T-1000. Le trop rare exemple d’une série qui a su renverser entièrement son paradigme de départ, avec un Doggett rationaliste qui seconde une Scully devenue paranoïaque. Certes, c’est arrivé trop tard pour relancer la série, mais les dernières saisons sont plutôt de bonne facture.

vendredi 8 février 2013

1 scénariste n’aurait pas fait de mal aux 7 psychopathes.





Le genre : troisième degré raté

Martin McDonagh avait cueilli tout le monde avec son Bons baisers de Bruges en 2008. On y retrouvait l’inventivité des premiers Guy Ritchie, celle que Guy semble avoir perdue, ses situations absurdes, ses gangsters paumés et son rythme. Le film ne devait pas en principe être distribué aux Etats-Unis, mais devant le succès, il l’a été. Et du coup, on a bombardé le réalisateur de nouveaux moyens, et notamment d’un casting en or massif.

Seulement voilà, là où tout le film précédent tournait sur un casting réduit et une unité de lieu relative, les 7 psychopathes multiplient les lieux, les personnages, les caméos de luxe - que viennent faire Michael Pitt et Gabourey Sidibe dans cette galère ? Surtout dans des rôles aussi anecdotiques  - et les  temporalités. Le tout dans une intrigue qui se veut une réflexion inspirée et ironique sur le polar, mais qui plombe complètement le film. 

Prises isolément, pas mal de scènes dont drôles, un peu inventives, plutôt pas mal écrites (encore que, je trouve les effets très, très faciles par moment, notamment dans les dialogues), mais l’ensemble n’est pas cohérent. Ça ne va nulle part, et on finit par perdre tout intérêt dans ce qui se passe à l’écran.

L’histoire est assez simple, un scénariste d’Hollywood cherche l’inspiration, et la trouve auprès d’un semi acteur semi escroc, qui l’entraîne dans une histoire avec des vrais méchants. Le scénariste est vaguement alcoolo, thème récurrent qui n’amène en fait strictement rien à l’ensemble, si ce n’est une consistance falote et factice à un personnage totalement transparent. C’est l’effet Petits Mouchoirs: plutôt que de tenter d’approfondir les personnages on va les « caractériser », en leur donnant un trait dominant, c’est plus facile.

Mc Donagh qui a co-écrit le film est complètement largué. Il a voulu faire du Charlie Kaufman, en mélangeantune partie de l’intrigue qui est réelle, une partie qui est le scénario en cours d’écriture par le personnage, et une autre partie qui est ce que les autres personnages ajouteraient au dit scénario. Pour compliquer le tout, l’un des personnages, l’acteur, agit précisément en fonction du fait que son histoire finira par devenir un scénario, là où l’autre, le scénariste, lui répète que la vie et le cinéma, c’est différent. Ha ! Ha ! Ha ! Oh que c’est astucieux et original !  C’est beaucoup trop faussement intello et prétentieux pour avoir la bonne foi énergique d’un Expendables.

La même logique du trait dominant étant appliquée à chacun des personnages.  On sent que le casting des psychopathes voudrait bien faire semblant de s’amuser, personne ne croit vraiment à l’ensemble. Pas plus Woody Harrelson en mafieux prêt à tout pour sauver son petit chien, que Christopher Walken en ex-tueur mais chrétien philosophe. 

Sur le plan de l’image, je le répète, prises isolément, pas mal de scènes sont intéressantes, notamment la partie sur le tueur Amish, avec un Harry Dean Stanton mutique et très drôle. Quelques dialogues marrants, quoique le film souffre du syndrome du tout dans la bande annonce et que le décalage voulu et censément surprenant entre le calme des personnages et leurs éclats de violence verbale soit vite pénible. 

On a un film qui lorgne clairement sur Guy Ritchie et ses scénarios à coïncidence, sans en avoir le sens du timing, sur Tarantino sans en avoir le sens du dialogue et de la narrativité, et sur Kaufman, sans en avoir l’intelligence, ni la poésie. Un film qui se défend d’être prétentieux, mais qui l’est, moins stupide que d’autres mais raté. 

La minute du sériephile : Željko Ivanek, vient cachetonner ici en homme de main. C’est dommage que les réalisateurs ne comprennent pas plus que son intérêt réside dans la fragilité qu’il sait déployer, même quand il joue une raclure. Son meilleur rôle reste d’ailleurs pour moi Ray Fiske dans Damages, même si en gouverneur Devlin dans OZ, il n’était pas mal non plus.

lundi 4 février 2013

Jack Reacher, un film curieusement centriste, mais très efficace





Le genre : scandaleuse incitation à ne pas payer le stationnement.

Comme tout le monde, en voyant la bande-annonce, je me suis dit au début, tiens, Tom Cruise a décidé de se payer son Drive. Pourquoi pas, après tout ce garçon fait ce qu’il veut de son argent. Dans la seconde partie de la bande-annonce, quand j’ai vu les poursuites et les fusils d’assaut, je me suis aussi dit qu’il n’avait peut-être pas totalement compris ce qui fait l’intérêt de Drive. Mais bon, j’y suis allé quand même. 

Et j’ai eu bien raison, la bande-annonce est une vaste blague destinée 1) à amener les gens qui ont aimé Drive voir un Tom Cruise 2) à amener les gens qui ont aimé XXX à voir le film. Or il ne ressemble ni à l’un, ni à l’autre. Jack Reacher est un film d’enquête, plutôt complexe, bien mené, avec un héros qui n’hésite pas à péter la gueule des suspect au besoin, dans la plus pure tradition du polar américain. Bref, un film policier archi-classique, et même d’une certaine élégance. 

Pour résumer, un sniper fou tue 5 personnes à Pittsburgh (je crois, mais ça n’est jamais clairement dit, et on s’en cogne). Devant les multiples preuves récoltées par la police scientifique, le suspect est arrêté, et ne demande qu’une chose, qu’on lui trouve Jack Reacher. Le dit Jack Reacher, ancien as de la police militaire débarque, explique que le suspect n’en serait pas à son coup d’essai, même si la précédente affaire a été étouffée, mais trouve quand même que la scène de crime est trop parfaite : franchement, pourquoi le tueur aurait-il payé le parking ? Il flaire autre chose, et il a évidemment raison.

Sur cette trame, Christopher McQuarrie nous pond un film fluide, qui monte en permanence en tension et dans lequel les apparences sont souvent trompeuses. Sa galerie de personnage est assez fine, à commencer par Jack Reacher, arrogant et insupportablement sûr de son fait, qu’il s’agisse de se battre seul contre 5 types ou de mener un interrogatoire. Violent et précis, mais forcé de s’adapter avec humour aux circonstances. Son apparente indifférence fonctionne d’ailleurs bien à Tom Cruise, dont le visage ne bouge plus depuis vingt ans. C’est quasiment un concept, plus qu’un personnage.

Robert Duvall en amateur d’armes libertarien et sidekick improbable est très bon, comme Richard Jenkins en procureur pleutre, même trop pleutre pour être un méchant. Je ne comprends pas bien ce qui a poussé Werner Herzog à accepter son rôle de grand instigateur du complot, mais il est impeccable, comme Rosamund Pike en avocate idéaliste avec un vieux problème d’ego familial à régler. 

C’est d’ailleurs par ses personnages que le film est curieusement centriste. A la fois critique d’un conflit irakien manipulé par des intérêts privés et de la folie des amateurs d’arme anti-gouvernement, mais avec un héros qui ne respecte pas vraiment non plus la justice. C’est assez rare, on oscille entre le « tous pourris » de droite d’un Dirty Harry et le « tous pourris » de gauche d’un Michael Moore. Le héros comme son antagoniste sont d’ailleurs quasiment anarchistes, mais avec une nonchalance élégante.

Le film fait également preuve d’un sens du dialogue beaucoup plus poussé que la moyenne, aussi bien dans  les scènes d’action, où Tom Cruise est sans cesse ahuri du concours de circonstances contre lui, que dans les scènes d’enquête plus classiques. On retiendra la scène de présentations à l’hôpital, conclue par le très inspiré « Weird meeting you » de David Oyewolo, et la réplique désabusée de Tom Cruise à Robert Duvall sur son obsolescence d’homme analogue dans un monde digital.

Les scènes d’action, peu nombreuses, contrairement à ce que laisse penser la bande-annonce, sont assez surprenantes, toujours courtes, puisque Jack Reacher est quand même super bad ass, et souvent drôles, ce qui ne gâte rien. Je pense notamment à la fin de la poursuite en voiture, contrepoint assez génial où le héros s’enfuit tranquillement en prenant le bus.

L’ensemble fonctionne bien, sans se prendre la tête. Un polar malin et bien exécuté, pas aussi étonnant que Drive, mais aussi beaucoup moins pompeux que Cogan. C’est devenu si rare, un film qui ne s’effondre pas sous le poids d’ambitions un peu ridicules…

La minute du sériephile : David Oyewolo, ici flic louche, jouait le méchant dans Rise of the Planet of the Apes. Se destine-t-il à une carrière de méchant noir en costume ? Ce serait dommage, il était si sympathique en espion amoureux dans MI-5. Malheureusement pour lui,  dans cette série, même les personnages principaux ont la vie courte ; il n’a fait que les 3 premières saisons. Et son personnage ne risque pas de revenir.

La minute geek : pas grand-chose à se mettre sous la dent. Un film pas très geek, ce qui n’est pas très étonnant, le film est assez peu référencé, puisqu’il reste remarquablement centré sur son sujet.